Les
voies du Graal (3)
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La Stibine connue
comme le loup gris ?
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Notre
Dame de Marceille et St Loup nous ont-ils ainsi véritablement mis sur
la voie (stibi en grec) de la connaissance de cette manière minérale incontournable
pour garantir la réussite du Grand Oeuvre ?
Cette matière est-elle
bien l'antimoine ou bien faut-il comprendre que ce mot même pourrait
encore cacher une autre réalité, un autre dérivé ?
Et si voie il y a, est-elle sèche, humide ? Car à la Pierre, tout comme à
Rome, plusieurs chemins semblent mener. |
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Les "philosophes" tantôt retiennent, tantôt rejettent
l'antimoine dans leur jeu continuel de révélations et de désinformations
savantes. Tantôt "envieux", tantôt "charitables",
ils savent dire le tout et son contraire. A qui peut-on alors se fier ?
L'histoire antique souvent des plus obscures, et longtemps la vie de
quelques saints imaginaires servirent de support aux codages les plus
subtils. Saint Loup semble bien être de ceux-là, sa
"récupération" sert une cause, porte un message, mais il
n'est pas le seul. Ainsi la vie de nombreux saints devrait peut-être
faire l'objet d'une double lecture attentive. Saint Antoine n'échappe
sûrement pas à cette suspicion de détournement savant.
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La calcination de l'antimoine
selon Abraham Bosse en 1676
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Eugène Canseliet,
disciple unique du grand et mystérieux alchimiste du XX° siècle
Fulcanelli, fit le voyage de Paris à Notre Dame de Marceille en
compagnie de Julien Champagne, peintre et alchimiste, lui aussi pour étudier le
sanctuaire, voici ce qu'il nous dit à propos de cette matière
première :
« Disons-le tout net : La matière des travaux alchimiques
s'offre, s'impose même, avec tant d'évidence, qu'il n'est pas
d'auteur, fût-il le plus sincère, qui ne s'en soit montré « envieux
», qui n'en ait tu, voilé ou faussé le choix, jusqu'à écrire le nom
vulgaire de ce sujet, très réellement prédestiné, pour déclarer
enfin qu'il n'est pas celui-là. »
Ce cheminement déductif, aussi aberrant soit-il pour le cartésien,
rencontre pourtant aussi celui de Jacques Sadoul ou de Jacques Bergier
(nous y reviendrons) qui placèrent cette stibine en bonne place
dans leurs choix de cette matière première indispensable, tout
comme Newton d'ailleurs. |
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Épigramme
XXIV.
Efforce-toi
de capturer le loup vorace
Pour l’apaiser, à ce glouton jette le corps
Du roi; puis place-le sur un bûcher ; le feu
Excité par Vulcain le réduira en cendres.
Opère ainsi souvent et tu verras le roi,
Doté d’un cœur de lion, surgir, fier, de la mort.
Michel Maier,
Atalanta fugiens - 1618
Le loup (l'antimoine) s'attaque-t-il au roi (l'or) dans le but de le
purifier par une opération nommée cémentation ?
Les chimistes savent en tout cas que l'antimoine et ses dérivés sont
effectivement purifiants de l'or.
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Face
à la
chapelle de Notre Dame de Marceille autrefois dédiée à St Loup, on
pouvait admirer un étrange tableau représentant
un ermite dans sa grotte, effrayé par une créature ailée et griffue
s'agrippant à la paroi de la caverne.
Un ermite vit seule, il est donc bien un moine au sens étymologique du
terme tiré du grec μοναχός
«seul, unique», «qui
vit seul»,et dérivé de μόνος «seul,
unique». Il semble que l'on doive à St Augustin une
sorte de trituration subtile du mot qui lui fit dire qu'étant unis en
un même cœur, des religieux pouvaient être à la fois moines et
vivrent en un tout unique : leur communauté.
Moines donc, mais plus seuls !
Mais, l'ermite est bien le "seul" et véritable moine, et
cette créature si terrifiante semble bien avoir l'intention de
s'attaquer à lui. Elle est ainsi réellement opposée au moine et donc
naturellement "antimoine" ! Munie d'ailes, mais arrimée par
ses serres à la pierre, elle porte cette double nature fixe et volatile,
chère aux alchimistes.
Voilà qui pourrait donc bien nous conduire à trouver au sein du
sanctuaire une seconde allusion à cette matière essentielle.
Bien évidemment, il ne faut trouver là aucun rapport avec
l'étymologie directe du nom du minéral dérivée d'une corruption
latine d'un mot arabe [al-]ithmīd), qui lui-même était déjà une
corruption du Latin Stibium, venant du grec [stibi]. Sur ce mot, les
approches divergent car certains (2) l'ont traduit par le chemin, la
voie.
Mais les anciens nommaient aussi la stibine albaster (album astrum),
l'étoile blanche une appellation qu'il sera bon de se remémorer. |
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Le
globe cruciforme est bien présent; clin d'œil ou simple coïncidence ?
"L'alchimiste", avec "Les tentations de St Antoine"
fut le sujet de prédilection de David Téniers - Est-ce un indice
possible de l' émergence de ce peintre dans nos mystères ?
Ses Alchimistes sont présents
dans les collections des Musées de Anvers, Dresde, Francfort, Brunswick,
Stuttgart, Munich, La Haye, Madrid... |
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A
tout cela s'ajoute, bien sûr l'étonnant rapprochement des deux noms
ANTOINE et ANTIMOINE,
dont l'un semble la contraction de l'autre aux deux lettres IM près, le
fait que le bon saint était évoqué pour soulager le mal des ardents, et
celui troublant de la présence de cette stibine tout particulièrement
auprès des sources chaudes à fleur de rocher.
Sources chaudes qui abondent dans la région.
Notre griffon ou dragon sur ce tableau symboliserait-il une fois encore ce lien entre la
matière première à vaincre et l'alchimiste ?
Un autre jeu de mot semble encore une fois assez révélateur : car que ce
soit le dragon terrifiant et bitumé du tableau de st Antoine de Notre Dame de Marceille, un peu
plus loin dans l'église, celui que terrasse St
Michel ou même le diable au bénitier de
Rennes-le-Château, les concepteurs de ces lieux se sont beaucoup appuyé
sur les réflexions et inversions et sur une notion que l'on peut
rapprocher de l'antinomie. Mot issu du grec anti (qui s'oppose) et nomos
(la loi), autre anagramme de l'antimoine. Et qu'Arthéphius en son temps
rappelait en décrivant la matière première comme "une antinomie
demeurant dans les parties de Saturne". Bien que Saturne soit
associé au plomb ! Mais les anciens avant Lavoisier confondaient plomb et
antimoine.
Pas simple, loin de là, car tout est fait pour brouiller cette fameuse
piste.
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Les alchimistes de Pietro
Longhi 1757
Nos prêtres du Razès ont-ils succombé à cette tentation, comme ceux
de Venise ?
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Et
pour faire bonne mesure ces anciens nommaient : plumbum
album, le zinc et l'étain !
Voilà qui pourrait rejoindre Richard Khaitzine,
auteur des "Faiseurs d'or de Rennes-le-Château".
Ce dernier pousse
beaucoup plus loin l'analyse précédente en considérant que celui qui s'oppose au
religieux est en réalité SATAN, anagramme de STANA dont le
prolongement donne le mot ÉTAIN. Il déroule d'ailleurs cette analyse
avec aisance en retrouvant le même ÉTAIN dans "ETINArcadia
ego" ou dans le fameux Célestin (c'est l'étain).
Je ne peux cependant que m'incliner devant la très grande connaissance
des écrits alchimiques et de la langue des oiseaux que possède
l'érudit Richard
Khaitzine et penser que ces analyses sont à considérer avec attention.
Tout en gardant une petite préférence naïve pour notre antimoine ! Mon
manque de culture alchimique aidant !
Christian Attard
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Notes
et sources :
(1) - La lettre aux Hébreux - verset 6 et suivants.
(2) - Jacques Sadoul - Le trésor des alchimistes - Édition J'ai lu
- L'aventure mystérieuse
(3) - Arthéphius - traité de la pierre philosophale. Traduit par P.
Arnault
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