Eugène Prévost et l'Association Sacerdotale




 


Eugène Prévost




Le père Eugène Prévost (1860-1946) n'est plus très connu aujourd'hui en France y compris des milieux sacerdotaux (1). Ce québécois né à Saint-Jérôme au sein d'une famille très unie éprouve très tôt une fascination pour le mystère de la Très Sainte Eucharistie. Se sentant guidé et protégé (il réchappe par deux fois à des accidents qui auraient pu être mortels), il étudie chez les sulpiciens tout d'abord, puis entre au petit séminaire. 
Enfant dissipé, par la ferveur de sa foi, il se transforme en un profond mystique dont la volonté est, dès 17 ans, de devenir... un saint !
En janvier 1878, il est reçu dans la Congrégation de la Sainte Vierge, en mai dans le tiers ordre de Saint François. Il créé déjà l'Association pour les âmes au purgatoire dont les membres s'engagent à payer annuellement une messe pour les morts.
L'année suivante, il entre au séminaire des sulpiciens de Montréal où, fait rare à cette époque, il reçoit autorisation de communier tous les jours. Prenant connaissance de l'existence de la Congrégation des pères du très Saint Sacrement, congrégation vouée à la glorification du Christ dans l'eucharistie par l'adoration du Saint Sacrement, fondée à Paris en 1856 par le père Pierre-Julien Eymard (1811-1868), il y entre comme novice à Bruxelles sous le nom de frère Édouard.





Le père Pierre-Julien Eymard

Nous allons quitter un temps Eugène Prévost pour nous intéresser à une des plus ferventes disciple de ce père Eymard, Mlle Marie Hébert de la Rousselière (1840-1924). En octobre 1879, elle forme le dessein « d'organiser comme une chaîne d'adorateurs, faite uniquement de prêtres, toute consacrée à la gloire de Jésus-Hostie ». Le projet reçoit un accueil chaleureux des prêtres. 
En janvier 1881, l'œuvre, assumée par les Pères du Saint Sacrement, est approuvée par Léon XIII sous le nom d'
Association des prêtres adorateurs (2). Ces prêtres s'engagent à faire chaque semaine une heure d'adoration du Saint Sacrement et à retourner chaque trimestre une sorte de questionnaire dans lequel chacun note ses actions ou manquements.

Dans
la correspondance de l'abbé Saunière pour les années 1896-97-98, on relève pour le 
- samedi 3 octobre 1896 :  Directeur Envoi du libellum - prière de m'inscrire - demande de messes. 
et pour le :

- mercredi 14 octobre 1896 : Reçu du Directeur - Envoi rempli le questionnaire sur le luminaire.
(3)

Le lendemain Bérenger Saunière note : 
- Renvoi des questions aux (?) et des 12 noms d'associés.
Il est intéressant de noter que la Congrégation des pères du très Saint Sacrement nommait ce questionnaire : Libellus adorationis !
L'autre oeuvre mise en place par Mlle de la Rousselière se nomme depuis que Léon XIII l'a approuvée l'Archiconfrérie de l'Agrégation et elle est destinée aux laïcs. L'ensemble est sous la responsabilité de leur "Directeur" le père Durand qui édite les revues "Le Très Saint Sacrement" et "Les adorations du jour de l'An".






Le dimanche 27 décembre 1896, Bérenger Saunière écrit dans son carnet : 
-
Directeur - Demande de messes et envoi du libellum. 
Tout laisserait donc supposer que notre prêtre fut en relation avec cette congrégation dévote et qu'il accomplissait avec régularité son travail d'introspection puisqu'en 1898, ses carnets révèlent pour le 
- samedi 1 janvier 1898 : Directeur Paris Envoi du libellum, souhaits, demande de messes. et exactement trois mois après : 
- vendredi 1 avril 1898 : Directeur Paris - Envoi des bulletins et demande de messes; 
et trois mois encore :
 
- vendredi 1 juillet 1898 : Directeur Paris - Envoi du libellum.


Mais revenons au novice Eugène Prévost, très vite il devient le bras droit du père Durand et prend en charge l'imprimerie de la Congrégation et s'active pour l'extension de son influence au Canada. Puis, part poursuivre sa formation à Rome, il y est enfin ordonné prêtre en juin 1887.
Il prend alors la tête de la Congrégation des prêtres du Saint Sacrement qui vient de créer une oeuvre nouvelle destinée à l'assistance aux prêtres malheureux. Une nouvelle revue : "les annales de l'association des prêtres adorateurs" est aussi diffusée. Les activités de l'association se développent, le secrétariat reçoit les
liber vitae des prêtres dits aussi "associés" qui eux adressent régulièrement leur "libellum"
Le père Prévost organise ainsi des groupes de prêtres en associations avec à leur tête un prêtre plus intimement lié à la congrégation. Les laïcs sont aussi sollicités aussi bien en dévotion au Très Saint Sacrement que financièrement pour soutenir les prêtres les plus démunis.

On pourra alors me rétorquer que bien d'autres mouvements auraient pu être en relation avec Bérenger Saunière. Il serait bien étonnant de retrouver parmi ses correspondants le nom de Prévost, c'est pourtant le cas ! 
Car à l'entrée des carnets de B. Saunière du jeudi 1 juillet 1897, nous pouvons lire :
Reçu de PREVOST Envoi du bulletin et demande de messes et le mercredi 6 octobre 1897 à PREVOST, Renvoi du libellum et demande de messes.

Cette même année 1897 au mois de juillet, Saunière note : Le dimanche 11 juillet 1897: Reçu du Directeur Paris Envoi de la ??? Pour exposition. Lorsque l'on sait que la congrégation organisait des cérémonies dites d'exposition et de vénération du Très Saint Sacrement, le terme "d'exposition" pourrait s'éclairer.







La villa Béthanie de... Lourdes


En 1889, le père Prévost est mis en relation avec une riche anglaise convertie, Madame Boursot  qui vient de bâtir près de Lourdes une très belle maison de quatre étages appelée ...."Béthanie". Cette demeure deviendra le pied-à-terre des prêtres adorateurs en visite. 

Ces prêtres se reconnaissent à une médaille ou un insigne qui représente un ostensoir doré brodé sur un ruban de soie.
Bérenger Saunière note le dimanche 25 octobre 1896
: Réception de  PREVOST Annonce envoi de cure, diplôme, envoi médailles en sachet. Puis, le mardi 27 octobre 1896 Envoi à  PREVOST Accusé réception de la cure, tableau, médaille.

En 1891, des dissensions internes contraignent le père Prévost à partir pour Marseille jusqu'en 1893, mais les prêtres lui gardent toute leur estime. 
En 1894, il parfait son action en organisant des retraites mensuelles pour les prêtres adorateurs, des réunions diocésaines annuelles. Il pense aussi à la réalisation d'une nouvelle maison de repos-hôtellerie pour les prêtres à Lourdes, par discrétion cette maison ne sera pas la propriété de l'association mais de quelques prêtres !! 
Maison qui ne pourra pas se faire à Lourdes, les rivalités internes reprenant de plus belle. 

Mais appuyé par de riches familles dont celle de la polonaise Ernestine Ryewuska ou de la princesse Blanche d'Orléans (elle a fait construire une maison pour les prêtres de la Congrégation), il peut mener à bien ses projets de création d'œuvres multiples et de soutien aux plus démunis. Souvent présent dans le sud de la France, Eugène Prévost soigne ses rhumatismes à Luchon en 1896-97-98 et voyage à travers le pays avec sa sœur en utilisant très étrangement des noms d'emprunt comme John et Lisette Ativir des Plaines !
En 1899, une nouvelle fois le père Prévost est écarté de la direction de la Congrégation par ses vieux rivaux. Après une courte période de réflexion au Canada, il quitte la Congrégation qui l'avait accueilli mais aussi trop souvent critiqué et délaissé. 





Le pape Léon XIII soutient l'action d'Eugène Prévost

En 1900, il reviendra encore en Europe et s'enchaîneront cette fois, la création d'une "Association sacerdotale", basée sur les principes de celle des prêtres de l'Adoration, la création des "oblates du Très Saint Sacrement" qui deviendra les "oblates de Béthanie".(4) 
Soutenu par Léon XIII et par de nombreux prêtres qui ont suivi, après cette courte période d'incertitude des années 1899-1900 le père Prévost, ses nouvelles actions et fondations s'organisent dès 1901. Mais cela ne se fera pas sans nouvelles contrariétés et tracas de toutes sortes car tout le monde clérical ne partage pas l'approche visionnaire d'Eugène Prévost. Le site des Oblates de Béthanie note dans sa biographie du fondateur :

"De 1900 à 1946, Eugène Prévost va connaître dans l'établissement de l'Oeuvre sacerdotale de multiples épreuves: abandons et trahisons, dénonciations et mépris, enquêtes canoniques, difficultés de recrutement en France, deux guerres mondiales."

Voilà qui n'est pas non plus sans nous rappeler les différents revers de fortune de Bérenger Saunière précisemment en 1899 où il mettra en place son système d'appel de messes et ses soucis avec son administration.

Le 1er août 1946, le père Eugène Prévost s'éteignait après une longue vie de travail et de combats pour faire vivre ses oeuvres. Sa profonde vénération du Très saint mystère de l'Eucharistie, de Jésus et de sa mère Marie l'a toujours soutenu dans ses dures épreuves. Mais l'admiration de nombreux prêtres, de puissantes familles aussi dévotes qu'aisées ont assuré son action sacerdotale.

Si Bérenger Saunière, comme on peut raisonnablement le supposer, fut membre de ses associations, il est fort probable qu'il en ait tiré de substantiels soutiens financiers, alléguant de sa pauvreté au fin fond du Razès.






La construction de la villa Béthanie, portant le même nom que celle qui à Lourdes hébergeait les prêtres de cette congrégation, est une étrange coïncidence qui se cumule à celle de ne pas vouloir en construire une autre en bien propre mais sous "prêtre-nom".

Une fois encore, en cette fin d'année 2009, et avec le travail de chercheurs comme Octonovo, nous commençons à mieux comprendre l'action de Bérenger Saunière. 
Loin d'être le "flambeur" que beaucoup décrivent, il commence peut-être à nous apparaître dans toute la variété et les nuances d'un homme d'action, intelligent et décidé, dépendant mais aussi acteur de mouvements trop longtemps ignorés par des chercheurs formatés par les inepties de leurs prédécesseurs.


Christian Attard
Le 24 septembre 2009







(1) Voir le livre de Jean Hamelin : Le père Eugène Prévost - "Je veux devenir un saint" - Les presses de l'université de Laval-1999
(2) en 1913, cette association comportera 120 000 membres, en 1891, 20 000 membres et en 1897 près de 50 000 !
(3) Pour la vénération du Saint Sacrement, des lampes demeuraient allumées. Cela nécessitait l'utilisation de grandes quantités de cires. On retrouve dans la correspondance de B. Saunière ces demandes et envois de cires.
(4) voir leur site : http://www.oblatesbethanie.org/



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