Datation certaine ?

Gravure de Reynié et Certain

Carte postale du sanctuaire

La seule représentation, à ce jour, de l'intérieur de Notre Dame de Marceille avant sa transformation par le chanoine Henri Gasc est la gravure de messieurs Reynié et Certain. Si l'exemplaire retrouvé récemment (voir ici) nous a permis de redonner l'orthographe exacte du nom de ses auteurs, malheureusement, il ne mentionnait aucune date de sa création.

Ce manque a autorisé bien des suppositions et des tentatives de datation exacte. Selon certains le document était de 1830  ou de 1850 , et selon d'autres mais sans plus de précisions : de la première moitié du XIXème siècle.

Pourtant, une mise en parallèle attentive d'une carte postale (ou d'une quelconque vue du sanctuaire à l'heure actuelle) et de la gravure nous permet de constater que le puits que le chanoine Gasc fit démonter est toujours présent sur la lithographie de M. Certain. Cette première constatation n'est cependant pas suffisante. Elle nous apprend seulement que M. Reynié réalisa son dessin avant les travaux d'Henri Gasc et le démantèlement de ce puits. Personne ne pouvant donner à nouveau avec précision la date de destruction de la structure extérieure de ce puits, nous n'avions à nouveau qu'une fourchette de temps assez incertaine. 

Mais là où figure sur la gravure ce puits, ne figure pas un autre élément bien plus intéressant pour établir une datation plus précise : une porte. Cette ouverture est celle de la seconde sacristie, la première étant matérialisée ci-dessous par une flèche. Une nouvelle comparaison de vues nous montre bien l'emplacement de la porte de cette seconde sacristie, un peu à droite de la seconde travée Nord.

Bas de la gravure de Reynié et Certain

Gilles Semenou (1) nous apporte alors la précision qu'il nous manquait :

Cette deuxième sacristie oeuvre donc du prédécesseur de l'abbé Gasc : Gaudéric Mêche ramène notre gravure à une date antérieure à 1837 puisque nous savons désormais avec précision que le chanoine Méche officia dans le sanctuaire de 1831 à 1837, laissant en 1838 sa place à Gasc.
Nous pouvons donc logiquement supposer que puisque la porte de cette seconde sacristie ouverte en 1837 ne figure pas sur le dessin de M. Reynié, ce dessin fut réalisé avant les travaux en question.
Mais, nous n'avons pas de notions supplémentaires pour avancer une datation encore plus exacte car ce "avant 1837" pourrait remonter bien loin dans le temps !

En 1837, nous sommes au cœur de la Restauration et sous le règne de Louis-Philippe (1773-1850). Des caricaturistes comme Charles Philippon, le créateur du Charivari connaissent la prison pour avoir oser dessiner la tête de monarque évoluant vers une poire ! En 1835, Thiers s'insurge contre les séditieux qui par leur dessins sournois poussent le peuple à la révolte. Et comme rien ne change en ce bas-monde, après une courte période de pseudo tolérance la censure politique fait son grand retour par les lois du 9 septembre 1835. Désormais, toute publication de dessins, de gravures ou de lithographies devra être soumise à autorisation avant diffusion et vente.

Je sais que vous avez déjà compris où je voulais en venir, marquons toutefois une pause pour constater que si autorisation de diffusion il y eut pour cette lithographie de MM Reynié et certain, cela signifie volonté de vente et de diffusion étendue. Dans le cas contraire, on voit mal pourquoi se donner la peine de demander autorisation. Il ne s'agit donc pas d'une gravure "ex-voto" comme dit parfois mais d'une gravure de diffusion destinée à la mise sous-cadre par exemple. Ce qui pourrait laisser supposer une commande du sanctuaire...

Dans sa livraison n°41 du 14 octobre 1837, "La bibliographie de la France" nous donne la liste des estampes "autorisées". En tête de cette liste figure notre vue intérieure de Notre-Dame de Marceille !
Certes Marceille y est orthographié Marseille mais il s'agit bien de notre document certifié par le nom de son éditeur M. Certain.

Nous voilà donc fixés cette fois avec une bonne précision sur la date de création de cette lithographie. Non pas avant 1835 et ses lois auquel cas point besoin d'autorisation mais fin 1837. Peut-être en constatant les lourdes redingotes des visiteurs sur le dessin en hiver 1836.
Ce Monsieur Pierre Certain était un  lithographe connu à Carcassonne, membre de la Société des Arts et des Sciences de la ville, il avait publié des cartes routières de l'Aude en 1836 sous autorité et en commande du Préfet et figurait parmi les points de livraison de calcaire lithographique dès 1830. 
En 1838, il se verra récompenser pour ses oeuvres d'une médaille de Bronze lors de la première exposition des produits des Arts et de l'Industrie du département de l'Aude. On trouve aussi un François Certain, lithographe originaire de Chambéry, sûrement de la même famille.
La personne de M. Reynié reste, pour le moment plus méconnue mais nous pouvons désormais certifier que cette lithographie est bien la vue générale la plus ancienne que nous possédons de Notre-Dame de Marceille.

Christian Attard

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