Errare humanum est ...

Gravure de Reynié (dessinateur) et Certain (graveur)

On sait avec quelle passion écrivains et chercheurs se sont penchés et quelques fois déchirés sur le célèbre tableau de St Antoine de Notre Dame de Marceille. 

En février 1962, une brochure illustrée sur le sanctuaire publiait pour la première fois une représentation de l'intérieur de l'église sans mention du nom des auteurs (1). Estimée avoir été réalisée vers 1850, la lithographie reproduite se révélait un document essentiel, le seul permettant à ce jour de connaître cet intérieur avant les transformations que lui fit subir le chanoine Gasc. Mais il permettait aussi de retrouver le tableau de St Antoine à la place où il est encore aujourd'hui, avant que très visiblement, il ne pâtisse lui aussi de certaines retouches malheureuses.

Plus tard, Gilles Semenou publia à nouveau cette même gravure toujours sans mention des auteurs dans un opuscule daté de 2001.

Notre propos étant aujourd'hui de nous interroger sur la qualité de cette lithographie que les uns et les autres prétendent avoir eu entre les mains. 
En 2005, "le Secret dérobé" de Franck Daffos n'indique toujours pas le nom des auteurs. Ce n'est seulement qu'en 2007,  que Pierre Jarnac a pu retrouver un article du "Limouxin" daté du 5 juin 1948 et signé de J-L. Lagarde décrivant le sanctuaire d'après une gravure que ce même Lagarde avait donnée au musée Petiet de Limoux en 1934. 
Le 12 juin 1948, un autre article de J.L. Lagarde dans la continuité du premier orthographiait toujours son dessinateur de la même manière : "Régnié".

Or, il se trouve que ce n'est pas la bonne orthographe du nom de l'auteur du dessin de Notre Dame de Marceille ! En voici la preuve sur un tirage original de cette gravure que M. François Pous et moi-même avons eu le plaisir de retrouver. C'est un agrandissement du coin gauche de l'image présentée en tête de cet article.

Bas de la gravure de Reynié et Certain

Comment alors le donateur de cette gravure au musée a-t-il pu se tromper sur l'orthographe du nom du dessinateur ? Si cette gravure fut présentée au public en salle et sous cadre, il est fort possible que lorsqu'il commenta les possessions du musée dans une série d'article en 1948, il n'ait pu revoir sur la gravure le nom de Reynié et l'ait alors orthographié de mémoire Régnié. Les agrandissements qui vont suivre, ont été réalisés sans la moindre retouche informatique.

Le coin droit du tableau redessiné, révèle une créature hideuse, munie d'ailes et aux serres griffues. Le monstre semble cracher du feu et ferait un excellent "Daemon de gardien" .
Nous ne pouvons plus nier l'évidence, le personnage principal de ce dessin est bien agressé par un monstre en pleine conformité iconographique avec toutes les représentations des tentations du bon St Antoine connues. Voilà un point sur lequel, il ne  sera plus possible dorénavant de revenir.

Pourquoi ce monstre fut-il recouvert d'un badigeon opaque très certainement avant les années 1850, cela reste une des questions importantes à se poser. La simple raison esthétique et religieuse n'étant pas à écarter. Combien de tableaux furent-ils pour ces mêmes raison brûlés ou enterrés à Notre-Dame de Marceille même ?
Sur un autre agrandissement de st Antoine, nous allons au plus près du personnage sans artifices numériques.

Est-ce la confirmation de nos analyses pourtant développées à l'époque avec une copie de piètre qualité (voir ici) ?
Notre personnage est bien un saint Antoine subissant ici une agression alors qu'il était en train de méditer en pleine nuit éclairé par la pleine lune et une lampe à huile que l'on voit toujours aujourd'hui.

La gravure sur pierre ayant ses limites, la texture même du papier utilisé pour la reproduction et celle du calcaire ne peuvent autoriser une précision de trait extrême et plus avancée. 
Reynié a été au maximum de ses possibilités. 
Il est dommage que nous ayons sur ce tableau perdu beaucoup trop de temps en polémiques vaines. Il nous faut aujourd'hui le considérer pour ce qu'il a toujours été avant que l'on ne masque seul son coin haut et droit pour ne plus en faire une tentation. 
Car là et "le cœur" du problème pourquoi un jour fut-il décidé de faire d'une tentation de St Antoine signée de Mathieu Frédeau une "Non" tentation de St Antoine ?

Christian Attard

 

Ces pages appelleront bien volontiers corrections si on veut enfin proposer à l'ensemble des chercheurs des éléments solides nous permettant de croire que ce tableau fut autre chose qu'une représentation d'une tentation St Antoine.
Notes et sources :
(1) Notre Dame de Marceille - Éditions J. Le Marigny - La Seyne/mer
Franck Daffos - Le secret dérobé - Éditions l'œil du Sphinx
Franck Daffos - Le puzzle reconstitué - Éditions Pégase
Gilles Semenou - Notre Dame de Marceille - Gabelle Carcassonne 1992 et 2001
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