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Agneaux,
perles et dragons
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Sainte
Anne et Marie - Notre Dame du Cros
(photo
François Pous)
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L'église de Notre-Dame du
Cros évoquée dans "la Vraie Langue Celtique" de l'abbé Boudet
et dans le texte de Pierre Plantard, "le Serpent Rouge" n'attire
plus vraiment les chercheurs. Pourtant, là encore, certains éléments de sa décoration
sont bien étonnants.
Ainsi, ce tableau représentant les parents de Marie : St Joachim et Ste
Anne, lui apprenant à lire dans la Bible, trouve classiquement sa place
dans un sanctuaire marial. C'est aussi une Ste Anne qui nous accueille à
Notre-Dame de Marceille, face au porche. Marie tenant cette fois plus
raisonnablement un rouleau de la Torah. (Sefer Torah qui est en principe
entreposé dans l'Aron Kodesh "Arche Sainte" -clin d'œil aux partisans d'un "trésor
spirituel").
Mais
ce tableau peut nous interroger, car si Marie y est représentée enfant
alors (à gauche) St Jean Baptiste ne devrait pas être né, lui, le
contemporain de Jésus, fils de Marie !
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Si il n'est pas rare de retrouver sur un même tableau ce genre
d'anachronisme, c'est toujours soit une forme de dédicace du lieu à des
saints ainsi honorés et mis en présence directe de la sainte famille ou
d'une crucifixion, soit un hommage à une personnalité portant le même
prénom que le Saint illustré.
La présence anachronique d'autres personnages
bibliques peut aussi avoir valeur symbolique. Ainsi sur ce tableau
d'Andréa Mantegna, le Baptiste annonce la venue du Christ alors que
Marie-Madeleine nous rappelle sa mort et sa résurrection.
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Ste Anne
et Marie à ND de Marceille
(Photo Christian Attard)
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Vierge à
l'enfant de Mantegna
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Rien
de tel ici car en vis-à-vis du Baptiste, une femme au dragon enchaîné
n'annonce pas la résurrection, bien qu'on puisse peut-être y voir une
promesse de délivrance du mal, personnifié par le Dragon. A première
vue, elle pourrait-être prise pour Ste Marthe (sœur de Marie-madeleine)
qui selon la légende enchaîna la Tarasque, mais la jeune femme tient
de sa main droite la palme des martyrs. Seule Sainte Marguerite
d'Antioche eut à affronter un dragon qu'elle vainquit d'un signe de
croix (Par ce signe tu le vaincras) et fut décapitée par un certain
Olybrius.
Voilà qui nous conduit à un premier rapprochement étrange, ce tableau
réunit deux personnages décapités, "morts par l'épée" :
St Jean et Ste Marguerite.
Marguerite était une jeune et belle "bergère" toujours selon
sa légende (1), rapportée entre autres par Jacques de Voragine.
Et nos partisans d'une piste trésoraire seront étonnés de découvrir
que ce prénom vient du latin :
margarita, ae, f. et margaritum, i, n. : qui signifie perle...
trésor ! |
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Ces
chercheurs de trésors s'arrêteront là et nous continuerons sans eux
à rapprocher Jean et son agneau blanc et Marguerite la petite bergère,
également entourée d'agneaux blancs. Ce que Jean Fouquet
(1420-1481), le peintre et l'initié illustre dans l'œuvre ci-dessous
où l'on retrouve Marguerite au moment où cet Olybrius l'aborde pour
ses futurs malheurs. |
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Jean
Fouquet n'a pas manqué de peindre (par connaissance ou sur indication) un
mouton noir. Ce "mouton noir" va donc nous inciter à relire
avec une attention plus "philosophale" la légende de sainte
Marguerite.
"Marguerite
est ainsi appelée d'une pierre précieuse blanche, petite et remplie de
vertus. Ainsi sainte Marguerite fut blanche par virginité, petite par
humilité, vertueuse par l’opération des miracles. On dit que cette
pierre a la vertu d'arrêter le sang, de modérer les passions du cœur,
et de conforter l'esprit."
nous précise jacques de Voragine dans sa "Légende dorée" qui,
nous l'avons vu à propos de St Loup,
véhicule une symbolique très subtile. Raban Maur (780-856), moine
bénédictin et archevêque de Mayence a lui aussi relaté cette légende
:
"C’est à
Antioche qu’eut lieu la passion de la vierge Marguerite. Olybrius
voulant la déshonorer et la détourner de la foi du Christ, lui infligea
de nombreux tourments. Il ordonna qu’on la suspendît à un chevalet de
torture et qu’on lui lacérât les chairs avec des ongles de fer acérés.
Ensuite, il l’envoya dans une prison obscure où elle triompha des
tentations et des séductions du diable qui lui apparut sous la forme
d’un dragon et d’un noir. Sa tromperie ne put en rien lui nuire.
Enfin, elle fut décapitée par le glaive du persécuteur et s’en alla
vers la vie éternelle. "
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Sainte
Marguerite sortant du ventre du dragon
SANTI Raffaello dit RAPHAEL (dit)
et PIPPI Giulio, Musée du Louvre.
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Marguerite
symbole de pureté, dont le prénom signifie Pierre blanche ou perle lutte
contre le Diable qui prend forme de dragon ou d'un noir ! Et elle triomphe
de cette noirceur démoniaque et putride par le signe de la Croix.
Jacques de Voragine précise même sans trop y croire, signe qu'il ne
donne pas sens à ce qu'il rapporte :
"../.. ou bien,
d'après ce qu'on lit ailleurs, il (le dragon) lui mit sa gueule sur la tête
et la langue sur le talon et l’avala à l’instant; mais pendant qu'il
voulait l’absorber, elle se munit du signe de la croix; ce qui fit
crever le dragon, et la vierge sortit saine et sauve. Mais ce qu'on
rapporte du dragon qui la dévora et qui creva est regardé comme
apocryphe et de peu de valeur."
Épisode illustré
sur le tableau ci-contre où l'on voit Marguerite s'extraire des
entrailles rouges du dragon.
Nous avons analysé un autre tableau présent dans Notre Dame du Cros
montrant la Vierge transportée par les anges, assise sur sa maison noire
; maison noire aussi présente sur un
médaillon de Notre Dame de Marceille.
Après la phase noire de la putréfaction, l'alchimiste qui a travaillé
sa matière, assimilée au dragon
espère voir naître la couleur blanche de l'albedo. Telle
Marguerite, la pure et la blanche perle, une nouvelle lumière source
d'espérance naîtra de la noirceur .
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Pour
ceux d'ailleurs en qui subsisterait un petit doute, le peintre n' a pas
manqué de matérialiser au sol un rond sombre qui n'est pas un trou car
Marguerite pose les pieds dessus, mais le rappel de cette terre noire
intimement liée au dragon et que l'on retrouve aussi aux pieds du
Saint-Michel présent dans Notre-Dame de Marceille.
Ainsi, ce tableau à priori sans importance, se révèle-t-il d'une très grande
richesse symbolique.
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On
peut alors en tenter la lecture suivante :
La très sainte trinité (illustrée par les trois boules du fauteuil
d'Anne - trois boules aussi présentes sur l'église de Rennes-Les-Bains
et sur lesquels on a tant écrit !) est le siège de toute sagesse,
de toute création.
En son ineffable mystère naît la source de toute vie.
En elle, s'épanouit la Grâce (Anne-Hanna signifie grâce en hébreu) qui
ne saurait rester stérile, par adjonction de l'Esprit seront engendrés
Marie comme St Jean.
Par l'entremise de la Grâce s'éclaircira aussi ce qui fut caché, et les
hommes liront à livre ouvert l'enseignement divin.
L'étincelle divine connaîtra sa rédemption, vivifiée d'eau et d'esprit
(St Jean), elle s'extraira de sa gangue de boue, triomphera du noir Dragon
et entamera son chemin de lumière en retrouvant d'abord l'éclat de la
perle.
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Message de sagesse et de spiritualité, guide infiniment précieux pour
celui qui savait le lire, ce tableau n'entrait-il pas dans un ensemble qui
dès le XVIIème siècle gardait pieusement illustrées les
arcanes secrètes de la mystérieuse science des humbles et admiratifs
serviteurs de Dieu ?
Christian Attard |
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Notes
et sources :
(1) Jacques
de Voragine, La Légende dorée, Traduction de J.-B.
M. Roze, GF-Flammarion, Paris, 1967
(2) Mauri Rabani, Martyrologium, éd. John McCulloh, Corpus
Christianorum Continuatio Mediaeualis, XLIV, Turnhout, Typographi
Editores Pontificii, 1979, pages 67-68.
Et le site : http://www.imageson.org/document511.html |
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cATHERINE |
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