Blanche de Castille et Saint-Louis dans le Psautier de Saint Louis
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Notes de Lectoure - 2 -




Quelle serait donc cette nouvelle hypothèse que Gérard de Sède allait nous proposer dans son dernier ouvrage pour tenter de comprendre, si ce n'est de résoudre, ce mystère de la fortune de Bérenger Saunière ? 

L'écrivain note tout d'abord que Noël Corbu, le tout premier à répandre la "légende" de cette fortune soudaine parle de trésor, jamais de parchemins trouvés. Ce qui est pourtant erroné puisque l'aubergiste évoqua bien des parchemins portant le sceau de Blanche de Castille.
Ces parchemins n'apparaissent physiquement qu'avec Pierre Plantard et le pseudo Henri Lobineau or ceux qui sont confiés à Gérard de Sède ne portent aucun sceau. On peut supposer que la falsification d'un sceau royal eut été bien trop complexe pour les petites mains qui ont créé les faux parchemins, il est donc préférable de faire disparaître totalement les supposés originaux pour n'en produire que des calques, logique. Si Blanche de Castille n'est point là, les documents introduisent bien Dagobert II et Sion, tremplin vers le Prieuré du même nom et un Plantard devenu de Saint Clair. 
Un temps, on a bien sûr voulu embrayer sur la création du tavernier Corbu en évoquant une Blanche de Castille mais aucune des Blanche historiques passées en revue n'avaient de chance d'avoir enfoui un trésor à Rennes-le-Château. Ennuyeux... pas vraiment !





La station VIII du chemin de croix de Rennes-le-Château.
L'enfant de la veuve selon Gérard de Sède !

(Photo Christian Attard)




Sub Rosa

C

Avec cet étrange mélange de culture, de naïveté et parfois, il faut bien le dire, de rouerie, Gérard de Sède revient à ses vieilles lunes. Sa lecture ésotérique de l'église de Rennes-le-Château pointant vers la Rose-croix ne tient malheureusement plus le temps. On sait, depuis nos études, que le concepteur du chemin de croix n'est pas Saunière mais bien Giscard, le statuaire toulousain et qu'il n'y a rien de franc-maçon ou de Rose-croix dans les représentations du calvaire du Christ. Par rebond, De Sède nous montre même la maison des Giscard et évoque là encore une symbolique maçonnique sur sa façade. Je crois avoir démontré que cette symbolique et au contraire celle des Compagnons.

Beaucoup ont pourtant développé cette fausse interprétation maçonnique de la décoration exubérante de la petite église à sa suite ( De sède est le premier à parler des Chevaliers bienfaisants de la Cité Sainte). Et s'il est vrai que les maçons et créateurs de rites pullulaient dans le voisinage de Rennes (les Chefdebien, Marconis de Nègre et Fleury), il faut noter ici l'emploi de l'imparfait. Temps que De Sède ramène au présent de Saunière, ellipse on ne peut plus fausse car une génération s'est écoulée depuis le départ de ces personnages influents et les choses ont bien changé au sein de ces nobles familles.
Les francs-maçons audois à l'époque de Saunière sont avant-tout anti-cléricaux, rompant avec la présence de membres du clergé dans les loges avant la Révolution.

Voilà pourquoi, on ne peut plus qu'évoquer l'hypothèse de documents trouvés lors de la réfection de l'église.





Regnabit, la revue dans laquelle écrivit l'abbé Em. Hoffet




Synthèse et foutaises


Tentant maintenant d'ouvrir son chemin dans la jungle des sociétés dites ésotériques de l'époque de Saunière, Gérard de Sède se basant sur une partie des archives du prêtre Emile Hoffet (1873-1946), collaborateur du journal Regnabit, revue du Sacré-Cœur, s'intéresse au personnage sombre de Georges Monti. 

Hoffet, ésotériste certes mais viscéralement chrétien, proche de la société du Hiéron d'or de Paray-le Monial avait la difficile tâche de ramener dans le giron de l'Église les âmes égarées de la société intellectuelle et artistique de l'époque. En outre, comme tout prêtre traditionaliste qui se respecte, il faisait, lui aussi, office d'espion mais pour le Saint Siège. Notons que strictement aucune preuve n'est apportée par les archives d'Hoffet que De Sède a récupérées du fameux voyage de Bérenger Saunière à Paris.

 
Monti, né à Toulouse en 1880 naviguera lui dans le monde trouble de l'espionnage militaire jusqu'à son assassinat en 1936. Passant allégrement d'un groupe ésotérique à un autre, il fait illusion dans un microcosme où l'illusion justement est la nourriture existentielle. 
Sous le prétexte que Pierre Plantard a très bien connu ce margoulin, l'étant beaucoup lui-même, il en fait son maître à penser ce qui n'est pas exagérer au vu du fatras de cette pensée plantardienne. L'attache le conduit à croire que ces messieurs ont pour noble intention de faire passer leurs hautes vues martinistes, entre autres puis et surtout, que Georges Monti, ésotériste au besoin mais escroc avant tout, a pu faire mieux que de retrouver les parchemins originaux et supposé de Bérenger Saunière, à savoir, les créer de toutes pièces. 





Portrait de Louis XVII par Elisabeth Vigée Lebrun, National Gallery




Mais entendons bien De Sède lorsqu'il parle de parchemins, il ne s'agit bien sur pas de ceux qui amusent la galerie des chercheurs castelrennais. Cette création concernerait une descendance royale, pas celle de Dagobert, fut-il le deuxième du nom, laissons cela aux gogos. Non, pour que l'entourloupe soit négociable, il vaut mieux que cette généalogie inventive mentionne un Louis XVII mort ou substitué à une mort lente au Temple en 1795 et possiblement réapparu par la suite sous le nom de Naundorff. On sait aujourd'hui que l'enfant est malheureusement bien mort en prison, l'analyse ADN de son cœur conservé dans de l'alcool est sans appel. 

Et si, il ne peut s'agir de Louis XVII, alors nous suggère Gérard de Sède, pourquoi ne pas penser à ce fameux Jean Orth (nom choisi lors de sa déchéance de tout titre ducal par Jean-Népomucène de Habsbourg-Toscane en 1889) qui serait  passé par Rennes-le-Château. On se demande bien pourquoi ! 
Était-il à la recherche d'une légitimité à régner à laquelle il venait à peine de renoncer ? 
Nous serons appelé très prochainement à voir qu'il n'en a jamais rien été. 

L'ouvrage s'achève donc assez pauvrement sur cette seule hypothèse du faux parchemin que Bérenger Saunière, manipulé par un Georges Monti dont au final on ne comprend plus le véritable but, aurait tenté ou réussi la négociation frauduleuse. 
Peut-on penser raisonnablement que cela aurait suffi à financer son domaine ?

Quelques vingt années après son ouvrage majeur, Gérard de Sède n'apporte donc aucune hypothèse, aucune révélation sur le mystère entourant les curés des deux Rennes. Écrit, semble-t-il pour se démarquer des fabulateurs qui l'ont entourloupé, ce dernier livre n'offre malheureusement rien de bien nouveau

Christian Attard




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