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Le
creuset maltais
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Comme mon
nom ne l'indique peut-être pas (Attard), je suis originaire de l'île
de Malte, minuscule vaisseau de pierres et de terre, fidèle gardien de
l'histoire méditerranéenne.
Au cours de mes recherches, je suis souvent retombé sur l'île de mes
ancêtres mais je n'avais pas compris à quel point cette terre qui vit
passer tant et tant de civilisations, combattit avec une telle ardeur
les vagues d'assauts des armées turques pouvait aussi avoir été un
creuset et un centre initiatique de toute première importance.
La Franc-maçonnerie moderne, née officiellement à Londres en 1717 (
eh oui, un double 17 !) s’est très rapidement diffusée en Europe.
Malte, de par sa position centrale en Méditerranée, fut dès lors un
point de rencontre et d'échanges essentiel. A cela, il n'y avait rien
de bien étonnant car depuis le plus lointain passé l'île avait
toujours été un lieu de foi, d'initiation et de mystères.
Mais découvrir que cette
franc-maçonnerie s'épanouissait au sein même de l'Ordre des
chevaliers de Saint-Jean de Jérusalem était chose beaucoup plus
surprenante. |
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Jean
Parisot de La Valette soutint
victorieusement en 1565 le fameux siège de Malte contre les 30 000 ottomans de Dragut. |
L'ordre
occupe après la chute des templiers une position prépondérante.
Partout en Occident se renforcent ses commanderies. Chacune d'elles est
en étroite relation avec Malte. Or, les premières loges installées
avec patentes sur l'île le furent dès 1730 et très vite se posa pour
l'Inquisition romaine le problème des chevaliers francs-maçons.
Car de nombreux chevaliers étaient initiés durant leur séjour au siège
au cours d'une période nommée "caravanes". Ainsi, par
exemple, la loge "St. Jean du Secret et de l’Harmonie" est
dirigée par sept chevaliers fondateurs.
Mais on ne rencontre pas uniquement des chevaliers au sein des loges car
des ecclésiastiques y occupent aussi des places importantes
!
Plusieurs fois, le grand maître doit user du bannissement
mais à la fin du XVIIIème siècle, l'inquisition a la
surprise de découvrir qu'Emmanuel de Rohan-Polduc, grand maître est
lui-même initié depuis 1756 ainsi que des membres éminents de la
famille de Rohan. Fort heureusement le rapport
"s'égare" et ne sera retrouvé qu'il y a quelques années !!
Nous comprendrons ultérieurement le rôle primordial de la famille de
Rohan.
Mais, les
inquisiteurs signalent plus particulièrement l'importance des initiés
au sein du contingent français de l'ordre. La pratique plus répandue d'un rite français est également signalée dans des
échanges de lettres avec les loges londoniennes. Entre
1760 et 1780, les chevaliers de Ligondès, du Boscage, de Vintimille, de
Seillons, de La Tour du Pin, de Pontévès et de Chabriant maçonnent
entre Toulon et Malte.
Pierre Chevallier (1) nous indique que : " la Société
Olympique émanation de la loge L’Olympique de la Parfaite Estime
compte neuf princes, treize ducs, cinquante-cinq marquis, cinquante-sept
comtes, dix-neuf vicomtes, treize barons… dont dix-sept chevaliers de
Malte, parmi lesquels le grand Suffren."
Michel Taillefer nous signale qu' à Toulouse,
on trouve plusieurs chevaliers de Malte sur les colonnes de la loge
"La Vérité Reconnue". Loge qui comprenait exclusivement des
magistrats, militaires et gentilshommes de noblesse d'épée. (2) |
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Mais,
il est temps de se rapprocher de notre cher mystère du Razès, où, par
une étrange directive de destinée, m'a porté ma curiosité
"maltaise".
Notons, tout d'abord que plusieurs enfants de l'antique et noble famille
d'Hautpoul furent chevaliers de Malte à la fin du XVIIème
siècle (Louis, Jean-Antoine et Louis François) avant de se faire plus
ou moins proprement tuer à la guerre. Nous savons aujourd'hui que cette
famille comptera de très nombreux maçons et nous verrons bientôt que
son activité maçonnique fut très liée au Marconis de Nègre et aux
Chefdebien.
Et en effet, l’aîné des fils des Chefdebien
d’Armissan, François-Marie complète son initiation familiale à
Malte pendant ses " caravanes ", et lorsqu’il revient à
Narbonne, il renforce la loge créée avec ses frères, qui ne compte
pas moins de treize chevaliers de Malte sur les quarante-huit membres de
l’atelier.
Chefdebien est un maçon passionné en contact avec son cousin d’Aigrefeuille
qui, lui, correspond avec les Frères les plus avertis dans les
mystères de l’Ordre – maçonnique – à Paris, Lyon et même en
Allemagne. |
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Malte que
semble aussi avoir tout particulièrement appréciée le mystérieux
comte Giuseppe Balsamo dit Cagliostro, cher à Maurice Leblanc (voir
"la comtesse de Cagliostro" référence ouverte au "grand
copte" et aux Rose-Croix) et que Chefdebien a fort bien connu. Il le décrit physiquement comme assez
rondouillard, basané et très brun ! (3)
Initié dans la loge maltaise " Secret
et Harmonie " qui existait déjà au début du XVIIIe siècle,
Cagliostro ramena à Naples des rituels auxquels il aurait ajouté l’échelle
dite de Naples, les célèbres Arcana Arcanorum.
Cagliostro était lui aussi un proche de la famille de Rohan. Famille de
Rohan dont un de ses membres les plus illustres fut un certain Hercule
de Rohan (1568-1664) marié en 1594 à Madeleine de Lenoncourt. C'est à
Henri de Lenoncourt qu'était dédicacée une traduction du célèbre
"Songe de Poliphile" faite en 1554. De cette famille
apparentée aux Habsbourg, descendirent princes et rois. Ah, les
Rohan, Clisson, Lenoncourt...
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Lenoncourt voilà un nom qui rappellera de bons souvenirs aux chercheurs
du Razès. Lenoncourt, comte de Lenoncourt, autre nom d'un certain
Lobineau mais ceci est une autre histoire ...Et décidément que le
monde est petit !
Mais
laissons, provisoirement, l'île ancestrale à son apparente torpeur ensommeillée
pour avoir le plaisir de mieux y revenir. Car tout au long de nos
mystères s'entrecroiseront nos "chevaliers" dont Roger
Peyrefitte (de Castres et qui étudia chez les Lazaristes) a si bien su
décrire les "arcanes" avant de nous livrer un non moins
intéressant ouvrage intitulé : "les fils de la lumière".
(4)
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Notes
et sources :
Pour la rédaction de cette page en
général :
Pierre MOLLIER - Malte,
les chevaliers et la Franc-maçonnerie - Cahiers
de la Méditerranée- vol. 72–2006, La Franc-Maçonnerie en
Méditerranée (XVIIIe - XXe siècle) Lumières, sociabilité et espace
public : le XVIIIe siècle.
1) - Pierre
Chevallier dans : Histoire de la Franc-maçonnerie française, Fayard,
Paris, 1974
(2) - Michel Taillefer, La Franc-maçonnerie Toulousaine :
1741-1799, Commission d’Histoire de la Révolution Française/ENSB-CTHS,
Paris, 1984.
(3) -
Encyclopédie de la Franc-maçonnerie - le livre de poche p.119
(4) Les Chevaliers de Malte, Éd. Flammarion, 1957 et Les Fils de la
Lumière, étude sur la franc-maçonnerie, Éd. Flammarion, 1961
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