Les Francs-catholiques





Le drapeau de Charles XI. 
On y retrouve le "In hoc signo vinces", la dévotion au Sacré-Coeur et les fleurs de Lys si chères à Bérenger Saunière.

(source http://www.louis-xvii.com/sacre.htm)






Nous avons vu en nous intéressant au mouvement du Hiéron du Val d'Or à quel point la dévotion au Sacré-Cœur fut importante pour de nombreux membres du Clergé de l'Aude. Cette dévotion était fortement liée à l'ardent désir de revoir une royauté chrétienne mener le destin de la France. Si des prêtres comme les pères Ramière ou Drevon dans le Midi rassemblèrent autour de leurs thèses légitimistes bon nombre de prêtres et de nobles familles occitanes, il nous faut aussi nous intéresser à d'autres personnalités étranges qui renforcèrent cette double dévotion au roi perdu et au Sacré-Cœur de Jésus.

Mais avaient-ils tous en cette fin de XIXème siècle opté pour le même élu des Dieux ? Loin s'en faut !





Comme sur le drapeau de Charles XI, Bérenger Saunière 
avait prévu de placer la célèbre phrase au somment du bénitier
(photo Christian Attard)




Julien Marie Le Chartier (parfois orthographié Lechartier)  est né le 17 juin 1843 à Pleuguenenc en Bretagne. Après des études religieuses médiocres, gâchées par un caractère difficile, il doit quitter le scolasticat et s'installe en région parisienne, puis à Lyon. 
Mille métiers, mille misères le contraignent à adoucir un caractère affirmé et à demander sa réintégration au sein de l'enseignement qu'il fut contraint de quitter. Mais désormais, son esprit a trop goûté aux vents de la liberté fut-elle aussi malheureuse qu' impécunieuse : il ne peut plus se conformer à une quelconque discipline.





Le journal  "La légitimité" Fleurs de lys et Sacré-Coeur
(Source Gallica)




Il quitte donc une nouvelle fois ses études, rêve à un grand projet de défense du christianisme contre toutes les fausses sciences et idées perverties du monde et publie un premier article dans "la légitimité"(1883/1940) une revue nauendorffiste (1), éditée par l'abbé Henri Dupuy, le fondateur d'une troublante "Milice royale des Francs du Sacré-Coeur" (2)
C'est dans ce milieu acquis à la cause du plus célèbre des prétendus dauphins de Louis XVI qu'il fait la connaissance de spirites lyonnais ; avant une fois encore, de faire dissidence, de s'installer à Toulouse et de s'y marier en 1889.
Après quelques mois de travail en tant que publiciste, c'est encore les frères du Saint-Esprit aussi appelés Spiritains (ils avaient tenté en vain de le former) qui lui procurent un poste de professeur de grec à Castelnaudary avant d'être contraints de se séparer une nouvelle fois d'un homme décidément trop turbulent !
C'est sûrement lors de son passage dans cette ville qu'il fit la connaissance d'un chanoine qui a plusieurs reprises alimenta Bérenger Saunière en "dons" déguisés visant à contourner les lois républicaines, le père Laffon-Maydieu.

Entre temps, Lechartier s'est formé à l'hébreu qu'il maîtrise avec une belle capacité et se signale surtout comme un virulent anti-maçon. Abel Clarin de La Rive (1855-1814) autre fervent militant anti-maçonnique qui succédera à Léo Taxil  à la direction de l'hebdomadaire la
"France chrétienne antimaçonnique" en janvier 1896 lui confie alors, selon une de ses lettres à l'abbé Bessonies datée de  1894, la traduction d'un ouvrage sulfureux nommé le "Gennaith Menngog" que le trouble Taxil lui aurait remis.


Karl-Wilhelm Nauendorff
(source Wikipédia)





A Toulouse, Lechartier ne tarde pas à créer un étrange Institut dédié aux études cabalistiques dès 1895.
Étonnamment, cet "institut" fut très fréquenté et par le plus beau monde de l'ésotérisme chrétien : Henry Guillebert des Essarts, Déodat de Séverac qui a une grande admiration pour les connaissances ésotériques de Lechartier, Jules Doinel, Firmin Boissin, le père Marc Voetgli. Ce dernier,  Directeur du séminaire français de Rome se fit le chantre d'un Christ-roi dont on retrouve bien des échos dans nos histoires et qui donna son inspiration aux mouvements chrétiens les plus conservateurs d'aujourd'hui. 
Léo Taxil ne fit à Toulouse que quelques apparitions plutôt, semble-t-il, destinées à puiser dans les archives de Lechartier sa future prose anti-maçonnique. Et Dieu sait que ces archives qui furent promptement volatilisées à la mort de Lechartier semblaient parfaitement constituées.




Lechartier parait alors tout entier investi à l'immense tâche de compilation encyclopédique que ses visions mystiques semblaient vouloir lui imposer. Et il se détache nettement de ses anciennes relations nauendorffistes.

Sa double prise de position clairement anti-maçonnique et anti-nauendorffiste est appréciée par des personnes que nous avons déjà croisées mais aussi par Monseigneur Armand-Joseph Fava (1826-1899), Ancien missionnaire à Zanzibar, puis évêque de la Martinique avant de devenir évêque de Grenoble. 
On doit à ce redoutable adversaire de la franc-maçonnerie plusieurs ouvrages (3) et la revue
"La franç-maçonnerie démasquée". Il est aussi le fondateur de nombreux mouvements comme "la confrérie du Crucifix" ou "la croisade des francs-catholiques". 
On sait aujourd'hui que le prélat se montra particulièrement méfiant à propos de l'apparition mariale qui eut lieu sur son diocèse à La Salette.

Tout ce beau monde, s'appuyant depuis 1884 sur l'encyclique anti-maçonnique "Humanum genus" du pape "arcadien" Léon XIII.

On le comprend, lorsque ces mouvements sont en pleine période de développement, nous sommes aussi en pleine période d'abondance pour Bérenger Saunière. Son marquage idéologique, clairement royaliste n'a pu que lui attirer de nombreuses sympathies. 


Monseigneur Fava
(source  revue "Les contemporains")




Et il ne serait pas déraisonnable de supposer qu'il ait pu être choisi pour assumer une fonction de rassembleur au sein d'un mouvement de type "franc-catholique". 

Ces associations secrètes n'allaient sûrement pas publier la liste de leurs membres, pour la plupart membres du clergé; et il est notable de retrouver dans la décoration de l'église de Rennes-le-Château, fleur de lys, Sacré-coeur et les "In Hoc Signo Vinces".
Une remontée d'argent sous forme déguisée a très bien pu constituer soutiens et cotisations de membres actifs ou de sympathisants d'un tel groupe à des fins de placement ou d'actions politiques.
Il est également troublant qu'à la mort de Monseigneur Billard (1901), les écrits du curé Laborde extrêmement durs pour le défunt aient pu se diffuser en un milieu où ce genre de prose est habituellement étouffée dès la naissance et que l'acide curé ne cite jamais Bérenger Saunière alors que nombre de "créatures" de Billard sont nommées et salies.
Il semble qu'un consensus large ce soit fait autour de la personne pourtant turbulente et voyante de Bérenger Saunière, consensus qui ne se renouvellera pas après la disparition de notre évêque simoniaque.
La réalité de tels groupes bien implantés dans le sud de la France semble plus ferme qu'un calque anti-maçonnique reprenant paradoxalement leur mode de rassemblement ou de disposition en l'église décidément bien sulfureuse du diable révolutionnaire et sous-bénitier.


Christian Attard . Le 16 juin 2009.




Notes et sources :




1 - Karl-Wilhelm Nauendorff fut pour certains le fils de Louis XVI, évadé des prisons du Temple. Aujourd'hui une étude ADN du cœur de l'enfant mort au Temple a révélé qu'il s'agissait bien du descendant légitime de Louis XVI. Officiellement Nauendorff ne fut donc qu'un imposteur qui rallia cependant à la fin du XIXème siècle bien des esprits à sa cause.
Un certain Ernest de Poulpiquet donnait quelques articles dans "La légitimité". Philippe de Chérisey appelait parfois de ce nom Pierre Plantard. Il est vrai que le Poulpiquet en question apparenté aux Cherisey avait failli mourir foudroyé !

2 -
"Milice royale des Francs du Sacré-Coeur" Lyon chez Waltener en 1884. 
La "Milice royale des Francs du Sacré-Coeur" était un mouvement anti-révolutionnaire ayant fait allégeance au prince Louis-Charles, (1831-1899), fils de Karl-Wilhelm Nauendorff. Louis-Charles se proclama duc de Normandie puis Charles XI, et épousa en 1880 une Hermine-Dorothée-Gisberte de Kruyff. Le siège de la milice était lyonnais et sous la responsabilité d'un lieutenant-général élu. Les membres étaient pressentis puis confirmés après serment au Sacré-cœur et au roi.
Soutenue par des cotisations, la milice fait oeuvre de propagande. Ses règlements notent que la cause de Louis XVII est, en 1884, soutenue par plus d'un millier de prêtres en France qui donnent une messe dédiée au Sacré-Coeur et à la restauration de la royauté tous les premiers vendredi du mois.

3
- dont "Le Secret de la Franc-Maçonnerie" chez Desclée, De Brouwer et Cie, Lille - 1883




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