Notes de Lectoure

Me reposant quelques jours dans cette agréable petite cité gersoise, j'avais emporté avec moi le livre de Gérard de Sède :  
" Rennes-le-Château , le dossier, les impostures et les phantasmes, les hypothèses." (1) Les choses, dit-on, sont bien faites car j'aurais pu lire cet ouvrage bien avant et ma méconnaissance de l'histoire de Rennes d'alors ne m'aurait pas permis d'avoir une lecture très attentive du sympathique écrivain.

Ayant visité le site internet qui lui est consacré par son fils (
2) et devant " une certaine incitation " à lire ce livre, qui aurait pu lui aussi se nommer " Vingt ans après ", je me retrouvais avec plaisir, une fois encore, avec un ouvrage de Gérard de Sède en main. 

Autant dire que l'ouvrage est essentiel, incontournable pour qui se passionne pour cette histoire. Gérard de Sède est, après tout, celui qui connaît le mieux le cœur même de cette aventure à laquelle il a consacré de nombreux écrits.

Le livre se structure donc autour de quatre parties.

Bérenger Saunière selon le musée dans sa maison.
(Photo Christian Attard)

Le dossierL

La première expose à nouveau les faits. 
N'hésitons pas à dire que cette nouvelle présentation n'est guère plus objective ou étayée que la première en 1967. Ces vingt ans passés n'ont guère aiguisé la prudence ou le sérieux de M. de Sède. En introduction, il revient par exemple sur son explication étymologique du Bugarach, montagne qui devrait son nom aux bulgares venus prêcher le néo-manichéisme, selon lui ! Alors que le nom était donné près de cinq siècles avant leur présence dans le midi. (
3)

Il continue étrangement à confondre les photos d'Alfred et de Bérenger Saunière et, raisonnant sur les premières, nous ressort la visite à Paris chez un Emile Hoffet qui, gamin de 18 ans en 1891 au mieux, devait être peu " au fait " des subtilités des codages de tout aussi improbables parchemins ! De sède ne veut pas plus croire que les cadavres exhumés dans la propriété de Marie Denarnaud soient ceux de maquisards espagnols et nous ressort l'attentat contre la DS de Buthion ! En réalité les propos les plus intéressants restent ceux concernant le passé minier de la région. Gérard de Sède se fait exhaustif,  précis et l'on se prend à reconsidérer une très possible redécouverte de filons d'or conséquents dans la région.

Henri Soskin devant la tour Magdala
(Photo Christian Attard)

Les impostures et les phantasmes

C'est sans nul doute la seconde partie qui s'avère la plus captivante car Gérard de Sède révèle clairement que la plupart des documents que " L'or de Rennes " inclut pourtant dans sa bibliographie, étaient de vulgaires et très mauvais faux avec à leur tête " le fameux Serpent rouge ". Leurs procédés grossiers de fabrication reposant toujours sur le même mécanisme : pseudonymes empruntés à des morts en signataires, et rattachements bidonnés à l'histoire du Razès ou à l'histoire de France. La démonstration de Gérard de Sède, redevenu brillant et drôle, est sans appel.
On le sent blessé, outré et il ne ménage pas ses manipulateurs. Pierre Plantard y est qualifié de névrosé au plein sens freudien du terme et son obsession d'une  paternité mérovingienne de substitution passe par toutes les falsifications misérables qu'il a produites et auxquelles on accorde encore aujourd'hui benoîtement de l'intérêt.
Mais Gérard de Sède ne s'en veut-il pas au fond d'avoir laissé avec aussi peu de discernement du crédit aux propos incohérents d'un dément ? (
4)

Il règle en voie de conséquence aussi  leur compte au trio de fantaisistes intéressés que furent MM. Baigent, Leight et Soskin propagateurs irresponsables d'une pseudo descendance christique issue de Marie-Madeleine et implantée dans le Razès. 
Il pousse enfin dans les oubliettes de la raison un pauvre David Wood inventeur délirant du Pentagramme gynécologique et sacré de Rennes-le Château dans son ouvrage " Genesis " ou encore la fantasque Elisabeth Van Buren créatrice avant l'heure du " refuge pour l'Apocalypse " pour tous les illuminés de la terre dans la région de Rennes-les-Bains, le Château ou du Bugarach. Il est d'ailleurs hilarant de lire qu'en 1987 déjà, vinrent se réfugier à Rennes le château des personnes ayant décrypté dans les calendriers mayas la fin du monde à cette année là !

Des hypothèses....
(Photo Christian Attard)

Les hypothèses

Restent les hypothèses et elles sont aujourd'hui bien connues.

La première étant le trafic de messes qu'écarte Gérard de Sède pour le motif qu'il eut fallu un nombre improbable de messes pour arriver à combler les immenses dépenses du curé et qu'il ne pouvait toutes les dire. Arguments biaisés car nous savons que justement il ne célébra pas toutes les messes demandées. D'autres part, c'est bien vite rejetter tout le reste que persistent à "oublier" nos chers conférenciers estivaux: regroupements de messes par le biais de congrégations (voir mes articles à ce propos), revente d'objets archéologiques, de vins, de cartes postales (voir l'étude de Jérôme Choloux), d'engrais, regroupements de dons de riches personnalités, jeux et loteries, visites, regroupements de salaires des Denarnaud, élevages à rentabilité… 

L'hypothèse d'une découverte trésoraire (trésor des wisigoth et de Jérusalem) étant peu défendable car tout objet d'art est difficilement négociable (
5). 

A propos des parchemins nous n'apprendrons malheureusement rien de plus. Mais nous aurons l'occasion de revenir sur tout cela, Passons  donc à ce qu'il reste d'essentiel dans ce dernier opus des écrits de M. de Sède sur les aventures picaresques de l'abbé Saunière...

Christian ATTARD  (A suivre...)

Notes et sources

(1) Paru en 1988 aux éditions Robert Laffont

(2)  http://www.de-sede.net/

(3) http://www.acg66.org/bugarach.html

(4) lire déjà à ce propos  pages 278 et suivantes les propos d'un "hermétistes" du livre
"Les templiers sont parmi nous" modèle d'élucubrations peuso-ésotérisantes.

(5) Gérard de Sède cite Procope page 178. Cet auteur aurait, selon lui, indiqué que le dans sa "Guerre des Goths - De bello gothico - Livre II) que le trésor de Jérusalem fut bien emporté par Alaric. On se demande où De Sède a lu cela. La seule mention de ce trésor figure au livre I, chapitre XII-3 et la voici : 

../.. Ils n'en pressèrent pas moins vivement le siège de Carcassonne, où ils avaient ouï dire que l'on avait enfermé les trésors, que le vieux Alaric avait autrefois apportés de Rome. Parmi ces trésors étaient les plus riches meubles du roi Salomon, et une émeraude de grand prix, qui avait aussi été prise dans Jérusalem par les anciens Romains.

Comme on peut le lire ce sont les germains qui l'avaient "ouï dire" ! 
Nous verrons dans la deuxième partie  de cette étude que cette manière de renvoyer à une référence non vérifiée est une des méthodes de manipulation de Gérard de Sède.

http://remacle.org/bloodwolf/historiens/procope/goth1.htm

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