Les doux dingues d'Odin

Les Bergers d'Arcadie - Nicolas Poussin


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Les Bergers d'Arcadie, nous dit-on, sont venus faire brouter leurs moutons de l'imaginaire en terre du Razès par les vertus de quelques décryptages savants et à l'invitation du berger Paris . 
Et, si telle n'avait pas été la source de leur arrivée "à bâtons rompus" au tombeau des Pontils, on nous assure qu'ils figuraient nus de tout encodage en un dossier bien ficelé qui serait passé de mains en mains. 
Quoiqu'il en soit, c'est bien à Gérard de Sède de Liéoux dans son maintenant incunable
"L'Or de Rennes", sorti 4ème trimestre 1967 sous l'égide des éditions Julliard et page 28, que nous devons l'apparition publique du superbe tableau de Nicolas Poussin dans cette énigme.



Robert Charroux lui aussi évoque 
Maurice Guignard en 1969

Mais, il existe deux ans avant cette publication, un autre texte qui déjà associait ce tableau à un mystérieux trésor ! 

Nous en devons la mention à un historien des sectes, M. Cyril Le Tallec dans un ouvrage passionnant : "Les sectes politiques de 1965 à 1995", page 73. Voici ce qu'il rapporte : 

"De plus le secret de Rennes-le-Château, restera lui-même sans mystère pour les hallouines de monsieur Guignard comme devait le préciser la revue HHNK au mois de mars 1965 : 
"Le peintre Nicolas Poussin entre dans la crypte secrète où les rois wisigothiques ont amassé des trésors de guerres immenses; il les inventorie, puis peu à peu il les fait transporter dans une autre crypte, située entre la Montagne noire et les corbières. 
Mais, il craint que dans les siècles à venir, ses successeurs dans sa fonction de gardien de trésor perdent la filiation ésotérique. Alors, il peint beaucoup plus tard les Bergers d'Arcadie", sur lequel une femme, une hallouine (grande prêtresse odinique), fait déchiffrer l'inscription d'une tombe ancienne."

Je me permets d'insister nous sommes en mars 1965 soit deux ans avant la sortie du livre de Gérard de Sède, et cinq bons mois avant que n'apparaisse dans "Les descendants mérovingiens ou l’énigme du Razès wisigoth",  de Madeleine Blancasall,  déposé le 28 août 1965 à la Bibliothèque Nationale, la phrase énigmatique mentionnant Poussin.  Le texte étant de la main de Pierre Plantard.
Mais pour M. Guignard,  Nicolas Pavillon ou les Fouquet ne sont pas dans le coup, c'est déjà cela de gagné !!

Qui est ce monsieur Guignard dont parle ce texte ?
 
Le responsable d'une église dite odinique (ou wisigothique) ou encore Sainte église normande dont le siège est installé à Lausanne et la branche active sur l'île de Jersey où son pape, le "storGodi" Bjarni Langlois édite un bulletin ronéotypé : "Hin Heilaga Normanniska Kirkja"  (HHNK). Tous les Godis (prêtres d'Odin) et toutes les hallouines ne sont pas normands et le n°15 de HHNK évoque les basques. Ces derniers se réuniraient dans un labyrinthe pyrénéen pour y pratiquer quelques rites antiques.

La littérature de ces illuminés se nourrit de racisme et d'antisémitisme, de croyances pitoyables aux bons OVNI, de
catastrophisme, et d'une science-fiction de pacotille. Associés à un pape d'opérette auto-proclamé en 1950 Clément XV (1) (alias Michel Collin, né en 1905, mort en 1974, un abbé qui sera débarqué par Rome en 1951 pour cause d'aberration mentale !), dit aussi le "pape des extra-terrestres" (2). Le groupe lance alors sa haine contre le pape Paul VI. L'église de Rome y oppose l'indifférence car Maurice Guignard est à l'évidence un malade mental hautement épicé. Normal puisque l'homme épicier en gros à Bonneval (Eure-et-Loir) se fait aussi appeler Maurice-Erwin Guignard, il est né en 1920 et a quitté ce monde en 2001. On lui doit quelques fascicules à la Plantard dont les seuls titres relèvent leur qualité :

Les architectes odinistes des cathédrales, les chanoinesses et les évêques odinistes dans les diocèses saxons-normands. Burg Püttlingen, Puttelange-les-Thionville (Moselle) et Phosphenia, Les Mureaux, 2001 

Les clefs du décodage de la langue étrusque, les condensateurs électriques étrusques, la colonisation étrusques au japon auto-édité
(et pour cause !), 1992.

La Bible "A" Lydienne et une brochure en faveur de Clément XV, le pape de Clémery !

Le bougre partage aussi avec Pierre Plantard cette fâcheuse manie de revisiter l'histoire au profit de sa généalogie personnelle et avec Boudet la recherche d'une langue des origines. Les Guignard occupant bien sûr un rôle de première importance auprès des rois, des jésuites, des bâtisseurs de cathédrales... Lui-même se dit agent du Général de Gaulle ! Cela ne vous rappelle rien ?
On se demande qui a inspiré qui ? 
Car si aujourd'hui ces farfelus sont complètement oubliés, ils étaient très connus dans les années 50 et assuraient par leurs frasques la une de journaux en mal de "littérature". 
Ainsi en 1969, deux ans après Gérard de Sède, dans son "livre du mystérieux inconnu", Robert Charroux évoqua aussi le curieux Guignard qui croyait cette fois avoir retrouvé chez les guanches (première peuplade des Canaries) la langue originelle et affirmait que Jésus avait été initié aux îles Canaries !

Odin, le voyageur aux corbeaux et aux loups

Il semblerait donc que le trio à l'origine de "L'or de Rennes" avait au moins pris connaissance de ce bulletin n°15 de mars 1965, ce qui ne parait pas aberrant puisque son auteur vivait parfois à Lauzanne et de toute manière devait fréquenter les mêmes milieux d'hallucinés que Pierre Plantard.

A cela s'ajoute une autre coïncidence étonnante, en 1969, toujours chez Julliard, Gérard de Sède publie : "Magie à Marsal" en collaboration avec François Lourbet dans lequel il évoque aussi le  même Guignard impliqué dans de sordides affaires.(3)

Le Bugarach, cher aux dargouniens

Voilà qui est pour le moins troublant, un épicier de Normandie à l'esprit perturbé évoque Poussin, son tombeau et sa crypte pas encore cryptée et ce deux ans avant que "l'Or de Rennes" n'en parle. Dans un fatras mêlant prêtresses odiniques et trésor post wisigothique. 
Certains prétendront qu'il est impossible que Gérard de Sède, Pierre Plantard ou Philippe Cherisey aient pu s'inspirer de ces élucubrations, mais ce ne sera pas le cas d'une autre figure "lumineuse" entre toutes les personnalités ayant gravité autour de Rennes-le-Château un certain Jean d'Argoun. 
Cet écrivain de haute fantaisie reprenait dans son opuscule : "L'œil de Dieu"  les mêmes obsessions :

"Lorsque je parviens - après une longue marche - sur le seuil de cette Caverne cachée par les bosquets, j'y reconnais Irhis. Il fait sombre dans cette grotte mais la lumière extérieure vient inonder le visage de cette femme étrange. En cet instant sacré, elle m'apparaît toute vêtue de blanc, telle une bergère des temps passés, c'est à dire -en vérité, une Hallouine, une prêtresse du Dieu Odin fidèle à l'image restituée par le célèbre tableau peint  par l'initié Nicolas Poussin est intitulé : "Les bergers d'Arcadie"../.."

Je vous fais grâce de la suite ! 

Christian Attard

Notes et sources :

(1) - Antoine Delestre : "Clément XV, prêtre lorrain et pape à Clémery" Presses universitaires de Nancy, 1985
(2) - Cyril Le Tallec : "Les sectes ufologiques" Éditions L'Harmattan
(3) - Gérard de Sède : "Magie à Marsal" Editions Juilliard.1969. Pages 49 à 53. 19
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