Marie-Madeleine et les dominicains



Retable Avignon


Saint Dominique, La Vierge à l'enfant et Marie-Madeleine
source Joconde : Avignon, Musée du  Petit Palais.





Le nombre 22 est récurrent à Rennes-le-Château, même si certains l’ont trouvé là où il n’était pas !
Sainte Marie-Madeleine aussi, même si beaucoup la cherchent encore là où elle n’a jamais été.

On peut au moins tenter de comprendre la raison de cette présence du nombre 22 par le jour de la fête de Marie-Madeleine,
la sainte patronne de l’église du village : le 22 juillet ,  ou alors en explorant  la tradition ésotérique, la cabale... 
Mais finalement, nous aurions tort de penser que seul Bérenger Saunière s’intéressait de très près à l’association du 22 et de Marie-Madeleine.
Ce fut aussi le cas des tristement célèbres dominicains comme nous allons tenter de le montrer.



Tombeau de Marie-MadeleineTombeau Marie-Madeleine



Tombeau en "albâtre" dit de Marie-Madeleine - Saint-Maximin
Source : Monuments inédits sur l'apostolat de Sainte Marie-Madeleine en Provence, et ...
 par Etienne-Michel Faillon







Le tombeau (de calcaire et non d'albâtre) a malheureusement perdu toute sa partie haute et sa face est très endommagée. Les pèlerins ayant eu la fâcheuse habitude de prélever des débris en souvenir de leur passage. Les représentations visibles sont assez classiques des riches tombeaux des premières communautés chrétiennes et ne trahissent aucun rapprochement possible avec la vie de la sainte.






Si la tradition orthodoxe s'accorde avec la légende catholique sur un débarquement massif de saints chrétiens en Provence au premier siècle de notre ère (1), elle fait mourir Marie-Madeleine, la plus célèbre d'entre eux à Ephèse et non à la Sainte-Baume. Ce fut aussi l'avis de Saint Grégoire de Tours dans son « De gloria martyrum » mais l'historien ne fit que rapporter une information qu'il ne vérifia pas.
La tradition provençale affirmait, bien avant la grecque, que le tombeau de Marie-Madeleine était gardé depuis 415 par des moines cassianites (disciples du provençal saint Cassien) venus de l'abbaye de Saint-Victor à Marseille. Des fouilles de 1993 confirmèrent d'ailleurs la présence sur les lieux même d'un baptistère contemporain de ces moines.
Vers 710, les sarrasins de plus en plus menaçants contraindront les moines à déplacer le corps de la sainte qui aurait reposé dans un premier tombeau "d'albâtre" (image ci-dessus) et à le cacher dans le tombeau de marbre blanc de saint Sidoine (image ci-dessous) , un de ces ex-compagnons de dérive, ex-aveugle devenu évêque et dont on vient à l'instant de retrouver le crâne (2) en faisant du rangement dans la basilique !!

Puis, on combla la crypte et son tombeau, nous dit-on, ce qui peut sembler bien étrange car il fallut plus de quatre siècles pour se souvenir que Sainte Marie-Madeleine dormait là.



tombeau de Saint Sidoine
Tombeau de Saint Sidoine - Saint-Maximin




En décembre 1279, Charles II d'Anjou (1254-1309), prince de Salerne, futur roi de Naples et comte de Provence... inspiré par Dieu (c'est un grand classique de la découverte proto-archéologique) mais aussi de solides études locales entreprend des fouilles à Saint-Maximin qui aboutissent à la découverte des ossements supposés avoir soutenu la vie terrestre de la sainte pénitente. Deux vieux documents trouvés dans le sarcophage précisent pour le premier (perdu et retranscrit par la suite) :

« L'an de la Nativité du Seigneur 710, 6e jour de décembre , dans la nuit et très secrètement, sous le règne du très pieux Eudes, roi des Français, au temps des ravages de la perfide nation des Sarrasins, ce corps de la très chère et vénérable sainte Marie-Madeleine a été, par crainte de ladite perfide nation, transféré de son tombeau d'albâtre dans ce tombeau de marbre, après en avoir enlevé le corps de Sidoine, parce qu'il y était mieux caché».

Le second est plus concis et plus ancien encore : « Hic requiescit corpus Mariae Magdalenae ».

En 1295, c'est fait confirmé par le pape Boniface VIII, amis de Charles et contre l'avis de son prédéceseur Léon II en 1050 qui avait lui, reconnut que les restes de la sainte se trouvaient au Vezelay, le squelette de Marie-Madeleine est bien à Saint-Maximin !



Crane de Marie-Madeleine ?
Le crâne dit de Marie-Madeleine horriblement présenté à Saint-Maximin





A cette occasion sont réunis le crâne de Saint Maximin et une mâchoire de saint Jean du Latran, réputée appartenir à la sainte. Mais, on rassemble pour mieux disperser car ce ne sera que l'une des péripéties de ces restes qui seront ventilés "façon puzzle" à la Révolution. Leur étude anthropologique en 1974 par un laboratoire du CNRS (3) conclura laconiquement :

"Les ossements dits de Marie-Madeleine provenant de la crypte de la basilique de Saint-Maximin et de l'église de la Madeleine à Paris appartiennent à une femme d' 1,48 m, âgée d'environ 50 ans, de type Méditerranéen gracile."

On ne peut guère plus extrapoler à ce propos.



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Bernard Gui


Bernard Gui remettant son ouvrage à Jean XXII.
(Source : http://numerique.bibliotheque.toulouse.fr)







Un homme dont l’on n’a certes pas assez souligné la présence, se démena beaucoup à Saint-Maximin lors de l’ouverture du sarcophage de marbre en 1279, il se nommait Bernard Gui ou Bernardo Guidonis (1261-1331). Il vient d’entrer dans l’ordre des frères prêcheurs de Saint Dominique que l’on ne nomme pas encore "les dominicains", au couvent de Limoges. Son ascension y sera fulgurante puisqu’il sera un des hommes de confiance du pape Jean XXII et un de ses fers de lance dans son impitoyable lutte contre les bons hommes dits plus tard cathares.

Tour à tour, grand prieur (à Albi, Carcassonne, Castres, Limoges), grand inquisiteur auprès du terrifiant évêque Foulque à Toulouse, évêque en Galice, puis à Lodève, on lui doit plusieurs recueils et traité d’histoire de son ordre.

Mais, il est surtout réputé pour nous avoir laissé « La Pratique de l’Inquisition » (practica Inquisitionis heretice pravitatis) ouvrage à la fois sombrement juridique et traité méthodologique de la terrible inquisition, lui même suivi d’un « Livre des Sentences » (liber sententiarum inquisitionis Tolosanae) traité de procédure inquisitoriale.
Plus de 647 personnes seront jugés en dix sept années par cet homme, plus de la moitié auront leur vie brisée par le terrible jugement de quelques fanatiques frères prêcheurs asservis eux-mêmes à un pape despotique. Ainsi en décidèrent ces temps de grands tourments ou nulle croyance ne devait exister en dehors de celle qu'imposait Rome.. Autant dire que le Bernard Gui n’est pas un fantaisiste.

Quoiqu’il en soit, les frères prêcheurs ont le vent en poupe à Rome. Boniface VIII, influencé en 1295 par Charles II qui est très proche de l’ordre fondé par l’espagnol Dominique de Guzman (1170-1221), n’hésitera pas à confier le site de Saint-Maximin à la garde de vingt frères dominicains et celui de la Sainte-Baume à quatre du même ordre. A priori, cette décision pouvait semblait totalement inadaptée puisque ces frères auraient une vie d’ermite eux qui avaient vocation à prêcher.

En 1297, tout naturellement, Marie-Madeleine est proclamée sainte patronne de l’ordre des frères prêcheurs, comme elle fut celle des templiers.

Les dominicains ont toujours, de toute façon, voué une grande vénération à la sainte, symbole de repentance. En ces temps de lutte féroce contre toutes les hérésies, il était bon de rappeler que tous ceux qui moqueraient l’icône adorée pourraient connaitre un sort semblable à celui de la ville de Béziers que les armées du pape innocent III avaient anéantie le 22 juillet 1209. (4)





Ost des croisés


le siège de Béziers dans le manuscrit de la Chanson de la croisade contre les Albigeois, XIIIe siècle (Bibl. nat. de France, ms. fr. 25425)







En effet, les historiens estiment que plus de 20 000 personnes périrent ce jour de fête de Marie-Madeleine, c’est fort probable car nombre de personnes des communes voisines durent se réfugier dans la ville. On égorgea jusque dans l'église dont Madeleine était la sainte patronne au nom de Jésus qui ne prêcha jamais que la tolérance.

Voici comment l’historien et croisé Pierre des Vaux de Cernay conte cet effroyable massacre :

« Et fut ladite ville prise le jour de la fête de sainte Marie Madeleine (ô très juste mesure de la volonté divine !), laquelle, ainsi que nous l’avons dit au commencement, les hérétiques disaient avoir été la concubine du Christ ; outre qu’en son église,située dans l’enceinte de leur ville, les citoyens de Béziers avaient tué leur seigneur, et brisé les dents à leur évêque, comme nous l’avons déjà rapporté. C’est juste donc s’ils furent pris et exterminés au jour de la fête de celle dont ils avaient tenu tant de propos injurieux, et de qui ces chiens très impudents avaient souillé l’église par le sang de leur seigneur vicomte, et celui de leur évêque. Même dans cette église, où, comme il a été dit souvent, ils avaient occis leur maître, il fut tué d’entre eux jusqu’à sept mille, le jour même de la prise de Béziers. »


Nul n’oublia l’étrange coïncidence de cette date fatidique le 22 du 7e mois de l’année. Cette première victoire sanglante marqua-t-elle les esprits des frères prêcheurs au point de prendre une part active à la redécouverte des restes de la sainte ?  On pourrait douter de cette dernière remarque si Pierre des Vaux de Cernay ne continuait ainsi son récit :

« Il est encore à remarquer grandement que, de même que la ville de Jérusalem fut détruite par Tite et Vespasien l’an 42 de la passion de Notre Seigneur, ainsi la cité de Béziers fut dévastée par les Français en l’an 42 après le meurtre de leur seigneur. Il ne faut non plus omettre que ladite cité a été maintes fois saccagée pour même cause et le même jour. C’est toujours en celui de la fête de sainte Madeleine, dans l’église de qui un si grand forfait avait été commis, que la ville de Béziers a reçu le digne châtiment de son crime. »


Cette récupération politique d’une sainte soi-disant bafouée par les hérétiques (que diraient nos inquisiteurs aujourd’hui où cette idée de « concubines » du Christ a fait le bonheur de bons nombres d’écrivains) servit parfaitement les desseins de la Croisade.  Plus aucune ville ne résista à l’ost du pape jusqu’à Carcassonne et les dominicains vont faire de Marie-Madeleine la figure triomphante du repentir.
L’un d’eux, Jacques de Voragine dans sa « légende dorée » collectera tous les récits et miracles qui entourent la sainte. Cet ouvrage, largement répandu par l'ordre, connaitra un grand succès complété par le livre des « miracles de sainte Marie-Madeleine », diffusé par les dominicains également.



Les Jacobins




L'église des Jacobins de Toulouse
(Photo source libre wikipédia)






Où mieux s'installer, triomphants après tant et tant d'horreurs, qu'au coeur même de l'ancienne régions des "Parfaits" anéantis ? 
C'est à Toulouse, à Prouille
que vont se construire les maisons et couvent dominicains. Le superbe ensemble conventuel des Jacobins commencera à se constituer vers 1230. Agrandie au cours des siècles, l'église des Jacobins est mondialement connue pour la beauté de son grand palmier.





Le palmier des Jacobins






Le palmier des Jacobins
(Photo source libre Wikipédia)








Le dernier et septième immense pilier de la nef toise une hauteur  de 22 m et supporte 22 nervures
Nous retrouvons donc en majesté le chiffre 22.
Simple coincidence ? Volonté de souligner le rapport 22/7 soit Pi ? de se remémorer que la bible fut écrite avec les 22 lettres hébraïques ? ou de rappeler le jour de la sainte Marie-Madeleine, sainte patronne de l'ordre des frères précheurs ?

Mais au fond que sait-on de cette date ?
Jour de fête à Saint-Maximin, jour de massacre à Béziers...

Bien sûr Marie-Madeleine n'est sûrement pas morte un 22 juillet, légendes que tout cela, légendes sur lesquelles se sont tant focalisés orgueil, crédulité, bigoterie et intolérance assassine.
La sagesse populaire nous livrera la clef de cette date, pourtant ignorée des plus doctes :

Sainte-Madeleine
Pluie amène.
Si elle ne dure pas longtemps,
Elle remplit le grenier de froment.

Nous dit le dicton. En cette fin du mois de juillet, reviennent les premières pluies, larmes du ciel. Il pleut comme Madeleine pleure, à chaudes larmes. Cette bénédiction du ciel profitera au blé et au pain de vie future.


Christian Attard.











Notes et sources :



1) - Marie-Madeleine n’est pas arrivée seule aux Saintes-Maries-de-la-Mer. Marie Jacobé , Marie Salomé, son frère Lazare, Marthe, Maximin, Sidoine... l’accompagnaient.
2) - Voir l'article du journal "La croix" du 5 mai 2014.
3) - Voir sur ce site l'étude anthropologique des reliques.
4) - Voir ce texte pour le moins "jésuitique" du dominicain Gilles Danroc sur le site de la province dominicaine de Toulouse, à propos de l'action des dominicains. On notera les euphémismes : "peines afflictives" ou "remises au bras séculiers" pour dissimuler les sentences de morts et autres douceurs auxquelles furent condamnés par l'Eglise les malheureux hérétiques.


cATHERINE 


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