Insensiblement 

La station IV de Rennes-le-Château  (photo Christian Attard)


Je voudrais cette fois vous convier à me suivre vers la station IV du chemin de Croix de l'église de Rennes-le-Château. Sur cette station est représentée la rencontre de Jésus et de sa mère sur la voie douloureuse du Golgotha. Cette station va nous révéler un détail qui jusqu'à présent n'a pas été souligné et qui va peut peut-être avoir sa petite importance ! 
 
Voici comment mon "Année liturgique" (1) relate la scène figurée dans cette station :

../.. Le sacrifice avance dans son cours, la consommation est proche ; il lui faut être avec son fils, et rien ne pourrait la retenir en ce moment. La fidèle Madeleine est près d'elle, noyée dans ses pleurs (2) ../..

Les deux femmes présentes sur cette station sont donc Marie et Madeleine, nous n'en doutions pas. 
En conformité avec les codes de couleur présents partout sur le site, mais aussi à Rennes-les-Bains et à Notre Dame de Marceille, Marie est vêtue d'une robe rose et du traditionnel manteau bleu, décrit lors de ses apparitions. A ses côtés, Madeleine vêtue de jaune, les cheveux défaits (en souvenir de l'onction pratiquée aux pieds du Christ), est agenouillée et soutient la mère du Sauveur. 
Souvent présentée dans cette position et proche des pieds de celui qu'elle a recouvert de parfums chers et rares, on la retrouve aussi aux pieds de la croix et du Christ et également agenouillée sur les stations XII, XIII et XIV.

La station XII

La station XIII

La station XIV

Nous pouvons aujourd'hui, grâce à l'ouverture au grand public des archives du statuaire toulousain Giscard qui a conçu ce chemin de Croix, retrouver des représentations parfaitement similaires. 
Vous pouvez ainsi observer cette même station IV dans deux églises du midi-toulousain. 

Détail sur la station IV - Photo 1

Détail sur la station IV - Photo 2

Ce détail que j'aimerais mettre en avant sera d'autant mieux perçu que nous pourrons, par les deux représentations ci-dessus comparer au besoin une station peinte à une autre non peinte. Sur ces deux tableaux, observez bien le bas du drapé du manteau de la vierge : il tombe jusqu'au sol couvrant largement le pied droit de Madeleine. On pourrait supposer que selon l'habileté ou la volonté du peintre, ce drapé prenne plus ou moins de largeur. 
Le peintre peut en effet comme sur la photo 1 (voir flèches) inclure le fond du décor dans le corps du manteau. Mais dans tous les cas, aux pieds des protagonistes, le doute n'est plus permis, l'écart est plus important qu'à Rennes. 
L'acheteur du Chemin de Croix de Rennes-le-Château a donc opté pour un modèle qui n'est pas celui de l'écart le plus important (photo 3) entre le pied du Christ et celui de Madeleine mais un de ceux où les deux pieds sont les plus proches (photo 4 et 5). 
En réalité, la photo 5, présente une cassure peu naturelle de l'avant du pied comme pour ne plus marquer cette proximité évidente des deux membres.
Cette cassure, cet arrêt peu naturel  de la photo 5 existe sur plusieurs stations identiques et tendrait à laisser penser qu'il s'est passé quelque chose à se niveau. La photo 4 nous montrant la forme la plus acceptable esthétiquement parlant.

Détail sur la station IV - Photo 3

Détail sur la station IV - Photo 4

Détail sur la station IV - Photo 5

Et en effet, la photo 4 est bien la plus proche de ce que l'on peut observer à Rennes. Mais à l'évidence à Rennes-le-Château, en plus, la mise en peinture violette du châle de Madeleine s'arrête nettement avant le pied pour bien faire ressortir l'ensemble de ce pied en couleur jaune. 
Dans le cas d'une logique de mise en couleur, le châle de Madeleine passant par dessus son pied (comme le montre la photo 4), il aurait donc fallu continuer cette mise en couleur violette à cette endroit là aussi. Mais alors cela aurait accentué la séparation des deux personnages. 
A Rennes, au contraire elle est surlignée.

A l'évidence une fois encore après la constatation faite sur le légionnaire manchot, le commanditaire de ce chemin de croix a probablement fait réaliser une très discrète modification permettant de rapprocher insensiblement mais suffisamment pour que cela soit clair à Rennes-le-Château, le pied de Madeleine de celui du Christ !  
Et il a accentué par le jeu des couleurs ce rapprochement.
Ils se touchent du pied marquant ainsi discrètement leur proximité en tout cas dans l'esprit du concepteur de ces retouches. 
A moins que loin de ne vouloir nous signifier qu'une complicité plus poussée (que les textes évangéliques non apocryphes ne permettent pas de supposer) notre homme désire plutôt nous laisser un indice de plus !

Christian Attard

Voir également la page suivante :  Le temps d'un regard

Notes et sources (de la Madeleine)

1 - L'année liturgique du R.P. Dom Prosper Guéranger - Tours. Éditions Alfred Mame et fils. 1925
2 - Madeleine pleure (d'où l'expression pleurer comme une Madeleine), ces larmes ont-elles incité les hommes à nommer cette fontaine au sud de Rennes-les-Bains : la fontaine de la Madeleine ?
Mais pourquoi n'ont-ils pas comme à Notre Dame de Marseille ou à Notre Dame du Cros honoré le lieu d'une église ou d'une basilique d'autant plus que cette fontaine selon l'abbé Boudet aurait le pouvoir d'aiguillonner, voir d'aiguiller sur la bonne voie !!!
"Ces deux sources ferrugineuses froides ont reçu des Celtes le nom de Gode, – to goad (gôd), aiguillonner, exciter, animer"
Nous dit l'étrange prêtre.

Un grand merci à François Pous qui a grandement contribué à illustrer cet article pour les photos 3-4 et 5
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