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Brenac,
demeure philosophale ? - 2 -
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Sur
le plan de l'église de Brenac ci-dessus, j'ai replacé les médaillons
peints sur la voûte par François Courtade à peu près à la même époque que le
furent ceux de Notre Dame de Marceille par Henri Gasc et son équipe.
Là encore pour plus de précisions sur leur placement, je ne peux que
renvoyer à l'étude très complète d'André Douzet. (1)
Il nous faut tout d'abord constater que ces représentations sont, à ma
connaissance, uniques en leur genre. On ne peut ici tenter de les
raccrocher à des litanies comme c'est partiellement le cas à Notre
Dame de Marceille. Cependant et c'est là toute l'ambiguïté mais aussi
toute la finesse de leur concepteur, ces images peuvent avoir plusieurs
niveaux d'interprétations possibles dont l'un, et non des moindres, est
alchimique.
Pour chacune d'entre elles, je vais donc tenter une approche à la fois
religieuse et alchimique, vous laissant le soin de choisir celle qui vous
parait la plus probable.
Mais notons en préambule le choix des coloris utilisés dont la
dominante "or" est constante y compris pour des sujets qui
auraient logiquement dus être d'une toute autre couleur (cœur, tour,
ancre, oiseaux...). En réalité notre peintre s'est restreint à une
gamme très limitée pour représenter ses sujets. Elle est faite de
noir, de blanc, de rouge
et surtout de jaune d'or. Choix qui rentre en coïncidence
parfaite avec les grandes phases de l'Oeuvre philosophale : le noir, le blanc, le
rouge s'ouvrant sur l'Or éternel.
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Pour
commencer, constatons que rien ne définit dans la nef de l'église en
tout cas, un ordre de lecture préconisé par l'auteur de ces
médaillons.
Si nous débutons par la gauche et dans la première travée, nous pouvons
retrouver un pélican se sacrifiant pour nourrir sa couvée sous un
IHS.
Cette légende sublimement reprise par le poème d'Alfred de Musset
symbolise le sacrifice du Christ qui lui aussi donna son sang sur la croix
pour sauver les hommes du pêché.
Les rayons sortant du "H" du
IHS ( qui signifie selon la récupération en usage (voir
ici) : Iesus Hominum Salvator, éclairent bien en effet, ce
sacrifice pour les hommes dont Jésus est le Sauveur. Sacrifice sur la
croix de douleurs dont on peut aussi considérer que ces trois rayons
émanent.
Dès lors, on comprend la très grande subtilité, la profonde finesse du
concepteur de ces fresques. Celui qui a peint ici maîtrise parfaitement
la symbolique chrétienne et il ne peint pas pour son pauvre auditoire
habituel peu instruit et souvent incapable de traduire en concepts
chrétiens clairs les images qu'il observe en levant la tête.
Pour qui donc peint-il alors ?
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Mais ce symbole du
Pélican est aussi en usage chez les alchimistes pour qui le pélican est
d'abord et sur un plan fonctionnel le vase circulatoire qui a la forme d'un pélican se perçant la poitrine
de son bec. C'est d'ailleurs ainsi et par ce terme de "pélican" qu'ils nomment
ce récipient de travail.
Le Pélican volatil aux ailes déployées nourrit en son nid ses
petits qui eux, ne volent pas encore.
Sur l'image ci-contre extraite du "Philosophia
reformata" de Johann
Daniel Mylius, traité d'alchimie écrit en 1622, on observe une Reine
couronnée qui tient haut un ballon de verre contenant notre pélican se
sacrifiant. Elle se tient sur une lionne qui allaite elle-même ses
petits. Cette lionne vient donc de se reproduire et tout comme le pélican
subvient par sa substance même au besoin de ses petits.
On peut difficilement imaginer que le créateur de cette illustration ait voulu
évoquer un vase nommé Pélican contenu dans un autre vase. Il faut alors
en déduire que l'on nous met sur la voie de bien autre chose.
Alors, nous pouvons aussi considérer autrement le sens des rayons
émanant du H, symbole de l'Esprit, car le H est aussi fait à l'image
d'une l'échelle qui permet
à la fois la montée comme la descente. Une échelle telle celle du songe
de Jacob qui y vit des anges de lumière en monter et en descendre en un
douce et lumineuse agitation.
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L'ancre,
nous l'avons vu (voir Brenac 1), est
symbole d'espérance.
Elle arrime le navire et lui assure stabilité et
fermeté, c'est pourquoi elle fut adoptée comme symbole par les premiers chrétiens.
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Mais, on pourrait aussi penser que comme pour le médaillon "Stella Maris"
de Notre Dame de Marceille, cette représentation de Brenac est un
hommage à la Vierge Marie.
On y retrouve en tout cas exactement la même
étoile à cinq branches qui dans les deux cas n'est pas une étoile de
mer.
C'est le seul médaillon de Brenac où figure une étoile sommitale, la
grande majorité d'entre eux ayant un triangle, symbole lui de la très
sainte trinité dominant la création.
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Mais
l'ancre est aussi symbole de la mer, de l'élément liquide, de
l'eau.
Voilà qui ne peut que parler à un adepte qui n'oubliera pas non plus que
le latin lupus peut signifier à la fois le loup et... le grappin.
Un blason figurant sur la fontaine des quatre Tias de Fontenay le Comte (2)
reprend une idée très similaire, on y retrouve l'étoile et sous elle
l'ancre. Une flèche indique l'interaction, l'échange qui se produit
entre l'une et l'autre. Cet échange est à Brenac symbolisé par les
rayons arrosant l'ancre, nous conduisant à l'idée d'une fixation, d'un
ancrage de cet influx projeté par l'étoile aux cinq branches. Et au
fond, ce second médaillon reprend un peu l'idée du précédent, il nous
décrit un échange, un flux en migration.
Nous verrons dans une dernière page consacrée à Brenac à quel point
cette image de l'ancre marine peut s'associer à un autre symbole fort en matière
d' alchimie.
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Cette
fresque est assurément très étonnante, certainement très originale.
Une main que l'on suppose être celle de Dieu sort des nuées et va se
saisir d'un animal loup ou chien paisiblement couché au milieu d'oiseaux.
Au dessus de notre tableau, c'est cette fois le triangle d'or qui arrose
de ses rayons toute la scène.
Le chien est un animal honni dans les
évangiles qui ne l'évoquent guère. On suppose un chien, car François
Courtade a peint un agneau sauvé des épines par le Christ (comme sur le
confessionnal de Rennes-le-Château avec un grand réalisme) les oreilles
et le museau de son agneau sont bien différents.
Peut-on penser que Dieu choisit un loup assagi, un loup capable de
vivre au milieu des colombes ? Aucune référence iconographique de ce
type ne me venant à l'esprit, il serait difficile d'extrapoler plus avant
sur la signification de cette scène !
Nous
avons vu en analysant le médaillon précédent que le terme de
"lupus" pouvait désigner une ancre, un grappin, mais nous
retrouvons ici aussi notre loup, symbole potentiel de l'antimoine (voir
ici), oui mais de quel antimoine ?
Un loup aussi gris que les colombes qui l'entourent ? La
férocité traditionnelle de l'animal est ici apaisée par les colombes.
Nos volatils ne volent pas ou plus et ayant tempéré l'ardeur du loup,
celui-ci peut maintenant être prélevé par la main divine. Colombes de
Diane et loup sont des symboles bien connus des alchimistes.
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Une
tour, une grotte ou une arche, ou arcade naturelle ! Seule l'assimilation
une fois encore à la tour de David, médaillon repris à Notre Dame de
Marceille peut trouver écho dans le fond de symboles chrétiens
disponibles au sujet. Mais pour l'arche ou l'entrée de grotte ?
On peut vraiment se demander comment en son temps le curé de Brenac
réussit à expliquer sa peinture à ses paroissiens en dehors de ces
références bibliques ou mariales bien faibles ici !
En
terme d'alchimie, il en va un peu différemment car la matière première
du Grand Oeuvre issue de la minière devra entrer dans l'athanor souvent
symbolisé par une tour.
Cette interprétation pourrait paraître une fois encore saugrenue, aussi deux illustrations tirées du
"Der Hermetische
philosophus", ouvrage alchimique édité vers 1710 nous
permettront
de mieux comprendre mon assertion.
Nous y voyons deux hommes user du pic dans un paysage montagneux. Sur son
aire un pélican nourrit sa couvée, assurant sa régénération. Puis
dans la vignette qui suit nous retrouvons notre homme au bonnet (le bonnet
fut le symbole de l'alchimiste) en train de
pénétrer dans sa maison tour. Au fronton, le sceau de Salomon, nous rappelle
comme sur le seuil de Notre Dame de Marceille (voir
ici) que nous entrons en domaine d'initié. Sa tour ronde a elle
aussi sa petite échauguette.
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Un
crâne, des os enfermés en une sorte de tombeau. Au-dessus, des flammes
s'échappent d'une ouverture et au milieu d'elles, un oiseau prend son
envol. Tout cela sous le triangle rayonnant de la très sainte trinité.
Comment chrétiennement expliquer cela, envol de l'âme après la
mort ?
La résurrection ? Mais dans ce cas pourquoi ces flammes ?
L'incinération
n'étant pas à l'époque, une mode "chrétienne" comme aujourd'hui, doit-on
évoquer une sorte d'épuration par le feu ? A noter que le feu était
autrefois réservé aux hérétiques que l'inquisition envoyait périr sur
le bûcher.
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Le
premier oeuvre alchimique est dit "oeuvre au noir". Il est mort,
noirceur et putréfaction.
Alors se retire, croit-on, l'essence même de la matière première. Le
corbeau en est l'oiseau emblématique.
Ainsi, sur cette image
ci-contre peut-on voir ce même symbole de l'oiseau au-dessus du crâne,
les flammes n'en sont pas non plus absentes. Au dessus de cette
illustration comme pour beaucoup d'autres dominent à la fois le soleil
aux rayons d'or et la lune aux raies d'argent.
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gravure
extraite du :
"Microcosmische vorspiele des neuen Himmels
und der neuen Erde", 1744
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Nous
voilà bien devant une autre énigme ! Car rien ne permet d'expliquer cette
représentation en ayant recours à l'imagerie chrétienne classique !
Sur un lit de nuées, deux cœurs sont posés, cela pourrait être celui
de Jésus entouré d'épines et celui de Marie. Mais l'épée
transperçant le cœur de Marie est absente ici.
Sur la gravure ci-contre,
nous voyons, selon la vision de Marie-Marguerite Alacoque, Jésus lui
présenter son cœur sacré, brûlant d'amour pour l'humanité. La colombe
du Saint-esprit survolant l'ensemble sur fond de nuées. Certes mais que
représentent alors les gouttes visibles sur la peinture de Brenac ?
Pourquoi ces deux cœurs inertes et qui ne rayonnent plus ici ?
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Ce
même symbolisme de l'oiseau, des nuées et des gouttelettes est quant à
lui très présent en matière d'alchimie.
L'oiseau y est perçu comme élément volatil, confirmé ici par ses ailes
déployées.
L'illustration de Brenac voudrait alors nous signifier qu'un élément
"volatil" va se poser sur deux autres éléments chauffés et donc
dégageant leur vapeur ?
Cette autre illustration ci-contre nous permet de constater que furent
utilisés dès le XVIIème siècle les mêmes codes graphiques.
On y retrouve notre volatil s'élevant au-dessus d'un serpent vert que ne
renierait pas le grand Goethe, tenant en ses crocs un disque jaune promesse
de l'or futur.
A son opposé, un crapaud tient lui une corne lunaire
promesse d'argent futur. Mais l'un et l'autre bien que de nature différente se complètent et s'unissent en un soleil
éclatant symbolisant le grand tout, le Graal des alchimistes.
L'adepte
qui autrefois, examinait avec attention ce dessin extrait du
Theatrum Chemicum Britannicum d' Ashmole en 1652
comprenait sa profonde vérité.
Est-ce aussi une part de cette vérité qu'à
voulu nous transmettre ce bien étrange prêtre de Brenac ?
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vers
Brenac 3
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Notes
et sources :
(1) -Voir ici et les pages suivantes : http://www.societe-perillos.com/brenac_01.html
(2) - http://hdelboy.club.fr/fontenay.html |
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Retour
vers la Reine |
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