Le Saint-Antoine de Cologne





Le village de Cologne dans les années 50.
CAP CIM Éditions - Coll. Ch. Attard








Comme presque toutes les bastides du Sud-Ouest, le village de Cologne dans le Gers ne fut créé qu'après la terrifiante croisade contre les Cathares (1208-1255). Fondé en paréage en 1284 entre Odon de Terride et Philippe III le Hardi, c'est Philippe le Bel qui lui donna ses coutumes. 




Le voyageur, venant de Toulouse par l'Isle-Jourdain, sera surpris d'arriver au pied même de l'église. Cet édifice de pierre, bas et solide a pourtant subi, comme bon nombre d'églises de France, de nombreuses dévastations dont la dernière fut la conséquence de l'application froide des recommandations et "dépoussiérages" du concile de  Vatican II (1962-65).

L'Aude ou les Pyrénées Orientales ne détiennent pas, bien sûr, l'exclusivité d'un attachement ancestral au bon Saint Antoine. Un culte semble avoir existé à Cologne, Saint-Antoine sur Arratz (Gers) vit s'installer les moines Antonins au XIIIème siècle, ils y firent bâtir église et hôpital comme à Saint-Christaud ou Pujaudran, toujours dans le Gers.
Une très belle statue, réalisée par les ateliers des frères Virebent, précurseurs et parents par alliance des Giscard reprend les caractéristiques iconographiques du saint anachorète. 
Le sanglier son animal de compagnie n'est qu'un apport plus récent du XIVème siècle à sa légende car 'La vie des Pères du désert" n'évoque jamais l'animal. L'ordre de St Antoine, né dans le Dauphiné en 1095, vécut de sa réputation de soulager le mal des ardents et fut grand éleveur de cochons. Il déclina avec l'extinction de la maladie à tel point qu'il fût dissout dans l'ordre de Malte au XVIII ème siècle.

A la fin du XVème siècle, notre pauvre ascète brûlé par les ardeurs du soleil égyptien, amaigri par les pénitences et les jeunes n'en est pourtant pas moins représenté par un vieillard costaud et bien portant. Le Tau qui l'accompagne, rappel de la béquille des infirmes, nous ramène aussi à l'ordre hospitalier et non au saint ermite. A n'en pas douter l'assimilation se fit entre la représentation imaginaire du saint et de ceux qui le vénéraient en leurs hospices : manteau de bure marquée du Tau (symbole des Antonins) chapelet, cochon trouvent là leur origine.

L'assimilation, l'enrichissement iconographique se fit ainsi de l'ordre des Antonins vers les représentations de l'ermite de Thébaïde, aussi serait-il vain de vouloir distinguer sur un tableau ou une statue la présence du Saint, toujours et dans tous les cas représenté, de la présence d'un simple moine de l'ordre de Saint Antoine qui lui ne le sera jamais !
Cette constatation éclaire l'approche qu'en toute logique il conviendrait d'avoir face au tableau de ce même saint Antoine dans Notre Dame de Marceille. 


Saint Antoine et son...sanglier !





Toute volonté réductrice est absolument contraire à la lecture raisonnable d'une représentation du bon saint. C'est pourtant ce que fit Henri Gasc de Notre Dame de Marceille en parlant du fameux tableau du Saint Antoine , tentant d'en faire un simple moine de l'ordre dans le seul but  de cacher ainsi son inadmissible intervention iconoclaste sur un tableau de maître.
Nous savons par notre redécouverte d'une copie de ce tableau que déjà en 1852, l'homme avait barbouillé le Frédeau entre ses mains afin de ne simplement plus en faire une "tentation". Ses glissements littéraires successifs par opuscules interposés ne visant qu'à cacher ce triste fait.
Il ne mentit cependant pas sur tout et pensa sincèrement peut-être que ce tableau passa par la communauté des ermites de Saint Augustin de Limoux. Cependant cela semble après réflexion assez illogique.
Car l'ordre de Saint Antoine, très bien implanté à Limoux, a pu passer commande de ce tableau au début du XVIIème siècle à Mathieu Frédeau pour vénérer son fondateur et ce en meilleure logique, pour ensuite en faire don au sanctuaire de notre Dame ou le céder avec certains de ses lieux de cultes. 
Thèse fort plausible puisque l'ordre des Antonins commença à vendre ou céder ses possessions de Limoux à l'époque ou précisément on signale l'arrivée du tableau dans le sanctuaire de Notre Dame (soit vers 1644) pour finalement s'effacer totalement laissant la place aux dominicains de Prouille en septembre 1706.

Mais revenons plutôt à notre Saint Antoine de Cologne dans l'attente d'informations qui préciseront la provenance de celui de Limoux. Car l'église de Cologne protège aussi un Saint Antoine bien énigmatique. 
Comme à Limoux, nul ne sait avec certitude d'où provient  le tableau et son état peut en tous points être comparé à celui de l'Aude. A sa grande différence toutefois : il sera restauré sous peu et nous pourrons peut-être en savoir un peu plus sur son auteur.







Mal éclairé, placé dans une chapelle peu visitée, il n'attire plus aujourd'hui les regards et pourtant avouons que "l'objet non identifié" suspendu dans les cieux au-dessus du Saint nous laisse plus que dubitatifs.





Saint vaissel, graal flamboyant ?




Le pauvre ermite tient en ses mains son chapelet terminé non par un Tau mais par une croix pattée ou peut-être une croix de Malte. La datation du tableau nous précisera s'il est postérieur au rattachement de l'ordre de St Antoine aux hospitaliers de Saint-Jean de Jérusalem auquel cas leur croix placée ici aurait un caractère moins étonnant que celle des templiers.

Nous le voyons, un tableau ou même une statue de Saint Antoine n'a aucun caractère d'exception dans nos églises du Sud-ouest où l'ordre des Antonins était très bien installé avec par ailleurs une organisation assez similaire à celle des templiers. Herboristes, médecins, chirurgiens, les Antonins furent aimés et estimés pour leur dévouement et leur savoir, l'attachement toujours vivace il y a moins d'une centaine d'années au bon Saint Antoine en témoigne.


Christian Attard






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