Les marchands du Temple | ||
Claude de Rebé, Archevêque de Narbonne de 1628 à 1659 | ||
| ||
Il
nous semble paradoxal aujourd'hui de constater que des hommes d'église,
de hauts prélats aient pu autrefois associer à une profonde piété un
goût immodéré du pouvoir, une impressionnante accumulation de biens
matériels. Pourtant, même après la profonde réforme du concile de
Trente, on se disputait toujours en France et au plus haut niveau de la
hiérarchie catholique, privilèges et bénéfices, prébendes et
sinécures. | ||
a | ||
|
Au
XVIIéme siècle, l'archevêché de Narbonne était considérable pour
plusieurs raisons dont sa primatie
(1)
sur la Gaule narbonnaise,
l'autorité et le droit de Présidence qu'il donnait à son archevêque
lors des États du Languedoc, et enfin, et surtout par l'immensité des
revenus qu'il procurait
(2). Autant de raisons qui poussèrent les très
ambitieux frères Fouquet à avancer avec détermination leurs
prétentions sur Narbonne. | |
François
Fouquet, Archevêque de Narbonne de 1659 à 1673 |
||
| ||
Monseigneur Claude de Rebé a deux frères qu'il pourrait prétendre placer à sa succession et l'homme par sa fidélité au roi n'est pas sans influence. De ces deux frères, seul François, chanoine et comte de Lyon, chantre et archidiacre pourrait oser prétendre à sa succession narbonnaise, mais il n' a jamais été à la tête du moindre évêché. Aussi la partie sera-t-elle serrée, et Nicolas Fouquet plus âpre encore que François va-t-il user de tout son ascendant à la cour mais aussi dans le Razès. | ||
|
| |
Peu
disponible, incapable de se déplacer dans le Sud-Ouest en dehors des
affaires et voyages du Roi, Nicolas Fouquet cherche un négociateur
local. Cet agent d'influence sera un nommé Dupuis, homme d'affaires
avisé nous disent MM. Charles Hugues Lefebvre de Saint-Marc et Antoine
de La Chassaigne dans leur " Vie de Monsieur Pavillon, évêque d'Alet
" écrite d'après les mémoires de l'abbé L.P. Duvaucel en 1738.
Le Dupuis en question vient de s'installer au Moulin de Brasse à deux
pas de Cournanel en berge d'Aude. On sait que l'homme jouit d'une grande
influence auprès des De Rebé car il réussit à constituer par sa
seule volonté une chapelle dévouée à son unique présence alors
même que Nicolas Pavillon, évêque d'Alet dont dépend Cournanel s'y
opposait avec la plus grande fermeté, désirant fermer toutes les
chapelles privées. | ||
Nicolas Fouquet. |
| |
| ||
Aussi Nicolas Fouquet dont les agents informateurs recoupaient les agents de perception et autres indicateurs sut que l'influent Dupuis pouvait infléchir la décision de l'archevêque de Narbonne en faveur de son frère François Fouquet. Il convenait de tranquilliser le nouveau seigneur d'Arques, seul héritier potentiel de ce même archevêque sur sa future succession et aussi d'assurer à François de Rebé qu'il ne perdrait rien en matière de bénéfices financiers dans la future transaction. | ||
L'Archevêché de Narbonne, objet de toutes les convoitises. | ||
Accepté comme co-adjuteur de Monseigneur de Rebé le 17 décembre 1656 avec promesse de succession, François Fouquet céda donc l'évêché d'Agde à son frère Louis qu'il plaçait ainsi à la tête d'un évêché de sa province et résigna ses droits et bénéfices sur les abbayes de Saint Sever et de Sorèze en faveur du frère de l'archevêque de Narbonne, François de Rebé. Au terme de ces différents échanges et transactions, qu'il serait bien triste de qualifier de marchandages, François Fouquet était, à la mort de Claude de Rebé, le 17 mars 1659, le nouvel archevêque de Narbonne, ses différents revenus furent alors estimés à 160 000 livres annuels. Il avait multiplié par 10 au moins ses revenus depuis ses premières fonctions à Bayonne et acquis un position et un prestige immense. | ||
Moins de deux ans plus tard, la disgrâce de son frère le surintendant devait malheureusement entraîner celle de toute la famille Fouquet et l'exil de l'archevêque de Narbonne à Alençon. Exil
qui lui permit malgré tout de continuer à prodiguer à son archevêché
de Narbonne toute la générosité dont il savait se montrer capable (il
fonda hospices et instituts religieux) tout en continuant à vivre dans
le plus grand luxe !
(4)
| ||
Notes
et sources :
(1) Il passe avant tous
les autres évêques et archevêques d'une région donc sur, Agde, Alais
(créé en 1694), Alet, Béziers, Carcassonne, Lodève, Montpellier,
Nîmes, Perpignan, St Pons, Uzes. (3) Achetée en 1646 à la dernière héritière des Joyeuse, Henriette Catherine, duchesse de Guise, la baronnie de Couiza et la seigneurie d'Arques donnait aussi droit de prendre place aux États de Languedoc. (4) Louis Duval : "Un frère de Nicolas Foucquet, François, archevêque de Narbonne, exilé à Alençon" Henri Delesque, Caen, 1894 | ||
Retour vers la Reine |