Saunière
et les
réducteurs de messes |
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Le château
de la Beuvrière (Maine-et-Loire) plus "classe" que la tour Magdala !
(source libre
Wikipédia)
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Nous
avions évoqué le père Eugène Prévost (1860-1946)
et son organisation des prêtres
adorateurs du Saint Sacrement, établi également de
manière indiscutable l'affiliation de Bérenger Saunière à ce
mouvement, il nous faut maintenant revenir sur un point essentiel de
l'histoire de son Directeur jusqu'en 1899.
La compréhension de cet événement majeur dans le parcours difficile
du prêtre canadien sera extrêmement révélatrice d'un système
occulte dont le prêtre de l'Aude a amplement profité et su tirer tout
l'enseignement nécessaire à ses activités parallèles. |
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Mgr
Louis-Joseph-Napoléon-Paul Bruchési
(source libre
Wikipédia)
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Car
il nous faut comprendre que bien qu'homme d'église, Eugène Prévost fut
aussi un redoutable organisateur, un exceptionnel gestionnaire pour ne
pas oser dire un impitoyable affairiste. L'homme fut très loin de se
désintéresser du matériel au profit du spirituel comme on pourrait le
croire d'un prêtre d'une si profonde foi. Tel est le paradoxe
incroyable, l'aveuglement ontologique de ces personnalités vouées à
Dieu et qui pourtant ont composé avec la puissance de l'argent au point
d'y perdre une part de leur âme.
Une des premières personnalités qui éleva de forts soupçons sur
l'intégrité d'Eugène Prévost fut Monseigneur Bruchési (1855-1939),
archevêque depuis 1897 de Ville-Marie (Montréal - Canada). Bruchési connaît
bien son compatriote Prévost, et en 1906, il émet de pénibles doutes
sur le commerce de la Sainte
Face que
l'entreprenant prêtre québécois a repris à son compte.
Cette représentation supposée du visage du Christ est l'œuvre de Sœur
Geneviève de la Sainte Face, Marie Céline Martin (1869-1959) dans
le civil et la propre sœur de Thérèse Martin (Sainte Thérèse de
Lisieux).
La gravure du Saint visage réalisée par Céline Martin, peintre à ses
heures, connaîtra un immense succès surfant sur un culte autorisé par
Léon XIII et la création le 1er octobre 1885 de L'
Archiconfrérie de la Sainte face
initiée elle, par un magistrat de Tours : Léon Papin-Dupont en 1851.
Eugène Prévost avait anticipé le succès phénoménale de cette
image en se faisant le propagateur-distributeur de cette estampe, présente
encore aujourd'hui dans bon nombre de nos églises; et le profit retiré de
ces ventes ne semble pas plaire à Monseigneur Bruchési. (1)
Mais cela ne serait rien si ces suspicions ne se retrouvaient renouvelées
par, cette fois, une personne trop proche du père Prévost. Cette femme,
sœur Marie Philippe de Néri (de son nom civil : Albertine Le Cuff),
s'est vouée aux fondations d'Eugène Prévost depuis l'année 1911. C'est
une ancienne oratorienne de Brest au tempérament d'une extrême sensibilité.
Très tôt, elle a toute la confiance du prêtre et prend en charge son
secrétariat, ses multiples oeuvres d'impression mais aussi un vaste
système de collecte de messes !
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Certes,
toute sa confiance mais pas sa pleine affection qui va à Marie de Ste
Anne (Anne-Marie Ribault) dite "petite-mère", responsable des Oblates de Béthanie de Paris, congrégation qu'il a lui même mise en
place. Lors du décès de la "petite mère" en 1921, il
semblerait que Mlle Le Cuff n'ait pas donné au père Prévost tous les
signes de soumissions et d'affliction profonde dues à la "sainte
vénération" dans laquelle le prêtre souhaite se souvenir de Mlle
Ribault. Cette distance, née probablement d'une jalousie récurrente,
irrite le fondateur au point qu'il sermonne très vivement la trop fragile
sœur Marie Philippe de Néri.
En mai 1931, ne supportant
plus le poids de ces reproches, elle prend la fuite et le temps d'une
longue réflexion rédige trois mémoires sur Eugène Prévost qui sont
remontés au pape Pie XII (2).
Ce dernier exige une enquête sur : "la façon de procéder d'Eugène
Prévost dans ses deux instituts et sa manière d'accaparer des
honoraires de messes".
Vous m'avez parfaitement lu, celui que j'ai démontré être en relation
étroite avec Bérenger Saunière fait l'objet lui aussi d'une très grave
accusation de détournement d'intentions de messe, accusation dont sera
aussi atteint notre Bérenger Saunière !
Le chanoine Louis Georges-Victor Dupin est chargé de mener l'enquête sur
essentiellement le pseudo privilège de Prévost de recueillir et de
"réduire" des honoraires de messes. Dupin est un homme
rigoureux, il va donc analyser la personnalité de Prévost qui se révèle
être une homme dur, parfois tyrannique, avide et âpre en affaires. Le
rapport que rendra le chanoine Dupin démontre que le père Prévost
sollicitait un grand nombre de messes auprès des évêchés, des
communautés religieuses (ce que fera également Saunière après 1899),
des prêtres ou encore des librairies religieuses.
La base du système Prévost consiste en une subtile mais douteuse
"réduction" des honoraires de messes. Ainsi, par exemple, pour une messe
fixée au plus haut par le Saint Siège à 12 francs, il ne fait
célébrer qu'une seule messe pour trois messes cédées à 4 francs. Il
va donc verser à un prêtre qui l'acceptera 4 francs pour dire une seule
messe et gardera pour lui 8 francs. Le prêtre qui reçoit cette seule
messe va donc la célébrer à l'intention du supérieur ou du donateur (Eugène
Prévost ou "ad intentionem dantium") qui lui est censé absorber par sa sainte intercession les
intentions des autres deux messes non prononcées et les réduire à cette
seule messe donnée ! Ce subterfuge procurait à Eugène Prévost
quelque 700 000 Francs par an soit 71 % des revenus de la
congrégation.
Cela ne nous rappelle-t-il pas alors les demandes globales de messes de
Bérenger Saunière à certains de ses confrères, alors que ces demandes
auraient du rester nominatives et uniques ? Les messes reçues et
répertoriées comme "ad intentionem dantium" ? Et souvenons-nous de ces
courriers échangés entre Bérenger Saunière et Eugène Prévost :
Ainsi, le mercredi 6 octobre 1897, par exemple, Bérenger Saunière note
dans son cahier de correspondance :"
à Prévost, Renvoi du libellum et demande de messes".
(3)
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Le
pape Pie X
(source
libre Wikipédia)
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Eugène
Prévost avait-il ce pouvoir de "réduction" ?
Il l'affirme
comme ayant été reçu de Pie X (pape de 1903 à 1914) en personne
et pour soutenir son Association
sacerdotale. Mais
le chanoine Dupin qui au cours de son enquête sur l'univers du père
Prévost a développé une véritable aversion pour le prêtre semble
douter de la vérité et de la probité de ses actions.
Malgré un rapport fort négatif, Eugène Prévost continuera à développer
son organisation. Son parc immobilier impressionnant ne cessera de grossir, il achètera
notamment le château de la Beuvrière en Maine-et-Loire, une magnifique
bâtisse avec parc et dépendances. Il faut comprendre que l'homme a su
s'entourer de solides appuis et même si à Rome on semble vouloir mettre
sous faible surveillance ses activités et qu'il est un peu moins en odeur
de sainteté, son activité n'en a pas cessé pour autant.
J"ai relaté son travail avant 1899 au sein de la Congrégation
des prêtres du Saint Sacrement qui
se séparera de lui mais il semble que le "système" des
remontées de messes et de leur "réduction" était déjà en
place lors de la correspondance échangée entre Bérenger Saunière et le
père Eugène Prévost.
J'ai également relaté son obsession d'élargissement de son patrimoine
immobilier et ses voyages dans le sud de la France avec des noms d'emprunt
comme John Ativir des Plaines
ou Luigi Prevotella. Tout n' a sûrement pas été trouvé et révélé
sur cet homme d'une troublante ambiguïté psychologique. Le
chanoine Dupin avait également parfaitement compris que ce "système
Prévost" n'était pas récent, mais il n' eut pas pouvoir de remuer
le passé du prêtre canadien. Remonter à ses années de direction
des Prêtres
adorateurs du Très Saint Sacrement
aurait été troubler une communauté parfaitement intègre qui d'ailleurs
avait évincé le trop entreprenant Prévost dès 1899.
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Bérenger
Saunière a profité bien évidemment de ce redoutable système de
remontée et de redistribution de messes, tout le monde au fond y trouvait
son compte. En homme avisé, calculateur et intelligent, il a su tirer
profit dès le début des leçons apprises d'Eugène Prévost alors en
difficultés et appliquer pour lui seul une collecte nationale des messes
quasi institutionnalisée frauduleusement par Prévost.
(4)
Ce système, Bérenger Saunière a du le croire ou le faire croire parfaitement
licite à une certaine époque, c'est en tout cas ce que semble lui dire
ses amis au moment de ses difficultés avec son évêché. Il aurait été
mal entouré, aurait agit en toute bonne foi ... Il est évident que
Bérenger Saunière ne pouvait dénoncer en 1910-1911 un Prévost alors
vierge de toute suspicion ou des collègues ayant tout comme lui
participé à un brassage de ces demandes de messes.
Et encore, de tout cela, nous ne voyons que l'infime reliquat des choses
car il est évident que si la collaboration d'Eugène Prévost s'est
étendue plus loin, dans le domaine immobilier notamment aucune trace
écrite n'en subsistera. N'oublions pas les étranges déplacement sous
anonymat de Prévost et sa volonté d'acquisition de maison dans le
sud-ouest sous prête-nom.
La pauvre Albertine Le Cuff quant à elle, ne se remettra jamais de sa
courageuse confession publique sur un homme dont elle cherchait au fond
assez éperdument l'affection. Errant de maison de repos en asile
psychiatrique, elle finira ses jours dans la plus pitoyable des folies.
Christian Attard
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Notes
et sources
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(1)
Voir le livre de Jean Hamelin : Le père Eugène Prévost - "Je veux devenir un saint" - Les
presses de l'université de Laval-1999
(2) Dont le premier se nomme : "Mémoire sur les messes
collectées par le RP Prévost" du 28 février 1931 signé
Albertine Le Cuff
(3) voir ici : http://www.octonovo.org/RlC/Fr/docu/correspondance1896.htm
(4) Sur le système Saunière après 1899-1900 voir le site de Jérôme
Choloux : http://www.mysteresdevendee.fr/renneslechateau.htm
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