Le temps d'un regard

Une station IV Giscard dans une église de Haute-Garonne 


Nous ne sommes jamais assez attentifs, je croyais avoir fait le tour de cette station IV de Rennes-le-Château (voir ici) avec minutie et pourtant...
Pourtant... un détail essentiel à mes yeux et peut-être aux yeux de l'acheteur de ce chemin de croix m'avait échappé ! 

Nous sommes peu, très peu, à arpenter routes et mauvais chemins de campagnes, à y user pneus et semelles dans l'espoir souvent vain de la visite d'une église perdue qui nous laisserait retrouver une production des ateliers Giscard. François Pous, Michel Vallet, Franck Daffos ... peu, très peu à retrouver ces chemins de croix qui sont de véritables petites oeuvres d'art méconnues et maltraitées.
C'est ainsi qu'au fil de ces redécouvertes, nous pouvons aujourd'hui établir des comparaisons et commencer petit à petit à comprendre en quoi, contrairement à ce qu'ont écrit des auteurs plus "sédentaires", ce chemin de croix de Rennes-le-Château possède quelques particularités uniques.

Et si j'ai pu admettre que le rapprochement insensible de Jésus et de Marie-Madeleine pouvait être soumis à interrogation, en ce qui concerne les remarques suivantes, je suis persuadé que vous me suivrez avec étonnement.

Voici donc une succession de détails tous issus de cette même station XIV, décorant 6 églises de notre sud-ouest :

 

Comme vous pouvez le constater ces 6 stations IV, 7 même avec celle du sommet de cette page sont pratiquement identiques, issues des outils et de l'esprit du même sculpteur, moulées par le même atelier. 
Sur ces 7 stations le regard du Christ, un instant arrêté dans sa longue montée vers la mort par les pleurs de sa Mère et de Madeleine. Ce regard est extatique, emprunt de douleur et de compassion, il s'adresse aux deux femmes, en en fixant aucune. Ce regard si parfaitement rendu par le concepteur de ce tableau traduit l'acceptation de la toute proche agonie et le renoncement aux affections terrestres que la main retient encore.
Regardez bien ces 7 stations et sur chacune d'elle l'axe de la tête du Christ et regardez maintenant sur la station IV de Rennes-le-Château où se porte ce regard, vers qui se tournent ces yeux embués de douleurs et de tristesse.

Le doute n'est pas permis, le christ de Rennes-le-Château fixe Marie-Madeleine.

Bien sûr, tout le monde avait pu constater cela. Mais, il nous faut ainsi comprendre que ce regard est recherché, appuyé, commandé et sculpté spécifiquement. Et cela, sans cette succession de comparaisons était impossible à mettre en relief.
Bérenger Saunière, curé certes d'une église dédiée à Madeleine a voué sa décoration, son domaine à la sainte éplorée, mais devait-il déroger à ce point à la bienséance liturgique et morale ? 
Ce que l'on doit pourtant admettre est qu'il commanda bel et bien une modification très sensible de cette station IV en nous invitant à comprendre l'importance de l'affection que portait, selon lui, le Christ à Marie-Madeleine.
Il a fait effectuer par les établissements Giscard une rotation à l'axe de la tête de Jésus de telle manière que le regard ne puisse plus que se porter vers Madeleine. Alors, je me reprends à repenser à ce rapprochement évoqué dernièrement... peut-être lui aussi n'était-il pas fortuit ?
Voilà qui remet en tête bien des questionnements, peut-être un peu trop vite écartés  sur le rôle prégnant de notre belle Madeleine dans les mystères du Razès.

Christian Attard

Un grand merci encore à François Pous qui a contribué à illustrer cet article.
Toutes les photos sont soit de François soit du chambellan de service.
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