Xavier Barbier de Montault

Une station I  mentionnée comme inspirée de l'œuvre de Barbier de Montault 
dans le catalogue des établissements Giscard.
(
Photo François Pous)

Tout dernièrement encore, et bien que cela ne concerne qu' indirectement la décoration de l'église de Rennes-le-Château, une discussion a fait ressortir des limbes sacerdotales où il doit nager dans une félicité éternelle, un de ces ronds et savants prélats, fin exégète des textes évangéliques, Monseigneur Xavier Barbier de Montault (1830-1901). 
La querelle, bien futile, opposait un chercheur estimé pour sa connaissance du fonds des oeuvres de la maison Giscard à un autre moins aguerri aux arcanes des archives toulousaines, le premier prétendant pourtant que tous les chemins de croix sortis des ateliers Giscard furent des modèles "Xavier de Montault", le second que l'influence du savant ne se fit sentir qu'après 1890.
A cela, François Pous répondait que les publicités Giscard vantaient pour un modèle de Chemin de Croix leur fidélité aux prescriptions de Barbier de Montault dès 1885 au moins.
Cette page sera donc l'occasion de faire le point sur des approches iconographiques que l'on croyait à jamais reléguées à quelques discussions romaines de plus fins esprits.


Monseigneur Xavier Barbier de Montault, prélat de la maison de sa Sainteté
(Source libre Wikipédia)

L'œuvre de Xavier Barbier de Montault fut considérable et plusieurs volumes épais ont regroupé l'ensemble de ses textes érudits sur l'iconographie chrétienne, l'archéologie et la décoration des églises.(1)
Dès 1878, parut  aux éditions Louis Vivès de Paris un "
Traité pratique de la construction, de l'ameublement et de la décoration des églises selon les règles canoniques et les traditions romaines."
Cet ouvrage, publié alors qu'il revient de Rome, traite en son livre second et de manière très détaillée de l'iconographie souhaitable des chemins de croix. 
Devant l'extravagance de certaines représentations de la passion du Christ, il était bon en effet, de remettre un peu d'ordre et de rappeler les règles canoniques établies.
Le traité connut un vif succès, et dès le tout début des années 1880 sortirent des ateliers des Chemins de croix portant en réclame "D'après l'œuvre magistrale de Monseigneur Barbier de Montault" 

Réclame des établissements toulousains Giscard
(
Document Archives municipales de Toulouse)

Notons, au passage, que le modèle remporta une médaille d'or dès 1887, qu'il est vendu avec d'autres modèles de cadres et une petite faute d'orthographe sur le nom de Montault ! Faute récurrente chez les Giscard puisque nous la retrouvons aussi sur la publicité de cet autre modèle qui va servir de base à la présente étude.

(Document  Archives municipales de Toulouse)

Si la question de la mise à disposition des églises, fabriques et curés de modèles dit "Barbier de Montault" semble fixée vers les années 1880 et donc près de 10 ans avant ce qu'avançait notre distingué  chercheur, les ateliers Giscard ne produirent-ils que ces modèles ?

Pour répondre à cette interrogation "essentielle", il nous faut savoir en quoi consistaient les conseils de l'érudit prélat. Commençons donc par la station I et remontons le chemin.

Monseigneur de Montault nous précise tout d'abord que les chemins de croix doivent comporter 14 stations et pas une de plus, que ces stations doivent porter pour titre, selon la congrégation des Indulgences :

Station  1 - Jésus est condamné à mort.
Station  2 - Jésus est chargé de la croix.
Station  3 - Jésus tombe sous la croix pour la première fois.
Station  4 - Jésus rencontre sa très-sainte Mère.
Station  5 - Le Cyrénéen aide Jésus à porter sa croix.
Station  6 - Véronique essuie la face de Jésus.
Station  7 - Jésus tombe pour la seconde fois.
Station  8 - Jésus console les femmes de Jérusalem.
Station  9 - Jésus tombe sous la croix pour la troisième fois.
Station 10 - Jésus est dépouillé de ses vêtements et abreuvé de fiel.
Station 11- Jésus est attaché à la croix. .
Station 12 - Jésus meurt en croix.
Station 13 - Jésus est déposé de la croix dans le sein de sa Mère.
Station 14 - Jésus est mis dans le sépulcre.

Une station I d'une église de Bretagne parfaitement conforme aux prescriptions de Mgr Barbier de Montault
(
Photo Christian Attard)

"Dans nos quatorze stations, le nimbe environnera la tête du Christ, de la Vierge, des anges, des apôtres et des saintes femmes, comme une lumière, ou mieux comme une irradiation de la vertu et de la sainteté qui sont en eux." nous précise encore le savant. 

Voilà qui déjà, disqualifie le chemin de croix choisit par Bérenger Saunière car il ne porte aucune trace de nimbe. Comme on dirait à Marseille : "nibe de nimbes" !
On objectera que le haut relief ne permet pas une telle fioriture, l'argument serait spécieux parce que l'on connaît plusieurs chemins de croix, au relief encore plus accentué, et qui portent leurs auréoles en bonne place. A cette règle, deux exceptions parfois sur les stations X et XI où très mystérieusement le nimbe divin disparaît ?
Mais, pour prouver que tous les chemins de croix produits par les ateliers Giscard ne sont pas inspirés par les textes de Xavier Barbier de Montault une station suffit. Prenons la première tout simplement, très explicite

La station I de Rennes-Le-Château
(
Photo François Pous)

Pour cette première station que nous dit Mgr Barbier de Montault ? 

"La condamnation à mort de Jésus-Christ se complique de trois phases distinctes : l'arrêt prononcé, le lavement des mains, et la mise à exécution de la sentence.

Rome n'autorise que la première : les deux autres, séparées ou unies dans le même tableau sont fort répandues en France et en Allemagne, sans pour cela qu'il soit loisible de s'y arrêter et d'en faire choix de préférence à celle qui a été spécialement désignée."

Comprenons bien le prélat : la scène doit représenter la condamnation, l'acte de condamner Jésus au moment où il est prononcé. Lorsque Pilate se lave les mains, la condamnation a déjà était faite. Un chemin de croix de type Barbier de Montault ne montrera donc pas de petit serviteur nègre ou non et Pilate ne s'y lavera pas ces augustes menottes. Et c'est bien ce que nous observons dans la station 1 ci-dessous et non pas dans celle de Rennes-le-Château. 

Une station I d'une église de Haute-Garonne expressément mentionnée comme inspirée de l'œuvre de Barbier de Montault dans le catalogue des établissements Giscard.
(
Photo Christian Attard)

Il est d'ores et déjà inutile d'aller plus loin : tous les chemins de croix produits par les établissements Giscard ne furent pas des modèles inspirés par l'œuvre de Xavier Barbier de Montault et loin de là. Au fil des autres stations, la comparaison est tout aussi explicite ainsi le prélat d'expliquer qu'au moment de dévêtir le Christ et avant de le clouer sur la croix, on le fit boire de force. Scène que montrent les tableaux sculptés en conformité à ses écrits et que ne montre pas le chemin de croix de Rennes.

Ces représentations de la passion du Christ furent à ce point étudiées et codifiées que parfois même ce que l'on a pu prendre pour un indice majeur, est parfaitement décrit par Barbier de Montault. Ainsi les fameux lions dorés des accoudoirs du siège de Pilate sont-ils eux aussi décrits par l'érudit :

"Il est assis sur un pliant, solidement appuyé sur des griffes de lion dont les têtes rugissent aux accoudoirs. Sa dignité de président et ses fonctions de juge exigent cette posture".

Nos deux "experts" auto-proclamés sont donc l'un et l'autre dans l'erreur mais étant à "coutils tirés" ces temps-ci... on le leur pardonne bien volontiers.

Christian Attard

Une superbe station I en Haute-Garonne d'un modèle non conforme aux écrits de Barbier de Montault.
En effet, la condamnation vient de se faire et Pilate s'en "lave les mains". Cependant, le Christ, en relief, porte auréole.
(
Photo Christian Attard)

Notes et sources

(1) Œuvres complètes I. "Inventaires ecclésiastiques"; II. "Le Vatican"; III. "Le Pape"; IV-V. "Droit papal"; VI-VIII. "Dévotions populaires"; IX-XVI. "Hagiographie" (Rome, 1889–1902); 
"Traité d'iconographie chrétienne" (2 vols., Paris, 1890); 
"Collection des décrets authentiques des ss. congrégations romaines" (8 vols., Rome, 1872).
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