Copies conformes ?   - 1-

La crucifixion dans l'église de Rennes-les-Bains et celle de l'église de Pieusse

L'abbé Bruno de Monts dans une plaquette pauvrement distribuée dont le sujet était les églises des deux Rennes, nous apprend que le tableau que l'on peut toujours voir dans l'église de Rennes-les-bains, une crucifixion, fut peint par Henri Gasq,  aumônier de Notre Dame de Marceille entre 1838 et 1872. Il l'offrit  à Jean Vié, alors prêtre en exercice de la paroisse de Rennes-les-Bains en 1842. Une inscription à l'arrière du tableau confirme d'ailleurs le présent. 

Dans l'église de Pieusse, tout près de Notre Dame de Marceille. un autre tableau fut aussi donné par Gasc à "son cher Catuffe", curé de Pieusse en 1866 et cette fois c'est Franck Daffos (1) qui nous l'apprend après avoir retrouvé sur le tableau un cartouche en faisant mention. On pense, que cette crucifixion fut longtemps conservée dans Notre Dame de Marceille.

En comparant les deux tableaux, seul le décor diffère : à droite du tableau de Rennes un amas rocheux plus imposant a fait récemment l'objet d'un rapprochement acrobatique avec un autre tableau possiblement du laborieux Gasq, une piéta présente elle-aussi dans l'église de Rennes-les-bains, pour peut-être révéler une cache sur le terrain.
Quoiqu'il en soit, on cherche en vain une cohérence topographique audoise dans cette évocation imaginaire de Jérusalem.
A gauche, sur le tableau de Rennes,  la ville de Jérusalem est réduite à la vision d'une tour et d'une bâtisse massive, le reste étant occulté par des buissons. Volonté de simplification ou mise en évidence d'un détail particulier ? Rien ne semble se raccrocher à un lieu existant ou ayant existé.
Nous en étions là lorsque le travail d'un infatigable chercheur, François Pous a révélé d'autres tableaux étrangement similaires aux deux premières représentations. Et Il est fort à parier que le tenace toulousain en découvrira d'autres. En voici des détails :


Une autre crucifixion du XIXe siècle 
et d'un peintre "maladroit"
découverte par François Pous

La crucifixion très certainement la plus ancienne
 et la plus habile trouvée à ce jour par François Pous

Nous pouvons dès lors être troublés non pas, là encore, par la pensée de tableaux transmettant une localisation hypothétique, mais bien plutôt par le fait que des prêtres dans cette région du sud de la France aient choisi à travers les temps de reproduire une même forme de crucifixion.
Quel tableau fut l'original, il est bien difficile de le dire aujourd'hui. 
Pour tenter de répondre à cette nouvelle énigme, d'autres comparaisons pourraient nous aider. Celles par exemple de crucifixions plus "classiques", de Fra Angelico (1395-1455) dont l'œuvre immense au sein de l'orthodoxie dominicaine ne peut être soupçonnée d'aucun écart au dogme; et d'un peintre indépendant Jacopo Bassano (1517-1592). Mais vous pourrez vous essayez aux comparaisons sur bien d'autres peintres, verriers ou sculpteurs célèbres sur, entre autres, ce site : http://www.culture.gouv.fr/documentation/joconde/fr/pres.htm

Et pour faire bonne mesure, il est bon aussi de regarder quelques crucifixions, oeuvres d'anonymes ou d'artistes régionaux, en voici deux issues d'une église du Tarn et de la cathédrale d'Auch. Et même, d'aller jeter un coup d'œil sur les stations XII des ateliers Giscard (voir ici).

Vous aurez maintenant remarqué tout comme moi que ces crucifixions trouvées dans des églises de l'Aude visiblement copiées à travers le temps sur un ou des modèles semblables ont pour particularité d'avoir persisté à représenter l'inclinaison de la tête du Christ mort A L'INVERSE des représentations classiques. Il suffit pour s'en convaincre de faire soi-même la comparaison soit dans des églises autour de soi, soit en feuilletant des ouvrages d'art. 
Seul St Jean précise que le christ inclina sa tête en mourrant mais sans indiquer de quel côté. La tradition, nous le voyons, veut que cela fut à droite. Stendhal par exemple, dans ses "Mémoires d'un touriste" note à propos de la cathédrale de St Cyr que comme Notre Dame de Paris, le chœur incline à gauche pour rappeler que le Christ expira sur la croix la tête inclinée à droite.
Une crucifixion qui présente la tête de Jésus inclinée à gauche est donc exceptionnelle, non pas unique, mais rare. (voir par exemple celle de Van Dyck, auteur d'une piéta tout aussi particulière !)
Cette constatation nous ramène aussi à nos intrigants N inversés (voir ici). 

Un groupe de prêtres a-t-il volontairement transmis par cette image une connaissance particulière ? Il est plus que troublant de nous retrouver sur le chemin des chevaliers de Malte pour l'un de ces tableaux, lorsque l'on sait quelles obédiences initiatiques ils accueillaient, parfois malgré eux. 
Un groupe de prêtres a t'il voulu en se démarquant marquer sa différence ? Quelle signification peut avoir pour certains cette volonté de retournement ? Veut-on implicitement nous faire comprendre que le crucifié à lui-même été "retourné", récupéré ?
Voilà qui pourrait aussi nous ramener à Marie-madeleine, chef selon certains de la véritable église christique que Pierre aurait remplacée au cœur d'un pouvoir que les premiers vrais chrétiens ne revendiquaient certes pas.

Mais, à la vérité, s'il existe des crucifixions similaires à ces quatre tableaux ( on y retrouve la tête du Christ inclinée à l'inverse et Marie-madeleine à ses pieds) nous verrons qu'elles ont souvent beaucoup à nous apprendre...

Pour l'heure, une autre question se pose : ces tableaux peuvent-ils avoir un lien quelconque, comme l'ont déclaré certains chercheurs, avec Nicolas Pavillon, l'évêque d'Alet ? 
Je vous propose de me suivre dans une page qui va tenter de répondre à cela.

Christian Attard

Vers copie conforme (suite et fin)

Notes et sources :
(1) - Franck Daffos - Le puzzle reconstitué- Éditions Pégase
(2) - Relation d'un voyage fait à Pamiers et à Alet par deux ecclésiastiques. Édition Pomies Foix 1913

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