Brenac, demeure philosophale ? -1-








André Douzet, inlassable chercheur de nos mystères du Razès s'est interrogé sur l'étrange décoration de l'église de Brenac dans l'Aude, et ses pages, d'une grande richesse d'observation, m'ont incité à rendre visite à cette troublante église (1).

Nous ne sommes qu'à quelques kilomètres de Rennes-le-Château et on ne peut oublier que bien d'autres prêtres que Bérenger Saunière ou Henri Gasc se sont activement impliqués dans la décoration de leur église.
Aussi, les fresques peintes par l'abbé François Courtade dès 1848 justifient à elles seules une visite dans ce village de quelques deux cent âmes. 





La nef et le chœur de l'église de Brenac, on peut voir au plafond les fresques qui feront l'objet de cette étude.




Mais avant de nous intéresser à ces fresques, il est peut-être utile de revenir en une première page sur quelques interrogations de l'étude d'André Douzet.

Ainsi, note-t-il avec justesse la présence d'une énigmatique "chapelle miraculeuse" qu'il pense créée dans une ancienne ouverture donnant vers le sud. Cette porte fut sûrement condamnée par la construction en appui sur l'église de la Mairie (voir notre photo ci-dessus).

En juin 1675,  Marie-Marguerite Alacoque (1647-1690) religieuse du couvent de l'ordre de la visitation de Paray-le Monial voit lui apparaître le Christ qui lui dévoile son cœur en lui disant : "Voilà ce Cœur qui a tant aimé les hommes".




C'est ce Christ du Sacré cœur qui trône au milieu de cette chapelle. 
La dévotion au Sacré-cœur de Jésus ne cessera dès lors de se développer accompagnée par la création de très nombreuses confréries. Nous avons déjà rencontré les signes de cette engouement à Rennes-le-Château (voir ici)
Les deux portraits de part et d'autres sur les murs latéraux de cette chapelle vont nous confirmer cette attention de François Courtade au Sacré-cœur. 
Le premier est celui de Marie-Marguerite. Si le prénom de Marie est bien visible sur le phylactère de gauche,  celui de Marguerite, au dessous, est réduit aux lettres MAR mais on peut deviner celles qui suivent.







En vis à vis, nous pouvons contempler le portrait d'un homme qui n'est pas sans nous rappeler Saint François d'Assise. Et en effet, Le 4 octobre, fête de saint François d'Assise (1182-1226), Dieu donnait pour protecteur à Sœur Marguerite-Marie le Saint stigmatisé, le lui déclarant comme étant « un des plus grands favoris de son Sacré Cœur. »




A la gauche du portrait du Saint, un autre phylactère comporte les mots suivants :"Mon Dieu ...Mon tout", oraison sublime et bien connue du pauvre petit frère François d'Assise, auteur du magnifique cantique de frère soleil et grand stigmatisé que nous retrouvons aussi statufié dans cette même église de Brenac. 
Le plafond de la petite chapelle isole un autre cœur sur fond rouge. 
Ainsi, sans clairement l'indiquer, car ne sont pas discernables au tout premier abord et Sainte Marie-Marguerite Alacoque et Saint François d'Assise, cette chapelle fait bien référence au culte du Sacré Cœur en pleine expansion à l'époque où furent réalisées ces peintures.

Mais ce terme de "chapelle miraculeuse" nous rappelle aussi cette petite chapelle de la rue du Bac à Paris où Catherine Labouré des Filles de la Charité, en juillet 1830 vit apparaître la très sainte vierge en une image qui fut immortalisée sur des médailles. Sur une de leurs faces, Marie en charité sur l'autre deux cœurs : celui de Jésus, couronné d'épines, et celui de Marie, percé par le glaive. Symboles omniprésents à Brenac.




Cette dévotion au Sacré-cœur de Jésus que nous retrouvons aussi très présente dans l'église voisine de Bérenger Saunière fut très forte dans les milieux de la droite religieuse, monarchiste et anti-républicaine. Centrée d'abord sur Paray-le Monial où Marie-marguerite Alacoque vécut ses visions, elle se déplacera sur Paris où dès 1870, on commence à envisager la construction d'une église dédiée au Sacré Cœur. 
C'est en 1891, date au combien emblématique à Rennes le Château mais aussi à Chambord que sera inaugurée l'intérieur de la nef. Mais une sympathie qui pourrait nous paraître bien anodine aujourd'hui ne devait pas s'afficher aussi ouvertement autrefois, surtout à une époque où République et Clergé s'affrontèrent avec violence.







Trois autres représentations ont laissé interrogatif André Douzet, elles se situent sur le dôme qui surplombe le chœur et nous pouvons les apercevoir sur la photo du chœur de l'église un peu plus haut. 

Ces trois personnages symbolisent les trois vertus théologales chères à St Paul dans sa Première Épître aux Corinthiens ( Co 13, 13) : « Maintenant donc, ces trois-là demeurent, la foi (pistis) (ici elle est aveugle ou presque), l’espérance (helpis) et l’amour (ou : charité, agapè) mais l’amour est le plus grand. »

On représente traditionnellement la foi avec son ostensoir contenant l'hostie sacrée, l'espérance par une ancre (que tient ici le personnage du milieu) et la charité ou l'amour par un cœur enflammé.
Cette représentation est assez rare dans une église et intéressante parce que ces trois vertus sont celles qui servirent de base au Credo des alchimistes. 
A l'écoute de St Paul, ceux qui eurent la foi et l'espérance ancrés en leur âme réussirent avec l'aide de la grâce divine à atteindre leur sublime Graal. 
De son usage tout comme St Vincent de Paul, il ne voulurent retenir que l'œuvre de Charité.




Enfin, une autre énigme soulevée par M. Douzet trouve peut-être sa solution avec un agrandissement de l'inscription située sur le socle de la statue représentant Jeanne d'Arc.

En effet, on pouvait s'étonner du manque de centrage de cette inscription et remarquer qu'avait été masquées à la peinture noire les mentions sûrement portées avant le prénom de notre vaillante bergère.
En réalité, nous pouvons distinguer un B majuscule et en exposant les lettres REUSE signifiant : Bienheureuse. 
Car avant d'être canonisée très tardivement en 1920 et donc de pouvoir être appelée Sainte, Jeanne fut tout d'abord déclarée "vénérable" en 1894, puis "béatifiée" en 1909 selon les règles canoniques en usage.
Il est probable que ce ne soit pas l'abbé Courtade qui ait fait l'achat de cette statue mais son successeur et qu'elle portait à l'époque la mention de "Bienheureuse Jeanne d'Arc" qui devint donc obsolète en 1920. 
Tout le monde n'ayant pas les talents de peintre et de calligraphe que possédaient François Courtade, Jeanne d'Arc ne reçut pas d'autres qualificatifs. Mais, chère au cœur de tous les français (surtout d'ailleurs des royalistes !) en avait-elle vraiment besoin ?

Voilà donc, mais à mon appréciation, quelques petites énigmes résolues. L'église de Brenac en détient cependant bien d'autres et, ne l'oublions pas, nous ne sommes qu'à quelques battements d'ailes du piton de Rennes-le-Château !

Christian Attard



Bienheureuse



vers Brenac 2




Notes et sources :

(1) -Voir ici  et les pages suivantes : http://www.societe-perillos.com/brenac_01.html



Retour vers la Reine