Le
trésor des trésors
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Christophle
de Gamon, tel qu'il paraît dans son recueil "Le Jardinet de
poésie"
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Christophle
de Gamon passa une grande partie de sa vie à la campagne, entouré de
très peu d'amis et méconnu du plus grand nombre de ses concitoyens. La
nature et ses livres furent pour lui plus profitables que le commerce des
hommes, et il apprit ainsi que la véritable récompense du Chercheur n'est
pas dans la reconnaissance humaine mais bien dans la pénétration des
secrets de sa destinée.
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Dédicace
de "La semaine, ou création du
monde contre celle de du Bartas"
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Christophle
François-Joseph Gamon (1574-1621) était le fils d'Achille de Gamon (mort
en 1597), homme de droit et premier consul de la ville d'Annonay,
catholique puis protestant et auteur en 1586 du "Mémoire
sur les guerres civiles du Haut-Vivarais".
Ce père fut un homme extrêmement estimé de la population d'Annonay.
(1)
Après des études brillantes menées à Nîmes et Montpellier,
Christophle se
destine au fonctionnariat provincial comme ses ancêtres. Mais, il est
aussi auteur de poèmes :
"Le verger poétique",
"Les pescheries"
(1598),
"Le jardinet de poésie"(1600),
"Le trésor des
trésors"
(1600 et 1610),
"La muse divine"
et enfin
"La semaine, ou création du monde contre celle de du Bartas"
(1609). Et il semble que Christophle de Gamon se soit surtout intéressé
à l'Alchimie.
Ces ouvrages paraissent chez Claude Morillon, imprimeur sous privilège
des souverains de Dombes. Les vignettes que Morillon utilise pour illustrer les
couvertures de ses livres varient avec les auteurs, mais toutes laissent
transparaître une subtile connaissance de l'ésotérisme de son temps.
Bien avant nos modernes Francs-maçons, nous y retrouvons l'allégorie
originelle et alchimique de la pierre taillée, les cornes d'abondance, la
toison d'or, les chouettes d'Athéna (sœur d'Hermès) ...
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Vignette
de couverture de "La semaine..."
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Vignette
de couverture du commentaire du "Trésor des trésors"
d'Henri de Linthaut
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Vignette
de couverture du "Jardinet de poésie"
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"Le trésor des trésors"
est un poème qui se veut un
résumé de la philosophie hermétique de son temps. Bien avant Jean
Fabre de Castelnaudary, Christophle de Gamon professait que l'on devait comprendre les grands textes
antiques ou même les récits bibliques
comme autant d'allégories de la quête alchimique. Cette quête ne
visant pas à s'enrichir mais étant
"pour sobrement vivre et le
pauvre assister", sa divulgation demeurant impossible car elle engendrerait
le pire des chaos sur terre.
Christophle de Gamon fut-il un alchimiste opératif, réalisa-t-il de ses mains le grand Oeuvre ?
Il nous éclaire à ce
propos :
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"Mais
ce n'est point à toi que doit être scellé
ce que sans pratiquer le ciel m'a révélé."
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Par
ces vers, il nous indique qu'il va transmettre son secret à celui qu'il
nomme "son cher ami" et dont nous ne saurons jamais le nom, mais aussi que ce
secret lui a été révélé sans pour autant avoir justement pratiqué.
Henri de Linthaut que l'on croit être le médecin royal Henri de Lindhout
(l'orthographe de ce nom est très variable) fera un commentaire éclairé
de ce poème (2).
Peut-être même beaucoup plus précis et technique que le poème
lui-même. Ce commentaire sera dédié au roi d'Angleterre qui en son pays
connut nombre d'alchimiste, dit-il dans sa dédicace.
Pour celle de sa "Semaine...", Christophle
de Gamon choisira Monseigneur Anne de Lévis, duc de Ventadour (1569-1622). Il n'y
avait là rien d'anormal car Anne de Lévis, comte de La Voulte, puis duc
de Ventadour et pair de France fut aussi baron de Donzenac, de La
Roche-en-Régnier et d'Annonay, ville natale de Monsieur de Gamon et de son
père .
Mais les Gamon étaient protestants et la famille de Lévis profondément
catholique. Comment alors concevoir que Christophle
de Gamon puisse se permettre d'adresser un ouvrage à un tel prince, issu
d'une des plus vielles familles de France et dont un ancêtre combattit les
cathares de Montségur. Surtout si cet ouvrage est empli de symboles
alchimiques et qu'il a lui-même publié quelques temps auparavant
"le trésor des trésors". Il faut donc que ce grand duc ait eu,
lui-aussi, quelques sympathies pour les alchimistes. Car il n'y a qu'à
regarder l'illustration placée en exergue de cette dédicace pour ne
point douter de l'allusion alchimique qu'elle sous-tend.
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Deux
cornes d'abondance, un vase ou vaisseau, deux dragons dont l'un aptère,
voilà qui ne peut pas passer inaperçu aux yeux de l'adepte.
Lorsqu'il
reçut cet ouvrage le duc de Ventadour avait à ses côtés son fils
Henri âgé de 20 ans, lieutenant du roi après son père en ce même
Languedoc, prince de Maubuisson et comte de La Voulte, pair de France,
puis Vice-Roi de la Nouvelle France. Il abandonna pourtant tout cela à la
mort de son épouse pour entrer dans les ordres et surtout fonder vers
1626 la
Compagnie du Saint Sacrement dont messieurs Fouquet
(François), Vincent
Depaul et Jean-Jacques Olier furent parmi les membres les plus éminents.
Transcendant le fait religieux, intimement intégrée dans la culture
des lettrés du XVIe siècle, l'alchimie ne fut ni rejetée,
ni ignorée des grandes familles nobles et bourgeoises de France. Une
des toutes premières préoccupations de la Confrérie du Saint
Sacrement, compagnie de haute dévotion catholique, fut le secours aux
plus démunis, cette préoccupation fut aussi celle qui illumina la vie
du bon monsieur Vincent répondant ainsi parfaitement à la pensée de
Monsieur de Gamon, le protestant : "pour sobrement vivre et le
pauvre assister".
Christian
Attard
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(1)
On trouvera dans La
revue lyonnaise - Lyon 1881 une série d'article sur les Gamon, père et
fils.
(2) "Commentaire sur "Le trésor des trésors" de Christofle de Gamon,
revenu et augmenté par l'auteur" 1507 Henri de Linthaut..Lyon:
par Claude Morillon 1610 dédié au Roi d'Angleterre ! Henri de Linthaut
est l'auteur de "L'aurore".
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