Le devoir de Dieu  - 4 -
Les compagnons de Magdeleine

Myriem  - Mlle Lina Pacary
(Revue l'art du théâtre - Col. Christian Attard)

Nous avions déjà observé, à plusieurs reprises, l'utilisation en peinture du personnage de Marie-Magdeleine comme support de discrets codages. Compas et équerres, symboles communs à tous les Compagnons de Devoir, figuraient habilement suggérés sur ces toiles représentant la sainte. 
Nous avions aussi croisé le chemin de ces mêmes compagnons et lu leurs signes apposés sur la petite chapelle de Pezens.

Il est bien rare que ces compagnons gravent ainsi leurs marques sur un édifice religieux, ils le firent sur des ouvrages antiques, souvent exceptionnels par leur ampleur (le pont du Gard, le temple de Diane, la fontaine de Nîmes...) mais ne marquèrent pas les églises. Il semblerait donc que celles consacrées à Marie-Magdeleine fassent exception.
Nous avions aussi constaté l'importance que le culte de Marie de Magdala a eu pour eux et retrouvé le symbole de l'entrecroisement du compas et de l'équerre sur leurs cannes et fanions sans toutefois pouvoir affirmer si l'on pouvait associer cet entrecroisement à la Vierge Marie ou à Marie Magdeleine.

On peut retrouver ces équerres et compas mêlés sur ce document ci-dessous issu de la très intéressante revue "folklore de l'Aude"
(1). M. Herber y rédigeait un article consacré au graffiti des compagnons. En 2, nous y retrouvons bien les fers à mulets du compagnon ferrant dont certains, gravés, figurent sur la chapelle de Pezens (11) et en 5 et 6 les fameuses équerres et compas.

Équerres et compas dont nous avions autant constaté la présence sur des représentations de Marie-Magdeleine que sur des objets voués au culte marial comme ci-dessous à Notre-dame-de-Marceille. Bien que la lecture officielle en soit "Ave Maria" pour certains (les frères maristes par exemple) ou "Auspice Maria" (sous  la  protection de Marie) pour les prêtres de la compagnie de Saint Sulpice, il ne fait pas doute que le symbole ne se rattache qu'à la Vierge Marie.

Le monogramme de Marie derrière la Vierge de Notre-dame-de-Marceille avant sa "restauration".
(Photo Ch. Attard)

En rangeant quelques vieux documents oubliés sur une étagère basse, j'ai cependant eu le plaisir de retrouver quelques très anciennes revues consacrées au tout début du siècle à l'art théâtral. Le n°32 d'août 1903 de la revue mensuelle "l'art du théâtre" sous la plume de Louis Schneider donne le compte-rendu d'une représentation au Théâtre de Nice du drame sacré "Marie-Magdeleine" de Jules Massenet. Lina Pacary y tenait le rôle titre, le plus étonnant n'était sûrement pas la distribution de cette opéra évangélique, mais bien une partie de son décor réalisé sous les directives de M. Contessa. En voici une reproduction :

 

La maison de Marie-Magdeleine selon M. Contessa
(Source "L'art du Théâtre - août 1903 Col. Ch. Attard)

Comme on peut le constater les entrecroisements abondent ! Sous formes de claustras ou de treillages de toutes sortes, ce sont bien compas et équerres qui sont encore une fois mis en évidence à ceux qui savent les reconnaître ainsi montrés. Cette surabondance de signes est là bien présente et dans la maison de Marie-Magdeleine. 
Comprenez-moi bien, ce décor construit en 1903 et associant une symbolique forte d'abord chez les compagnons du devoir qui firent de Marie-Magdeleine leur saint patronne, puis chez les francs-maçons (observez ici les triangles, cercles, carrés, rectangles et points) nous prouve bien toute l'importance de la sainte pénitente à leurs yeux.
Le thème du croisement du compas et de l'équerre a certes trouvé le support du double M des initiales de Marie de Magdala, l'un à l'endroit, l'autre à l'envers, comme il a pu le trouver sur les initiales de l'"Avé Maria" mais il est ici flagrant, largement exposé. 
Cette observation doit nous faire regarder comme beaucoup moins moderne qu'on ne peut le croire la transmission d'une connaissance cachée (claustra en latin) concernant Marie-Magdeleine et dont la thématique centrale était déjà celle du croisement et de l'inversion.

Les doigts croisés de manière si peu naturelle de Marie-Magdeleine 
(Photo utilisée avec l'obligeance de Jean Brunelin, son auteur)

Ce croisement se retrouvant jusque dans la manière si peu naturelle de joindre ses deux mains de la Marie-Magdeleine de l'autel de Bérenger Saunière. Les doigts formant possiblement compas et équerre, là encore.
En dehors de la compréhension même de l'abbé Saunière, il est très possible que ces subtils signes aient pu, nous l'avons vu, être placés dans quelques représentations. Mais, il est maintenant difficile d'exclure du fond initiatique des Compagnons du Devoir toute l'importance de la sainte pénitente et claustrée (claustra) volontaire de la Sainte-Baume.
Il semble donc bien que, dans cette continuité, nos auteurs britanniques aient désiré divulguer un peu plus d'un certain savoir en se servant d'un lieu fortement connu et en s'appuyant sur le fort retentissement médiatique que leur ouvrait la pseudo-sulfureuse histoire du curé au millions.

Le thème du croisement, très tôt associé à la sainte dans son iconographie pouvant bien entendu ouvrir à bien des extrapolations dont la plus connue est une descendance supposée du Christ...

Christian Attard


Notes et sources

(1) Revue "folklore de l'Aude"  N°49 article "les graffiti de compagnons" de M. Herber
(2) Revue "l'Art au théâtre" N° 32 - Août 1903 - Article "Marie-Magdeleine" de Louis Schneider.
Retour vers la Reine