Le grand secret de Nicolas Fouquet (1)





Nicolas Fouquet par Sébastien Bourbon




Paul Morand dans sa lumineuse biographie (1) du grand Fouquet, le surintendant des finances, est fort clair sur le fait que l'homme tant détesté de Louis XIV devait partager avec le roi un ou des secrets. 
Ainsi s'étonne-t-il de l'inertie de Fouquet avant son arrestation à propos de l'imminence de laquelle beaucoup ont tenté de le prévenir. Belle-Isle, sa forteresse aurait pu le protéger. Des plans, qui lui vaudront l'accusation de lèse-majesté, prévoyaient dans le cas d'une disgrâce des soulèvements et troubles organisés par ses proches pour le libérer. Pourtant l'homme ne bouge pas !

"La seule explication, écrit Paul Morand, c'est qu'entre lui et le roi il y avait des secrets qui le mettaient, croyait-il à l'abri.

Et effectivement, il le fut mais à Pignerol, forteresse-prison royale et aux bons soins du triste Saint-Mars, son geôlier.


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Un beau portrait de Fouquet qui révèle 
toute sa finesse et son intelligence 

"A ce secret, "ses "défenses" feront continuellement allusion. S'agissait-il du Cardinal, de la reine-mère, du roi lui-même, poursuit Paul Morand, d'un jumeau royal ou d'un frère adultérin, si l'on veut retenir les hypothèses du masque de fer ?"
Même appréciation pour Daniel Dessert (2) :
" Le pouvoir craindrait-il, écrit-il, des révélations concernant les désordres financiers de la régence, des confidences sur Anne d'Autriche et Mazarin, quoi d'autre encore ?"

En réalité, on se rend compte que si secret il y a, il ne s'agit pas pour Louis XIV d'obtenir un quelconque renseignements de l'ordre d'une cache au trésor dans le Razès par exemple, mais bien au contraire de faire taire à jamais le prétentieux écureuil. 
Jamais au cours de son procès Fouquet ne parlera, comme il ne parla pas d'avantage à son gardien, au fantasque duc de Lauzun qui partagea un temps ses heures de captivité ou aux valets qui resteront à son service. 
Jusqu'au bout de son incarcération, il respectera ce silence. Sorte de code d'honneur entre un homme brisé et son souverain malgré tout. 
Car Fouquet ménagera toujours le roi alors qu'il s'attaque sans hésitation à Colbert durant son inique procès. 

On a pensé avec erreur que Colbert fut l'instigateur de cette arrestation et du procès terrible qui s'en suivit mais Louis XIV vouait à Fouquet une haine implacable. Ainsi demanda-t-il à sa mère de ne jamais demander la grâce de celui qui l'avait si gravement offensé. Racine rapporte qu'il a entendu le roi dire
"si Fouquet avait été condamné à mort, je l'aurais laissé mourir". Fouquet s'est terriblement trompé en croyant Louis XIV  manipulé ou au-dessus de la mêlée. 
En réalité, le roi mis tout en oeuvre pour l'abattre définitivement commuant son bannissement en prison à vie. 
A plusieurs reprises, Fouquet tente soit de parler, soit d'écrire au roi. Mais, le souverain refusera tout contact,  jamais plus il ne lui parlera ou ne lui écrira directement. 
Cependant, sous contrôle permanent, il peut écrire à sa femme de sa prison.




A Pignerol, d'incroyables mesures de sécurité furent prises pour que Fouquet ne puisse ni écrire, ni parler. On lui donna du linge noir pour qu'il ne puisse écrire ni sur ses mouchoirs, ni sur ses rubans. 
Lorsque beaucoup plus tard, Louvois interrogea l'ancien surintendant sur les moyens de créer de nouvelles ressources pour l'état, Fouquet rédigera deux mémoires que Louis XIV refusera de lire et qui furent brûlés.





La lugubre prison de Pignerol où mourut Nicolas Fouquet.




En 1677, enfin, un relâchement se produit et l'on autorise Lauzun à fréquenter Fouquet (il le faisait déjà mais clandestinement en passant par un trou creusé et une cheminée). 
En décembre 1678, se produit un fait assez notable : alors que le mystérieux Eustache Danger, le véritable Masque de fer" (3), est au service de Fouquet en tant que valet, Louvois écrit à Fouquet :
" Sa majesté est en disposition de donner dans peu de temps des adoucissements fort considérables à votre prison, mais, comme elle désire auparavant être informée si le nommé Eustache que l'on vous a donné pour vous servir n'a point parlé devant l'autre valet (un nommé La Rivière) qui vous sert de ce à quoi il a vu auparavant que d'être à Pignerol.
Étrange marchandage ! Contre une sorte de noble délation au Roi, Fouquet verra ses souffrances allégées et c'est ce qui se produit ! Puisque Fouquet répond et que Louvois lui précise alors :
"Sa majesté s'attend que vous y contribuerez de vos soins (à s'assurer que Danger ne parlera pas de son secret) puisque vous connaissez quelle conséquence il est que personne n'ait connaissance de ce qu'il sait."





Louvois, ministre et secrétaire d'état.
Il aura la charge de surveiller Fouquet prisonnier.

Ainsi, le pouvoir malgré tout, continue à être persuadé de la loyauté et du silence, pour raison d'état, de Nicolas Fouquet. Fouquet ne parlera pas et de cela le roi est assuré mais il n' a aucune confiance en ce Danger.

Puis, Fouquet fut autorisé à correspondre à loisir avec les siens, enfin à les recevoir en mai 1679. Sa femme peut partager ses appartements. Sa fille, Marie-Madeleine qui demeurera avec son père fut même assidûment courtisée par le turbulent Lauzun entraînant une brouille entre les deux hommes. La jeune femme compromise passera deux années au couvent avant de se marier. Fouquet tente de rétablir les finances familiales, le roi accepte que Louis Fouquet passe quatre mois à Pignerol.

Lorsque finalement Louis XIV accorde la presque liberté à son ancien surintendant en lui permettant d'aller se soigner aux eaux de Bourbon, ce dernier s'effondre terrassé par très probablement une crise cardiaque dans les bras de son fils le 23 mars 1680. Ce dernier qui résidait lui-aussi à Pignerol (2) put emporter les notes et poésies de son père, ce que Louvois reprochera amèrement à Saint-Mars.






Fouquet avait-il connaissance de l'existence d'un fantastique trésor ?

En 1680, il peut communiquer avec tous ses proches et leur raconter ce qu'il souhaite.
En conséquence pourquoi n'aura-t-il pas dit cela à sa femme, sa fille ou son fils ? Ainsi, il les aurait libérés de tout souci financier plutôt que de laisser "le secret" entre les seules mains de son frère François !!
Et à sa mort en 1673, pourquoi François, le frère de l'intendant, connaissant ce supposé trésor, n'aurait-il pas directement laissée cette information capitale à leur frère Gilles, par exemple plutôt que de laisser perdre à jamais un tel trésor supposé en s'éteignant ?
Voilà une démarche bien tortueuse et si peu humaine alors que le clan des Fouquet tout entier est en péril.





Le domaine de de Vaux-Le-Vicomte qui partit à "vau-l'eau" après l'arrestation de Fouquet




En résumé, nous comprenons bien à la lecture des différends biographe de Fouquet que Louis XIV plutôt que de vouloir apprendre un secret, s'efforce au contraire de s'assurer que Fouquet se taira. Ce que, par loyauté et respect, ce dernier fera, jusqu'à sa mort. 
Enfin, avant cette mort, il a pu communiquer avec les siens, pouvant aussi les informer de tout ce qu'il savait sur une éventuelle cache dans le Sud de la France.
Nous essaierons de comprendre en quoi ce ou ces secrets pouvaient bien consister.

Christian Attard


vers le grand secret 2


Notes et sources :

(1) - Paul Morand - Fouquet ou le Soleil offusqué - Gallimard -1961
(2) - voir à ce propos Daniel Dessert - Fouquet - Librairie Arthème Fayard -1982
(3) - Jean-Christian Petitfils - Le Masque de Fer - Édition Perrin - 2003




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