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Louis-Paul
François Cambriel
alchimiste et marchand
de drap de Limoux
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Louis
Paul François
Cambriel
est bien l'un de ces hommes étranges dont la biographie pittoresque reste
à faire. Il naquit à
Latour-de-France (Pyrénées-Orientales) le 8 novembre 1764 et n'écrivit
qu' un seul livre dont vous voyez ci-dessus la page de titre. A elle
seule, cette page constitue déjà, avant même la lecture de l'ouvrage, une
très étonnante et originale entrée "en Matières".
Le livre fut imprimé
à Paris en 1843, Cambriel venait d'avoir 79 ans, treize années plus tard Jules François Félix Husson,
dit Champfleury (1821-1889) écrivain, lui
aussi atypique (il sera le plus grand spécialiste de l'art de la faïence
de son époque !), décida d'enquêter sur ce Cambriel qui s'était
révélé au grand public en juin 1819 par des annonces étranges
passées dans "les petites-affiches".
L'homme
devrait avoir 92 ans. Champfleury n'espérait donc plus vraiment le retrouver
en vie.
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Après
avoir lu son livre (1), Champfleury se met en quête de son imprimeur puisque
Cambriel renvoie à ce dernier au terme d'une étrange proposition où il
incite son lecteur à prendre contact avec lui.
En effet, après lui avoir avancé la
somme de 6 000 frs et ce afin de terminer ses recherches, Cambriel affirme
assurer un bénéfice de 25 000 frs au prêteur pour chaque 1 000
confié. Il n'aura aucune réponse.
L'imprimeur quant à lui, a perdu la trace de notre alchimiste... qu'à cela ne tienne une
autre adresse était donnée sur le livre mystérieux : 8, rue Judas, toujours à Paris.
C'est dans
un appartement bourgeois loué à M. Rivet que logeait en effet François
Cambriel lors de son séjour dans la capitale. Rivet garde un
souvenir admiratif de l'alchimiste et conserve une de ses lettres où, en
termes sibyllins, il parle de son Grand Oeuvre. M. Rivet se souvient des visites
du chapelain de Louis XVIII, l'abbé Sausse, alchimiste acharné et répète
à son visiteur des phrases entendues ou lues, des noms qu'il déforme
faute d'avoir compris ce qui se signifiait alors.
Il décrit aussi les travaux de son
locataire, sa pauvreté et sa santé minée par l'ardeur de sa quête, il
décrit le miracle opéré par un des ses disciples parisiens, un forgeron
nommée Leriche qui ramène à la vie un homme que tout le monde croyait
mort.
Mais
Cambriel, finira par tomber malade, "il y a deux ans" précise
Rivet, en 1854 donc. Sa famille lui adresse alors de Saint-Paul de
Fenouillet de l'argent et demande à M. Rivet de confier le pauvre homme
à une maison de santé près de Meaux où très probablement
l'alchimiste limouxin finira tristement sa vie.
Il devait ne plus être très loin de ses 90 ans.
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Champfleury
photographié par Nadar
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Bien
étrange personnage donc que ce Cambriel dont plus personne n'a gardé la
mémoire dans son village natal. Bonapartiste convaincu, il
fréquentait pourtant Jeanne-Élisabeth-Floride de Montullé, veuve du
contre-amiral et marquis
Marie-Charles du Chilleau d'Airvault, correspondait en 1820 avec M. le marquis de
Gabriac,
sous-préfet du Vigan (Gard) et prit même l'audace d'écrire au prince
de Condé. Madame la comtesse de Genlis, éducatrice du futur roi
Louis-Philippe le citait même en référence dans ses lettres et lui
avait, dit-on, demandé d'éclairer le jeune Prince sur sa science.
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On ne retiendra de l'étude (2) peu inspirée du chimiste
Michel-Eugène Chevreul (1786-1889, soit 102 ans et sans élixir de longue
vie !) parue dans le "Journal des savants" en 1851 que le fait
que Cambriel connaissait aussi le chimiste Alexandre Édouard Baudrimont
(1806-1880), ami du célèbre André Marie Ampère (1775-1836), d'Auguste
Laurent (1807-1853) et de Marc-Antoine Gaudin (1804-1880). Tous
passionnés par l'agencement des atomes et des molécules dans la
matière.
A la mort de Baudrimont en 1880 (qui exerçait comme Laurent à
l'Université de Bordeaux) sa bibliothèque fut rachetée, elle contenait
plus de 500 ouvrages dont bon nombre d'alchimie. Fort étrange pour un des
plus grands chimistes français !
Bel exemple aussi et une fois de plus, de l'hypocrisie de certains milieux
intellectuels condamnant officiellement ce après quoi il courent
officieusement.
Ce fut aussi l'attitude quasi unanime des critiques littéraires et
écrivaillons qui classèrent irrémédiablement Cambriel parmi les fous
littéraires, les excentriques et doux rêveurs emboîtant ainsi, et sans
la moindre curiosité, les pas de Champfleury. Et c'est sans doute ce que
cherchait bien avant le profit, notre rusé alchimiste puisqu'il
déclarait ouvertement être détenteur de la fameuse Pierre : son ouvrage
sera réédité plusieurs fois et connaîtra une publicité inespérée !
Seuls les ésotéristes dont Paris commençait à se remplir en cette fin
de XIXème siècle rendirent hommage à l'alchimiste.
L'incontournable Fulcanelli ne le cite lui que pour souligner une
supposée erreur d'observation sur une statue de Saint Marcel qui se dressait
sur le trumeau du porche de Saint Anne de Notre Dame de Paris. Mais
Eugène Canseliet avec objectivité reconnaît que Cambriel ne s'est pas
trompé mais fut trompé par une copie de la statue d'origine.
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Chevreul
lui aussi photographié par Nadar
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Cambriel
le confesse lui-même dans son étrange ouvrage : il ne tenait sa science
que de Dieu et d'un ami charitable. Qui fut cet ami charitable qui permit
à l'alchimiste d'arriver au but ultime de sa quête ? Comment un
excentrique, un fou eut-il la possibilité d'approcher de si hauts
personnages ?
Cambriel laissa-t-il son inestimable secret à un proche ? Forma-t-il à
son tour quelque parent ou ami ?
Il aurait sans doute passé un fort émouvant moment de recueillement en
l'église de Notre Dame de Marceille ou auprès de François Courtade,
curé de Brenac. Médaillons et décors
auraient fait sourire notre alchimiste, ancien marchand de draps de
Limoux et il aurait remercié Dieu qui en sa toute puissante bonté fit
qu'en ce monde rien ne se perd vraiment.
Christian Attard
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Notes
et sources :
(1) - Champfleury : "Les excentriques" 1856 chez Michel
Levy frère Paris
(2) - dans
"Le journal des savants" livraison de 1851 et sur http://hdelboy.club.fr/Chevreul.html
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