La voie
des étoiles - 2 - Le sceau de Salomon
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Le
dallage du porche de Notre Dame de Marceille avant et après sa
"réfection" dans les années soixante. |
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Nous
avons pu constater ensemble (voir ici)
que la statue de la vierge à l'enfant du porche de Notre-Dame de
Marceille avait subi dans le milieu des années soixante de très
étonnantes transformations.
Ces modifications importantes et si difficilement compréhensibles ne
semblent pas s'être arrêtées à cette seule statue et les deux photos
ci-dessus nous permettent de réaliser que le pavage du porche fut lui
aussi modifié. Notons également la disparition d'une vasque sur
laquelle nous aurons à revenir, remplacée par une jarre insipide. |
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Pourquoi
avoir bouleversé ce magnifique décor ?
Les différentes photographies disponibles ne nous montrent aucune
dégradation dangereuse du sol et les personnels des Monuments
Historiques qui, en 1958, ont étudié le sanctuaire ne mentionnent aucune
anomalie ou détérioration. (voir photo ci-contre)
Peut-on alors se laisser aller à supposer que tout comme pour le phylactère
(voir ici) évocateur des Rose-Croix
et de la quête du Saint Graal, le motif inscrit sur le sol de ce porche
ait été trop "révélateur" ?
Étant donné que nous sommes ici sur un site marial, nous pourrions
supposer que cette étoile à six branches se veut évocatrice de
Marie.
Les médaillons à l'intérieur de l'église (que certains ont pour faire trop
vite, et à leur habitude, englobés dans des allégories attribuées aux litanies de la
vierge) assimilent en effet par deux fois Marie à une étoile. Marie
est ici étoile du Matin (Stella matutina) et étoile de la mer (Stella
Maris) mais les étoiles reprisent sur ces fresques sont toujours à
cinq branches non à six.
En réalité cette étoile au sol est bien un magnifique sceau de Salomon,
appelé encore étoile ou bouclier de David.
On entend et lit trop que ce symbole fut de tout temps un symbole
hébraïque ou judéen, ce qui est totalement faux car il fut utilisé
par tous et ne devint un signe confessionnel que très tardivement.
La mise en place de ce porche et des éléments qui le compose est daté
de 1488 (1), si on veut bien considérer la pose des pavés à cette
même époque, nous sommes dans tous les cas bien avant l'extension de
l'usage à des fins religieuses assimilées au judaïsme du symbole du
sceau de Salomon. Cette extension à partir de la communauté juive de
Prague ne s'étant faite que tardivement aussi. (2) Il suffit de se
pencher sur les représentations picturales de David ou de Salomon pour
se rendre compte par ailleurs que le symbole ne les accompagne jamais |
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Quoiqu'il
en soit nous sommes ici au seuil d'un sanctuaire catholique, c'est donc
bien que les personnes qui ont choisi cette étoile avaient en tête une
toute autre signification.
Le premier dictionnaire de symbolique venu (3) va à ce propos nous éclairer sans la moindre ambiguïté :
"Cette figure
est une véritable somme de la pensée hermétique"
Mais avant de
tenter d'approfondir la nature ésotérique du symbole, essayons de
cerner ce qu'il peut demeurer d'explications plus traditionnelles, si
l'on peut dire ! |
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L'étoile-guide
des rois mages a annoncé au monde la venue du Christ. Elle les a
conduit vers l'étable qui hébergea la sainte famille. Au moyen-age,
pour cette raison, quelques aubergistes utilisèrent ce symbole de
l'étoile de David comme enseigne à leur commerce.
On
pourraient penser qu'ici aussi, on ait voulu signifier qu'il était
possible de trouver refuge auprès de Dieu. Ce qui en effet se pratiqua
un temps dans ce sanctuaire mais avouons que l'explication pour
cohérente qu'elle soit est... acrobatique !
De plus, pourquoi employer cette forme bien précise d'étoile
fortement connotée dans le passé plus qu'aujourd'hui d'un caractère
"magique" plutôt qu'une étoile à cinq branches du type de
celles qui sont utilisées sur les médaillons intérieurs, justement ?
L'autre explication classiquement donnée à cette étoile est celle de
symbole protecteur contre les démons mais sur le seuil d'une église
dominée pas la vierge et son fils comprendre cela serait bien
blasphématoire !
Faute de mieux, il nous faut bien en revenir à une explication
"hermétique" justement.
Support mnémotechnique du parfait petit alchimiste l'étoile rappelle
les quatre états de la matière, les sept métaux du Grand Oeuvre et
les planètes qui les gouvernent. Tout l'art alchimique consistant en la
transmutation de l'imparfait au parfait, à la fusion des opposés en un
centre de perfection, véritable expression de la pureté originelle sur
terre dont la vierge est la matrice sans tâche.
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Extraite
du Splendor Lucis, Sonnenfels, Vienne, 1747 |
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Image parfaite des voies de l'accomplissement de cette perfection elle
représente la pierre philosophale, le Graal des alchimistes vertueux et
laborieux.
Il n'est pour s'en convaincre qu'à faire un tour dans les ouvrages
d'alchimie pour retrouver ce symbole omniprésent.
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"Ce
signe étant du plus haut intérêt pour l’alchimiste, — n’est-ce
point l’astre qui le guide et lui annonce la naissance du Sauveur ?"
Nous prévient
l'adepte Fulcanelli dans "Le mystère des Cathédrales"
(4). Bien malicieux Fulcanelli qui, dans une note en bas de page à la
façon de Boudet, nous apprend aussi que :
"La convallaire polygonée, vulgairement Sceau de Salomon, doit son
appellation à sa tige, dont la section est étoilée comme le signe
magique attribué au roi des Israélites, fils de David."
Petit note
bien intéressante qui nous incite à chercher la racine latine de cette
plante : la Polygonatum vulgare. Lorsque l'on sait que polygonatum
signifie "nombreux genoux" et que l'herbe se nomme parfois
"la genouillet". Voilà qui devrait parler à nos amis
Francs-maçons pour qui genoux et sceau de Salomon ont une valeur
certaine !
Nous avons vu et nous verrons encore les références multipliées de ce
sanctuaire au Cantique des cantiques, poèmes attribués à Salomon et
à forte connotation alchimique. Certains thèmes ici n'apparaissent
qu'avec une autre perception de la décoration et des lieux. L'examen
plus attentif de ce sceau dit de Salomon nous aurait peut-être donné
quelque autre indication.
Est-ce
pour cette dernière raison, cumulée à toutes les précédentes
(phylactère, modification de la vierge, retrait de la vasque) qu'il fut
assez récemment décidé d'intervenir sur le sol de ce porche ? Les
différentes brochures produites ou commanditées par l'évêché de
Carcassonne sont étrangement muettes sur ces travaux conséquents et
non sans conséquence sur un patrimoine si riche en symbolique.
Il est en tout cas maintenant un faisceau d'indices convergents qui nous
conduisent à le croire et qui dans l'esprit d'un adepte d'autrefois
devait inciter à ouvrir les yeux ici à Notre Dame de Marceille afin
qu'ils y soient comme le pensait ce cher Boudet dessillés.
Christian Attard
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Notes
et sources
(1) - Gilles Semenou - Notre Dame de Marceille - Gabelle- Carcassonne
1992 p.20
(2) - Gershom Scholem - Le messianisme juif - Paris, Calmann-Lévy,
1974
(3) - Jean Chevalier et Alain Gheerbrant - Dictionnaire des symboles -
Robert Laffont -1994 p.853
(4) - Fulcanelli - Le mystère des cathédrales - Pauvert 2005 p.66 |
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