Le chapiteau perdu 

 

La fresque dit-on des "béatitudes" dans l'église de Rennes-le-Château
(Photo du Chambellan)


L'immense fresque de l'église de Rennes-le-Château ne lasse pas de nous interroger. Qu'a voulu signifier son concepteur ?
Le partage distinct en deux aires représentant à gauche pour nous (mais à la droite du Christ) le chemin du salut verdoyant et printanier, à droite celui de la mort et de la désolation symbolisés par la vieillesse et les ruines ne peut à lui seul justifier certains détails exagérés, trop exagérés peut-être comme cet immense chapiteau gothique.
Les hypothèses explicatives n'ont pas manqué, je me permets d'y rajouter la mienne et, au su d'une certaine saunière (1), mon grain de sel ne saurait être de trop.

Détail du chapiteau 

Cette fresque, travail de la maison Giscard de Toulouse fut mise en place en 1897, à cette date Henri Gasc, le dernier aumônier de Notre Dame de Marceille avait quitté ce bas monde pour laisser la garde du sanctuaire pour lequel il avait tant oeuvré aux enfants de Saint Vincent de Paul. 
Ces derniers accomplirent leur tâche tout en effectuant leurs Missions auprès des populations des villages de la région. Ainsi en 1891, sera accomplie une des ces périodes de pénitences et de contritions à Rennes-le-Château sous l'autorité d'Amédée Ferrrafiat, lui même dépendant de Pons Belot, aumônier supérieur à Notre Dame de Marceille de 1894 à 1900, période qui nous occupe. M. Belot gratifia par ailleurs Bérenger Saunière de quelques 120 messes, ce qui est plus qu'Henri Boudet (83) mais bien moins que Joseph Théodore Lasserre (plus de 500 !) que nous avons beaucoup côtoyé déjà dans cette histoire.

Curé d'Alet, passé par St Sulpice, connaissant bien Bérenger Saunière pour l'avoir eu comme vicaire et encore mieux Notre Dame de Marceille pour en avoir été le co-propriétaire, il me parait à plus d'un titre un homme clef de cette histoire.
N'est-ce pas lui, le premier qui lui obtint plus de 1000 frs or de la comtesse de Chambord (nous dit-on...). Cet homme connaissait parfaitement Notre Dame de Marceille pour avoir écrit à son propos un ouvrage en relatant toute l'histoire.

J'ai eu la chance de pouvoir avoir entre les mains un tirage original de la gravure de MM. Reynié et Certain (voir ici) représentant le sanctuaire  de Notre Dame de Marceille au début de XIXème siècle. Mais il existe un dessin naïf, un ex-voto, effectué en remerciement à la Vierge noire d'un miracle qui préserva la vie d'un ouvrier tombé d'un échafaudage en 1785. Le voici :

Ex-voto représentant l'intérieur de l'église en 1785

Notez bien le travail de ces hommes sur les corniches, les colonnes et... leurs chapiteaux. Corniches que nous retrouvons bien en 1830 sur la gravure Reynié. Les chapiteaux sont représentés sur ces deux dessins de manières assez dissemblables mais il en ressort à l'évidence deux fortes volutes et un style plutôt composite ou néo-gothique que corinthien. Ces travaux sont ceux de Bernard Ripa à qui fut commandée dès 1783 la voûte du Sanctuaire.

Corniches, voûtes et chapiteaux sur la gravure de MM. Reynié et Certain
Photo Christian Attard

Henri Gasc entreprit lui-aussi des travaux assez considérables à partir de 1856-59 mais les goûts changeant autant parait-il que les couleurs, il oeuvra à l'inverse et supprima corniches et... chapiteaux. Comme nous pouvons le constater aujourd'hui et déjà sur cette carte postale ancienne.

L'église sur une très belle carte postale ancienne

Où sont donc passés nos chapiteaux d'antan ? Ont-ils été recyclés chez quelques marbriers ? Se retrouvèrent-ils au bord de quelques chemins vicinaux ?

Que le cœur des vierges effarouchées ne chante pas trop tôt leurs litanies, ce n'est là qu'une simple observation. Rien de plus... 
Après tout, il est possible que ces chapiteaux soient aujourd'hui en un endroit que nous ignorons encore et qui signe l'action d'un des protagonistes de notre histoire. Dans le cas contraire et bien cette constation restera au bord du chemin vers la lumière et à ce niveau là ce n'est pas bien grave !

Christian Attard



Notes et sources

(1) Jean Brunelin, un observateur passionné et subtil de cette énigme, nous a mis sur la piste de cet objet autrefois appelé saunière (comme le curé Bérenger Saunière) et qui servait à stocker le sel. Il pense le reconnaître dans la forme derrière le chapiteau.
voir pour plus d'explications ici : http://www.rennes-le-chateau-archive.com/index.htm

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