... ou signé Ambroise ?

Un Saint Roch signé par Ambroise Frédeau en 1650
(Photo Christian Attard)

En possession d'une "authentique" signature de Mathieu Frédeau, il reste difficile d'attribuer ce fameux St Antoine à Ambroise ou à Mathieu. La signature peut en effet, avoir été "honnêtement" falsifiée pour renvoyer d'Ambroise à Mathieu. N'oublions pas que la tradition historique du sanctuaire attribue la toile à Ambroise. Difficile en l'occurrence aussi de se contenter de l'adage "si ce n'est toi c'est donc ton frère !"

La raison devrait pourtant nous inciter à penser qu'il demeure plus plausible que le tableau de Notre Dame de Marceille soit bien d' Ambroise, le toulousain, et non de Mathieu, peintre réputé plus "itinérant" et jamais à ce jour répertorié dans un quelconque endroit (musée ou église) du Sud-Ouest.
 
Nous avons la chance en région toulousaine de pouvoir  aller admirer des oeuvres d'Ambroise Frédeau, frère Lai des Augustins, exposées à l'endroit même où il vécut et peignit. Mais il est plus aisé encore de s'essayer à quelques comparaisons avec une de ses toiles, plus accessible, dans une église du Tarn un St Roch que vous pouvez admirer ci-dessus.

En préliminaire, notons qu'Ambroise seul, semble être un peintre de grands sujets. Le musée des Augustins de Toulouse (1) possède :

Jésus-Christ ressuscité apparaissant à sa mère : h 2,81x l 2.86
St Augustin reçoit l'habit monastique des mains de St Ambroise et de St Simplicien : h 2,24 x l 1,67
St Augustin présente son cœur à la vierge : h 1,72 x l 2,54
St Nicolas de Tolentino bercé par le concert des anges : h 2,60 x l 2,27

Mathieu dont les oeuvres restent peu connues ne semble pas être allé aussi loin en dimensions. Quant à la piste d'un Téniers, il suffit d'analyser la manière de peindre de Téniers pour l'oublier définitivement ici

Je voudrais vous conduire maintenant avec moi à un petit jeu des comparaisons entre notre Saint Antoine de Notre-Dame de Marceille et ce St Roch.

Remarquons tout d'abord le rejet du bâton de marche, de la cape et du manteau dans le même coin inférieur droit sur les deux tableaux.
Examinons ensuite les deux visages, si parfaitement rendus :  deux traits obliques blancs formant l'éclat de la pupille se retrouvent de part et d'autre. Les peintres de ces deux tableaux ont donc cette même façon de rendre la lumière de ces regards, mais nous ne pouvons nous arrêter à cela. Pas plus qu'à ces bouches entrouvertes.

Sur les deux tableaux sont aussi représentées des sortes de lierres grimpant dans les anfractuosités de rochers. Leurs formes légères et trilobées sont très semblables. Mais continuons encore...

A l'examen de la main gauche de Saint Antoine comme de St Roch, nous avons la surprise de retrouver la jonction du majeur et de l'annulaire. Leur représentation est parfaite et conforme aux canons picturaux.

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Nous avons donc une série d'indices qui pourrait nous laisser penser à un auteur commun à ces deux toiles sans malgré tout n'avoir rien de déterminant. Cependant, formés à la même école, deux peintres peuvent avoir la même façon de représenter certaines choses.
Un peu plus bas pourtant sur nos deux toiles, une autre partie anatomique semble, elle, être représentée de bien étrange manière !
Le mauvais état de conservation du St Antoine ne nous aide pas dans notre analyse, mais nous pouvons malgré cela observer la façon dont sont figurés... les pieds !

Le retrait du gros orteil est très caractérisé et en cela peu conforme cette fois aux canons picturaux. 

Enfin, considérons que la signature d'Ambroise Frédeau sur le St Roch se situe en milieu de toile et que la date du tableau figure, elle-aussi, à un tout autre endroit près du pied de l'ange. 
Il est alors très possible que la véritable signature de ce tableau n'ait pas été à l'origine sur ce caillou en bas à gauche et que l'éventuel faussaire n'ait donc pas eu à "maquiller" une première signature mais à en créer une de toute pièce, hypothèse que l'on peut aussi envisager, après tout.
Mais tout ce qui précède ne constitue guère que des observations qui ne veulent en aucune manière avoir force de convictions.

Christian Attard

Note :
1 - http://www.augustins.org/intro/accueil.htm

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