Retour sur messe





Le Très Saint Sacrement
(Peint par le Couvent du St Sacrement de Castres - Coll. Christian Attard)




Nous notions dans nos dernières pages consacrées aux liens entre Bérenger Saunière et les différentes confréries auxquelles il avait adhéré que le prêtre du Razès était entré directement en contact avec un des co-dirigeants de la puissante Congrégation des pères du très Saint Sacrement,  le père Eugène Prévost, également responsable de "l'Oeuvre des Prêtres adorateurs".
A ce titre, son courrier méticuleusement relevé par
Laurent Buchholtzer (Octonovo) (1) est plus qu'explicite. Si l'on prend aussi la peine de recouper cette correspondance avec le carnet de messes reçues et comptabilisées par Saunière entre 1891 et 1898, nous avons la confirmation de l'envoi par Eugène Prévost de quelques 270 messes sur seulement trois années. 




Cependant l'apparition dans les carnets de correspondance de Bérenger Saunière du patronyme de Prévost n'intervient qu'en avril 1895, or ce n'est qu'en octobre 1896 que nous retrouvons à la date du "samedi 3 octobre 1896 :  Directeur. Envoi du libellum - prière de m'inscrire - demande de messes. ". Il est donc très probable que l'affiliation de Saunière à l' "Association ou Oeuvre des Prêtres adorateurs" sous égide des Pères du Très Saint Sacrement ne ce soit véritablement faite qu'à cette date.

Il est aussi à noter qu'avant 1896, Bérenger Saunière n'envoie, ni ne reçoit aucune invitation à participer à la moindre adoration du Très Saint Sacrement. Mais participe à
"une conférence" en septembre 1896.
Lorsque l'on sait que les réunions des prêtres adorateurs du Très Saint Sacrement organisaient après chaque adoration une conférence donnée par l'un d'eux, ce terme trouve alors une explication assez plausible.

La mention de ces rencontres d'adoration du Très Saint Sacrement ne commencera donc à apparaître effectivement dans la correspondance du prêtre que courant 1897. 
Le nom d'Eugène Prévost disparaissant lui de cette même correspondance après 1899, il semblerait donc que Bérenger Saunière n'ait pas suivi le prêtre canadien après son départ houleux de la
Congrégation des pères du très Saint Sacrement dont il fut pourtant un des dirigeants. Le prêtre de Rennes choisit quant à lui de rester fidèle à l'Association des prêtres adorateurs plus qu'à Eugène Prévost qui fondera en 1900 l'Association sacerdotale sur les mêmes principes.

Le tableau suivant que m'a gentiment communiqué Laurent est sur ce point parfaitement explicite :







Notons qu'à partir de septembre 1904, Bérenger Saunière écrit que cette association ne peut plus lui envoyer de messes mais que par contre, en janvier, il réceptionne de leur part un mandat international en provenance de leur siège bruxellois. Ceci s'explique par le durcissement des relations entre l'État français et les congrégations religieuses dès 1903.
Il est fort probable que les dirigeants de la Congrégation des Pères du Très Saint Sacrement
ne cessèrent qu'en 1904 d'alimenter en messes le prêtre de Rennes et ce contre, bien sûr, la règle qui aurait voulu que tout cela soit géré par l'évêché de Carcassonne. On comprend donc l'opposition qui naquit entre ces Prêtres adorateurs et leurs évêques successifs.

Certes ces apports en messes ne furent pas négligeables, mais ils ne peuvent expliquer les constructions très dispendieuses du domaine de Saunière. Il faut alors peut-être rappeler que dès 1895, l'Association cherche à implanter dans le sud de la France une autre maison de repos-hôtellerie qui appuiera la Maison de Béthanie qui leur appartient déjà à Lourdes. 
Eugène Prévost, son Directeur d'avant la scission que nous venons d'évoquer, soigne alors ses rhumatismes à Luchon en 1896-97-98 (alors qu'il est en pleine relation épistolaire avec Bérenger Saunière) et voyage à travers le pays avec sa sœur en utilisant très étrangement des noms d'emprunt comme John et Lisette Ativir des Plaines. En homme intelligent et bien informé, il a vu venir les futures lois qui restreindront les possessions des associations religieuses jusqu'à bientôt les interdire.
Il cherche donc surtout à construire une maison sans laisser paraître qu'elle appartient en bien propre à sa Congrégation. Voilà donc de bien suspectes coïncidences mais surtout une piste alternative solide qui semble bien plus crédible que celle des pauvres lazaristes. Il est évident que dans un contexte trouble, Eugène Prévost n'allait pas ouvertement financer un lieu qui pourrait lui être saisi d'un mois à l'autre. Mandats discrets, paiements pour messes et même sommes en liquide, transmises de la main à la main contre reçus, pouvaient contourner toutes suspicions futures.





Église du Très Saint Sacrement à Bruxelles
(CPA ancienne )




Outre les pères Sarda et Lasserre, aumônier et curé des deux villes thermales, les plus riches du diocèse :   Rennes-les-Bains pour le premier (il fournira à Saunière plus de 400 messes) et d'Alet ( près de 500 messes reportées vers B. Saunière), c'est l'abbé Gazel (avec près d'un millier de messes) qui bat tous les records. 
Si MM. Sarda et Lasserre qui connaissaient très bien Bérenger Saunière n'eurent que la peine de reporter des messes qui leur incombaient et qu'ils recueillaient sans peine auprès de riches curistes, il en va tout autrement pour Pierre-Louis Gazel qui bien que fort connu et respecté ne pouvait depuis Floure, modeste village trouver autant d'intentions.
Il est alors plausible de croire que ce prêtre ait pu être le tout premier pivot et correspondant de l'Oeuvre des Prêtres adorateurs de l'Aude et qu'à ce titre toutes ces intentions de messes arrivaient d'abord vers lui, pour ensuite aller aux plus nécessiteux ou à ceux qui allaient pouvoir rendre de sensibles services à l'Association.
Introduit par Pierre-Louis Gazel dans l' Association en 1895-96, on peut supposer que Bérenger Saunière dès 1896, fonda son propre groupe. Ne mentionne-t-il pas le 15 octobre 1896 à l'attention du Directeur : "
- Renvoi des questions aux (?) et des 12 noms d'associés."

Bien entendu, cette affiliation à l'Association des prêtres adorateurs du Très Saint Sacrement ne peut justifier à elle seule tout le système de financement de Bérenger Saunière mais elle en est un des rouages essentiel. Car avec elle, c'est tout un réseau de plusieurs milliers de personnes (2) qui s'ouvrait à Bérenger Saunière. 

Accolé à cette association s'activait aussi  l'Archiconfrérie de l'Agrégation  composée de laïcs, souvent monarchistes et puissants et gravitait toute une constellation d'autres associations religieuses consacrées au culte du Très Saint Sacrement : Sœurs, petits clercs...
Il est impossible que tous ces prêtres en relations avec Bérenger Saunière n'aient pas su tout cela. De la même manière qu'il est très étonnant que Bérenger Saunière fut à ce point connu de tout le milieu ecclésiastique de la région (ses correspondances en témoignent) sans qu'il est tenu la moindre fonction active parmi eux.

Christian Attard




(1) pour la retranscription des carnets de correspondances de B. Saunière voir le travail de Laurent Octonovo : http://www.octonovo.org
(2)  en 1899, l'oeuvre des prêtres adorateurs compte 46 000 membres - (source : "Les congrégations religieuses: de la France au Québec : 1880-1914" de Guy Laperrière - Presses de l'Université de Laval. 60 000 et 200 évêques en 1900.



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