Une fin peu auguste

Le registre des Marguilliers de Notre Dame de Marceille
(Photo Christian Attard)


Le registre des Marguilliers de Notre Dame de Marceille, vénérable ouvrage commencé en 1626 et s'achevant en 1749 nous révélera, à condition de faire preuve d'une longue ténacité, sûrement bien des éclaircissements sur la vie d'un lieu qui, par sa sombre beauté, nous fascine toujours. 
Sa localisation me fut discrètement signalée par "MP" dans ma boîte mail à la suite de mes dernières pages et je remercie bien sincèrement mon généreux Guide et salue ceux qui, Frères en recherches tout aussi silencieusement y ont "puisé" de solides renseignements...

Le banc des Marguilliers dans Notre Dame de Marceille
(Photo Christian Attard sur gravure de MM Reynié et Certain)

Mais avant d'aborder les premiers enseignements que j'ai pu retirer de son étude, je crois qu'il est bon de rappeler qui étaient les marguilliers
Le marguillier (du latin matricularis, qui tient un registre, cela tombe bien !) était un laïc membre d'un conseil de fabrique, chargé de l'administration des biens de la paroisse (terres, fermages, écoles, rentes et impôts, recette et dépense, inventaires..), de veiller à l'entretien des locaux et mobiliers et des objets du culte,  de préparer les affaires qui devaient être portées au conseil... On le voit le marguillier ne chômait pas ! 
Ce sont souvent des bourgeois suffisamment instruits pour pouvoir gérer correctement le sanctuaire. Mais, il ne faut pas s'attendre à trouver dans un tel registre des indications directe sur la vie spirituelle du lieu. Ce ne sont que comptes de recettes et dépenses.
Tout certes, ne se retrouve pas dans un registre de fabrique, mais un tableau objet d'un don et par conséquent ne figurant pas parmi les dépenses, doit être posé, entretenu, restauré, à ces fins on devrait alors en trouver mention.

A Notre Dame de Marceille, nous rencontrons cette même organisation et la référence bien sûr aux étudiants du diocèse envoyés au collège des Doctrinaires de Narbonne à Paris et à Monseigneur l'évêque de Narbonne sous l'autorité temporelle duquel était placé ce sanctuaire. 
Autant dire que je n'y ai pas trouvé la moindre mention de Monseigneur Pavillon, évêque d'Alet qui rappelons le, une fois encore, ne fut en rien concerné par la gestion de ce lieu. 
Dans le cas contraire, visites épiscopales, inventaires présents en bon nombre et régulièrement dans ce registre n'auraient pas manqué d'évoquer son nom durant toute sa période d'activité, il n'en est strictement rien ! 
Voilà qui devrait définitivement clore ce débat si ce n'était déjà fait.

Un autre point méritait, en une première approche, toute notre attention, retrouver trace dans les registres d'un éventuel tableau représentant Saint Augustin en prière dans une grotte puisqu'il était censé décorer notre église depuis les années 1670 avant qu'il ne soit, soi disant, transformé en un Saint Antoine dans les années 1860 par Henri Gasc (voir ici). 
Le tableau ayant déjà été, nous dit-on, avant cette date de 1670 un Saint Antoine !

Plusieurs auteurs s'accordent pourtant ou se copient pour nous donner la date de son arrivée dans le sanctuaire : 1684  (Jacques Escargueil, Gilles Semenou...). Voilà déjà un premier décalage, il aurait du être à cette époque un St Augustin  et depuis longtemps sur les lieux !! 

Or effectivement, notre registre fait bien mention d'un Saint Antoine, mais il était là avant 1684, comme l'indique Robert Debant qui en date la venue de 1644 (1) et qui est certainement celui qui a le mieux étudié le sanctuaire. Le 25 août 1684, il est décidé de descendre le tableau comme l'indique l'extrait suivant :

Il est alors fait des modifications et réparations au cadre et au tableau comme le précise les deux notes suivantes payées à un sculpteur et un menuisier.

Puis, une fois les réparations et nouvelles ornementations  réalisées, le tableau est remis en place :

p

Nous avons donc là la preuve formelle que l'église avait bien en 1684-85 un tableau reconnu comme étant celui d'un Saint Antoine alors que selon une certaine thèse, il était transformé en St Augustin !

Il est bon de rappeler que le doute ne s'appliquait pas à une époque où l'on savait parfaitement faire la distinction entre un St Antoine et un St Augustin. Marqué du Tau, en prière dans une grotte alors qu'il est perturbé par le démon, la reconnaissance explicite du Saint ermite ne peut faire sujet à débat.
Mais, connaissant nos lecteurs les plus circonspects, une objection peut venir à l'esprit : il y avait un autre St Antoine à cette époque ! 
Notons, en réponse, que le registre mentionne "LE" tableau de St Antoine, ce qui implique qu'il n'y en avait justement pas un autre. Car il aurait été nécessaire dans cette hypothèse de préciser : le St Antoine près de la chapelle de la Vierge par exemple, ce qui n'est pas le cas. 
L'appel à un entrepreneur pour descendre et remettre en place le tableau montre également qu'il ne peut s'agir d'un petit sujet.
Ce tableau était bien l'unique représentation connue du Saint et il est bien arrivé avant 1684.
Oublions donc cette hypothèse de transformation entre 1670 et 1860, dans cette fourchette de temps, notre registre nous précise qu'il n'y avait dans Notre Dame de Marceille qu'un seul tableau représentant bien St Antoine et ce depuis quelques temps déjà.

Christian Attard

(1) Robert Debant : Notre Dame de Marceille - Paris 1973
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