Les Marconis De Nègre 




Il est exceptionnel que, reliés à un même territoire restreint, nous puissions trouver autant de hauts dignitaires de loges, autant de créateurs de rites. Les Chefdebien, Hautpoul, Fleury ont tous appartenus à un mouvement, une loge et se connurent aussi pour cela.

Gabriel-Mathieu Marconis de Nègre fut affilié à la Franc-maçonnerie.
Robert Ambelain le décrit comme un maçon hautement initié aux "sciences secrètes".
Il était détenteur de tous les degrés du Rite Écossais Ancien Accepté et de ceux de l’ancien Rite de Perfection. Et il était membre du rite primitif des Chefdebien dès 1759. Cet officier des armées napoléoniennes fut initié à la loge ISIS et fonda dès son retour d'Italie en 1798 une loge dite des "pèlerins de Memphis".




Marconis de Nègre
Jacques Etienne Marconis de Nègre
Grand Hiérophante du rite de Memphis. 

Mais, c'est avec son fils Jacques Etienne Marconis de Nègre (Né à Montauban en 1795 et mort à Paris en 1868) que la famille de Nègre sortira du relatif anonymat de l'arrière pays occitan pour entrer dans les dictionnaires d'ésotérisme.
Toujours selon Robert Ambelain (1) (qui en tant que grand maître du rite de Memphis-Misraïm devait pourtant savoir de quoi il parlait), Jacques Etienne Marconis de Nègre et  Samuel Honis auraient créé le rite de Memphis à Montauban en 1815.

Mais, selon des sources plus traditionnelles, ce serait suite à sa deuxième exclusion du rite de Misraïm, que Jacques Etienne Marconis de Nègre élabora en 1838 le rite de Memphis en s'inspirant de toutes les initiations qu'il avait reçues. 
Gérard Galtier nous le confirme (2) :

"Et plus tard en 1838, c'est Marconis de Nègre, vénérable de la loge lyonnaise de Misraïm, " la bienveillance ", qui créa le rite de Memphis en utilisant toutes les initiations qu'il avait lui-même réussi à capitaliser."

On prétend que pour cacher cet "emprunt", il allégua que le rite de Memphis était du à une filiation rituelle égyptienne reçue par son père.
Marconis présentera plus tard plusieurs versions du rite en 1861 dans le Rameau d'or d'Eleusis.





A noter que ces Marconis de Nègre sont de la même famille que Marie d'Ables par la branche du Clat. Car en 1626, Philippe de Niort épousa Paule de Nègre, tante du baron de Coustaussa. Les de Nègre, eux-mêmes entrés en possession des territoires du Sault et d'Able.
Depuis 1696, les Cazemajou sont co-seigneurs de Niort en cousinage avec les Negri d'Ablès. 

Et qu'enfin, Le père de Béranger Saunière sera plus tard régisseur pour les Cazemajou à Montazels.







Le rite de Misraïm


Marc Bedarrride

Marc Bedarride en Grand Maître
de l'ordre de Misraïm.

Il est donc assuré selon les historiens que le rite de Misraïm (qui signifie Égypte en hébreu) est antérieur au rite de Memphis. Mais là encore, il est très difficile de savoir avec précision à quand et à qui l'on doit l'origine du rite.
Pour certains, ce serait le mystérieux Raimondo Sangro (1710-1771), prince italien qui obtint la dispense nécessaire du pape Benoît XIV pour consulter les livres interdits du Vatican, l'homme est alchimiste, inventeur de machines stupéfiantes, étudie la résurrection et la lumière.
Pour d'autres, le rite de Misraïm serait une création d' un groupe de sociniens (opposés à la Sainte Trinité) auxquels Cagliostro (encore lui) aurait délivré une patente de constitution. 
Ce rite fait partie des rites dits "Égyptiens". 
Transmis au sein des troupes impériales d'Italie, il faudra atteindre le 21 mai 1814 pour qu'en France, les frères Bédarride (Marc, Michel et Joseph) implantent une loge à Paris. 




Néanmoins un autre frère semble avoir connu une transmission du rite à la même époque dans ses derniers degrés, il s'agit du frère Joly (originaire de Limoux, et oui !) qui reçut les pouvoirs de Naples en 1813 des frères Lassale et Lechangeur. 
C'est ce même Joly qui présentera au Grand Orient de France, le 20 novembre 1816, les secrets du Régime de Naples qui semblent s'être perdus par la suite et sur lesquels nous reviendrons plus particulièrement.




Le rite se caractérise par l'ampleur de ses grades : 90, dont les 33 premiers sont repris du rite écossais Ancien et Accepté. Mais tout cela reste assez marginal, le rite attirant surtout des ésotéristes férus d'occultisme.

Mais, déjà le toulousain Dumège avait instauré dans sa ville un rite assimilé et Marconis de Nègre a très bien pu fréquenter Dumège. Car une autre hypothèse fait remonter le rite égyptien au 24 décembre 1784, jour où Cagliostro crée à Lyon, la première loge maçonnique égyptienne, la " Loge de la Sagesse Triomphante ". Difficile finalement de s'y retrouver dans un domaine où règne toujours la loi du silence.
Au début du XXe siècle, le rite de Misraïm s'éteint en France, intégré comme celui de Memphis à un rite de Memphis-Misraïm.
Mais quoiqu'il en soit, il semble que ces pratiques ne soient que des résurgences beaucoup plus anciennes.




Le rite de Memphis




Né selon certains d'une dissidence du rite de Misraïm, le rite créé par Marconis de Nègre ne connaîtra jamais que 5 ou 6 loges mais s'implantera au États-Unis, en Roumanie et en Égypte et aura une grande influence dans le monde de l'occultisme.
Cependant, il faut aussi faire état d'une possible filiation de ce rite avec celui des Chefdebien créé près de 60 ans plus tôt à Narbonne.
Marconis de Nègre voua son existence à faire connaître sa création par un travail de "communication" très intense.
Sa création dépasse en degrés celle de Misraïm : 91 degrés en 1839 puis 92 en 1842 et plus tard 95 ! Seule son acceptation au sein du Grand Orient en 1862, réussira à le ramener à 33°.
Le rite de Memphis se complète d'enseignements moins hébraïsants que ceux de Misraïm mais finira lui aussi par s'éteindre au tout début de XXe siècle en se fondant au
sein du Grand Collège des Rites du Grand Orient de France.







Arcana


Mais que ce soit dans le rite de Misraïm ou dans celui de Memphis, ce sont les Arcana Arcanorum qui constituent le cœur philosophique et occulte de la Maçonnerie Égyptienne. Ces fameux secrets du régime de Naples ne furent jamais divulgués et à l'exception du frère Joly, il semble bien que très peu de personnes sachent véritablement de quoi il s'agit.

En provisoire conclusion, retenons la très forte implication de personnages incontournables de nos énigmes, leur relation (les De Nègre, Hautpoul et Chefdebien se connaissaient et souvent étaient membres de leurs loges respectives) et les allusions nombreuses à leurs études et pratiques.







Sources et notes :

(1) Robert Ambelain qui écrivit de nombreux ouvrages en rapport avec notre énigme et parfois sous le pseudonyme "vernien" d'Aurifer. Citons ici :
Sur les celtes : Au pied des menhirs. Introduction à l'étude des doctrines celtiques, Paris, Niclaus, 1945
Sur les trésors : Le Dragon d'or. Rites et aspects occultes de la recherche des trésors, Paris, Niclaus, 1958.
Sur l'histoire secrète de Jésus : Jésus ou le mortel secret des Templiers (Robert Laffont, « Les énigmes de l'univers », 1970
Et :
La Magie sacrée d'Abramelin le mage, transcrite, présentée, annotée et commentée par R. Ambelain, Paris, Niclaus, 1959. Édité par le Suprême conseil de l'Ordre kabbalistique de la Rose-Croix.

(2) "Maçonnerie égyptienne, rose-croix et neo-chevalerie" Éditions du rocher.p. 98



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