La clef des choses cachées

Maurice Magre (1877-1941) n'a sûrement pas aujourd'hui la notoriété qu'aurait du lui donner son immense talent de conteur et de poète. 
Il naquit à Toulouse en mars 1877, son père, Genty Magre (1840-1926) fut  Sous-préfet de Villefranche-de-Lauragais et son frère André (1873-1949), Grand officier de la Légion d'honneur, Conseiller d'État, et Secrétaire général de la Présidence de la République.
Maurice très jeune, composa ses premiers poèmes qui furent publiés dès 1895. Après une jeunesse qu'il brûla dans tous les excès que cette planète pouvait lui offrir, il se rangea et s'intéressa plus sagement à la théosophie de Mme Blavatsky, aux mystères antiques et à la tragédie des Cathares. 
On lui doit le magnifique
"Sang de Toulouse", histoire de la répression sordide et guerrière menée par Rome et les disciples d'un Christ pourtant tout amour contre de pauvres, pacifiques mais hérétiques Albigeois ou encore "Le trésor des Albigeois", quête du Graal dans les Hautes-Pyrénées. (1)


Maurice Magre 

A la fin de sa vie Maurice Magre se convertit au bouddhisme et mourut à Nice, espérons le plus apaisé, en 1941. 
Souvent, comme le fit aussi un autre chantre du Catharisme Napoléon Peyrat, il sublima les faits, mais à l'égal d'un Gérard de Nerval son érudition était profonde et sa connaissance des légendes occitanes immense. 
Cette vie de tous les excès et de toutes les sagesses ne lui valut pas l'honneur ne serait-ce que d'une notice personnelle dans le peu inspiré et très académique
"Les toulousains dans l'Histoire" sous la direction de Philippe Wolff chez Privat.
Après la mort de Maurice Magre fut édité un livre nommé :
"la clef des choses cachées", recueil de courts textes marquant la continuité à travers les âges de deux mouvements opposés l'un de lumière et de révélation et l'autre d'obscurcissement et de manipulations. 
Des druides en passant par la quête mystique du Graal, l'ouvrage s'achève sur un texte consacré aux tarots.

Mais le si curieux Maurice Magre n'évoqua jamais Bérenger Saunière, la lanterne magique de la tour Magdala ne s'étant pas encore allumée, aucun chercheur ne venait en heurter les verres.
Cinq pages traitent pourtant dans
"la clef des choses cachées" de l'Arche d'Alliance, si chère à certains partisans de l'hypothèse d'un trésor mythique remonté des entrailles du Razès. Magre nous confie une vision très originale de la survie possible de ce coffre divin.

Complétant les textes bibliques, il nous indique que c'est bien Jérémie au VIè siècle avant Jésus-Christ qui aurait caché l'Arche
(2) avant la destruction du premier temple en 586 avant J.C. par Nabuchodonosor II. Ce Jérémie ou d'autres, aurait récupéré le précieux objet pour le replacer dans le second Temple achevé en  - 516. 
Cependant, Pompée pénétrant dans le Sein des Saints, ne vit pas d'avantage l'Arche lors de son intervention en Judée en 64-63 av J.C. 

Enfin, lorsque les romains de Titus prirent Jérusalem en 70 après J.C. et entrèrent dans son Temple sacré, ils ne trouvèrent qu'une copie grossière de l'Arche. L'original avait, dit-on, été mis à l'abri par ses prêtres. Titus s'empara malgré tout des objets cultuels encore présents dont la fameuse Ménorah dont j'ai évoqué l'histoire par ailleurs.

Notons que la terrible arme de guerre que fut l'Arche semblait avoir perdu tout pouvoir (ou peut-être son mode d'emploi avait-il été aussi mal traduit que nos notices "made in China") car les Temples de Jérusalem ne résistaient plus à aucune intrusion depuis près de 600 ans.

Déjà les Philistins s'étaient emparés de l'Arche lors de l'épisode de "La Peste d'Ashdod" 
(détail du tableau de Nicolas Poussin) à la grande colère de Dieu !

Une légende prétendit cependant que la famille Hillel réussit pourtant à sauver l'Arche et à atteindre l'antique communauté juive d'Alexandrie avec le précieux coffre, refaisant ainsi le cheminement moïsiaque à l'inverse.

Mais à son tour, Alexandrie connut l'effroi et les pillages, cette fois sur ordre de l'évêque chrétien Cyrille (376-444) qui y persécuta les juifs. Les Hillel reprirent donc une nouvelle fois la route avec leur fardeau secret, mais cette fois, pour le sud de l'Égypte vers la Thébaïde chère à notre bon Saint Antoine (251-356).

Malheureusement pour eux, une bande de pillards les extermina et s'empara de l'Arche qui échappa ainsi au peuple juif.

Les pérégrinations du coffre ne firent que recommencer et notre légende poursuit en nous indiquant que c'est chez un antiquaire spécialisé dans les objets précieux que Abou Beckr dit le Véridique, sur ordre de Mahomet, racheta l'objet oublié (mais toujours lourdement en or !).
Alors l'Arche retrouva
(au service des arabes cette fois et de leur Dieu !) son pouvoir talismanique et les armées d'Okba et d'Abderame lui firent remonter devant elles l'Espagne, traverser les Pyrénées et triompher en la presque moitié de la France. 
Mais en France, les fins coursiers arabes se brisèrent en dépit de la protection de l'Arche sur la lourde armée des trois royaumes que Charles Martel commandait, et près de Poitiers, Abderame fut tué. Le reste de son armée s'enfuit vers Narbonne... 
L'Arche suivait-elle de places fortes en places fortes nos Maures ? Nous pouvons le supposer nous dit Maurice Magre, rajoutant à l'évocation de cette légende le souvenir de la visite d'un "haut initié" lui déclarant que l'antique talisman n'avait plus quitté la France.
(3)

Bien étrange Maurice Magre qui ne se serait sûrement pas senti en terre inconnue à Rennes-le-Château, lui qui aimait tellement les belles légendes.
Personnage trouble et mystérieux, poète surréaliste, rose-croix très certainement, il a emporté au tombeau bien des secrets ancestraux.

En 1937, il initia avec Francis Rolt-Wheeler, théosophe comme lui,  une
« Société des Amis de Montségur et du Saint-Graal » qui on peut le dire avec un mauvais jeu d'idées ne fit pas long feu !

Il est donc clair que bien avant les hypothèses retrouvées de nos modernes chercheurs toute une frange d'ésotéristes évoquait déjà la vision d'une Arche d'Alliance, mythique Isis, endormie au sein d'une grotte française, le Graal ou de grandioses trésors. Gérard de Sède, Philippe de Cherisey et Pierre Plantard n'ont pu que connaître tout cela comme nous l'avions déjà évoqué dans un article précédent et y puiser à loisir la base de leur propres constructions romanesques. 

Christian Attard

Sources :

(1) on trouvera sur Maurice Magre sa bibliographie sur l'incontournable wikipédia : http://fr.wikipedia.org/wiki/Maurice_Magre et un très bon article sur le blog suivant : http://polymathe.over-blog.com/article-19404614.html

(2) Bible : Second livre des Macabées - Chapitre II

2,1. On trouve dans les écrits du prophète Jérémie, qu'il ordonna à ceux qui émigraient de prendre le feu, comme il a été dit, et comme il le commanda aux émigrés.
2,2. Et il leur donna la loi, pour les empêcher d'oublier les préceptes du Seigneur, et de tomber dans l'égarement d'esprit et voyant les idoles d'or et d'argent, et leurs ornements.
2,3. et, disant encore d'autres choses semblables, il les exhortait à ne pas éloigner leur cœur de la loi.
2,4. Il était aussi marqué dans le même écrit comment le prophète ordonna, d'après une réponse qu'il avait reçue de Dieu, qu'on emportât avec lui le tabernacle et l'arche, jusqu'à ce qu'il fût arrivé à la montagne sur laquelle Moïse était monté et avait vu l'héritage de Dieu. (donc le mont Sinaï)
2,5. Étant arrivé là, Jérémie trouva une caverne, et il y porta le tabernacle, l'arche et l'autel de l'encensement; puis il obstrua l'entrée.
2,6. Or quelques-uns de ceux qui l'avaient suivi s'approchèrent ensemble, pour remarquer ce lieu, et ils ne purent le trouver.
2,7. Lorsque Jérémie l'apprit, les blâmant,
il dit que ce lieu demeurerait inconnu, jusqu'à ce que Dieu eût rassemblé Son peuple dispersé et qu'Il lui eût fait miséricorde;

(3) Absolument aucune chronique, aucun texte ne vient bien-sûr corroborer ce récit !

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