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« La retraite de
l'aumônier » ou « Le bréviaire » (1886) par Jules-Alexis Muenier. |
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Jean
Jourde, ou la retraite de l'aumônier |
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Il
est malheureusement de tradition dans la longue série de contre-vérités
alimentant régulièrement les fantasmes des passionnés du mystère de
Rennes-le-Château de se servir de personnalités plus ou moins marquantes
ayant vécu dans la région.
Nicolas Pavillon qui, de son vivant déjà, fut l'objet de tentatives de
récupérations jansénistes alors qu'il ne le fut jamais aurait sûrement été moins étonné de
tels procédés que Jean Jourde (1852-1930), homme effacé et discret, aux
incontestables qualités chrétiennes.
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Montolieu : jardins et
Maison de repos des Filles de la Charité
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Rappelons
que ce bon lazariste serait impliqué dans la mise en place d'une série
de codages tant à Rennes-le-Château que plus bas à Rennes-les-Bains et
aurait contribué à la découverte d'un trésor fabuleux, et possiblement
aussi, d'un objet de vénération dont on ne sait encore trop à ce jour en
quoi il consiste. (1)
De
Jean Jourde, on aurait du, selon ses ultimes volontés, savoir si peu...
Aussi
n'est-ce pas sans offenses que je vais tenter de raviver aujourd'hui,
près de 80 ans après sa disparition, survenue en mai 1930, son parcours
terrestre.
Il fut lazariste et scandant sa mort prochaine à l'égal de l'esclave
romain derrière les César, il se répétait chaque jour : "n'oublie
pas que tu es mortel". En ce sens, creusant symboliquement de son bol sa propre
tombe, au cours de sa promenade quotidienne dans le parc du couvent des
Filles de la Charité de Montolieu (Aude) (2), il se souvenait que seul doit
compter et rester l'action dictée par l'amour du prochain.
Son corps allait se
décomposer là dans cette terre de l'Aude, et selon la tradition des Lazaristes,
un autre prendrait bientôt l'ultime place. Ainsi ne
subsisterait aucune trace physique de son passage ici bas. Seuls le
partage de ses convictions profondes, l'action apostolique laisseront-ils
peut-être un souvenir ému.
Le destin a voulu que même cela lui soit enlevé.
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Montolieu : Cimetière des
Filles de la Charité
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Né
à Aniane (Hérault) le 16 décembre 1852, Jean ne se destinait pas au sacerdoce, loin de là.
Mais un de ces durs accidents de la vie que seule une rupture totale de
champ de conscience arrive à, non pas effacer, mais sublimer le détourna
de sa vocation première.
Cet évènement restera un "secret de famille"
et ne sera jamais évoqué parmi les siens (3). Ses proches regretteront
longtemps cette décision soudaine qui éloigna Jean de sa formation
première de métreur. Entré au service d'un géomètre tarbais, le
jeune homme ira travailler jusqu'en Suisse et ses qualités de sérieux
et d'intelligence lui auraient très certainement ouvert la voie d'une
brillante
carrière .
Encore aujourd'hui, cette famille a gardé le
souvenir de l'opposition de son père, prénommé Jean aussi, et qui lui en voulut de ne pas
avoir continué sur ce chemin laïc qu'il avait commencé à si bien "tracer". |
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Registre des naissances d' Aniane pour l'année 1852
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Il
fit donc le choix d'entrer au grand Séminaire des Lazaristes en 1874
(4) et de se dévouer à l'assistance spirituelle en milieu rural.
Sa prêtrise obtenue le 22 mai 1880, il est nommé dans son Sud-ouest
natal à Notre-Dame de Marceille, près de Limoux. Un autre centre marial
sous la garde des lazaristes existait à Notre-Dame de Prime Combe près
de Nîmes ou à Montpellier. Jean Jourde y aurait été plus près de sa
famille mais il ne choisit pas.
Là commence son véritable engagement auprès de ses frères et sous
l'autorité de Léopold Vannier, puis de Joseph Courtade, supérieurs des frères de la Mission de Notre Dame de
Marceille. Il aura comme eux la charge d'organiser et d'accomplir des Missions et des pèlerinages.
De 1891 à 1899, il est transféré à Valfleury (Loire), autre lieu
de pèlerinage marial et centre de retraite des Lazaristes. St
Vincent de Paul eut toujours une grande vénération pour les lieux
d'apparition ou de consécration à des Vierges noires. |
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Calvaire, église et Maison
des pères de Valfleury (Loire)
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En 1900, en remplacement du Supérieur de Notre Dame de Marceille, M.
Pons Belot nommé à Montolieu, Jean Jourde retrouve le
sanctuaire limouxin pour trois années. Il tient avec fermeté
le petit centre et impose, par exemple, pour recueillement à ses frères de tourner
autour de lui tout en priant !
Dès 1903, Il a la douleur d'affronter la tempête provoquée dans
les milieux religieux par les lois de Séparation Etat-religion. La
petite communauté de Notre Dame de Marceille est contrainte comme
toutes les autres de se
dissoudre. A cette
occasion, son attitude est ferme mais sans illusion et il déclare peu
avant son départ vers Toursainte, près de Marseille :
"Les uns
tiennent les portes, les autres les poussent mais bientôt ils
entreront. Seule l'Histoire jugera".
De Marseille, où
il restera près de trois nouvelles années, il
prend en 1907 le chemin de l'Espagne. Il séjourne d'abord dans la Villa San
Vicente à Villajuiga près de Gérone, centre lazariste rattaché à la
province d'Aquitaine, puis dès 1908 à Figueras même. L'année suivante, il
est Supérieur du petit centre des Pères français de la ville, il le
demeurera jusqu'en 1916.
A son retour en France en 1917, il passe d'abord par Dax, ville chère
au cœur du
père fondateur le bon M. Vincent où il retrouve Pons Belot, âgé de
82 ans qui lui aussi avait
été Supérieur de Notre Dame de Marceille. Comme il est de tradition,
ce sont des pères âgés qui prennent poste à l'aumônerie de la Maison des Filles de la Charité à
Montolieu. Les
pères Belot et Jourde y sont mutés. Jean
Jourde qui approche des 66 ans y assume dès
1920 la charge d'aumônier principal avec le titre par respect de
Supérieur car il le fût souvent par ailleurs, nous venons de le voir.
Montolieu n'est en aucune manière un fief lazariste dans le
département mais une maison consacrée au repos des Filles de Charité,
tenue par l'une d'elles. Le bon père Jourde n'a pour autre fonction que
le soutien spirituel de la communauté.
En 1929, depuis longtemps déjà miné par la maladie, il
est contraint de céder sa fonction à Eugène Vidal.
Le 17 mai 1930, il rend sa belle âme à Dieu
entouré des prières de tous ceux qui l'ont connu et aimé et ils sont
nombreux puisque Jean Jourde a durant sa longue vie parcouru bien des
campagnes, aidé au soulagement de biens des souffrances et physiques
et morales.
Présent dans plus de 8 centres de la Mission (Paris, Limoux, Montolieu,
Valfleury, Villajuiga, Figueras, Dax, Terresainte...) au cours de ses 50
années d'apostolat, Jean Jourde fut unanimement apprécié pour son
travail constant et mesuré, sa douceur et son humanité. |
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"Les
obsèques furent retardées jusqu'au mardi suivant, afin de donner le
temps d'arriver à ceux et celles qui, l'ayant bien connu, tinrent à
lui rendre les derniers devoirs. Ce fut une imposante cérémonie, dans
cette magnifique chapelle de la Communauté, nouvellement restaurée
avec un goût très sûr, à l'occasion du Centenaire, toute
resplendissante de ses peintures délicates, avec ses nouvelles
fenêtres en ogive et ses claires verrières, ses bancs vernis, ses
statues remises à neuf. Le cher défunt eut été si heureux de
contempler toutes ces beautés, lui qui les avait désirées ; et il ne
les a pas vues !" (4)
Notons que, contrairement à ce qui a été écrit, l'inscription
"Venez à moi vous tous qui souffrez et je vous soulagerai"
existait encore après le décès de Jean Jourde.
Celui-ci tenait particulièrement à la remise à neuf du décor de
cette chapelle car le jour anniversaire de l'apparition de la Vierge à
Catherine Labouré (le 19 juillet 1830) approchait.
Le chœur percé de nouvelles baies ornées de vitraux rendait hommage
à la Sainte fille de la Charité pour ce centenaire tant attendu.
Les vitraux qui lui sont consacrés peuvent encore aujourd'hui nous en assurer et portent les
deux dates de 1830-1930.
En
dehors de son ministère feutré mais tendre, on lui connut peu
d'activités, excepté le jardinage et la méditation. Quelques visites régulières et
tout aussi discrètes au début à sa mère à Aniane où il disait, à
l'écart d'une petite église, sa messe entouré de sa famille et d'amis.
Longtemps, il tenta par la suite de convaincre sa vieille maman de venir
le
rejoindre pour achever son existence entourée des soins
les plus sûrs mais la vieille dame préféra ne pas quitter Aniane.
Pauvre et
ayant tout consacré à son sacerdoce, il spécifia par testament le don
à sa communauté de terres et de bois hérités des siens. De peu de
valeur et devant les tracas administratifs occasionnés par cette
cession, la Maison mère des Lazaristes préféra renoncer à ce don.
Ces terres sont encore aujourd'hui possession de sa famille. Ce seul
épisode démontre bien que Jean Jourde ne disposa jamais d'argent, le
soutien qu'il apporta aux siens fut avant tout d'ordre moral et spirituel. |
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La
Chapelle de la Maison de Charité de Montolieu
telle qu'elle était en 1930. |
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On
le comprend, Jean Jourde n'eut rien d'un aventurier chercheur de
trésors, il ne contribua pas d'avantage à la construction de
Rennes-le-Château en faisant remonter sous forme de messes l'argent au
curé Saunière. Cette seule idée l'aurait très certainement horrifié. Le
seul trésor qui comptait pour lui fut l'amour de ses semblables.
Bonhomme, doux et d'un naturel conciliant, il fut tout au contraire
effacé, à l'écoute des plus humbles, soulageant ses sœurs en Charité,
assistant malades et tourmentés.
Seuls ses longues années
passées à Notre Dame de Marceille et quelques courts séjours à
Rennes-les Bains pour y soulager ses douleurs rhumatismales servent de
prétextes maladroits pour le
rattacher à nos mystères. Mais il fréquenta aussi et avant Rennes,
Ax-les-Thermes, preuve que se sont ses rhumatismes et rien d'autres qui
l'ont conduit à chercher un soulagement plus près de Montolieu.
Loin d'être un coureur des bois ou un spécialiste en
cryptage/décryptage Jean Jourde vécut pleinement et fermement sa foi
et ses convictions en pleine orthodoxie. Il reste regrettable que pour
les besoins d'une certaine littérature romanesque on continue à se
servir de tels hommes qui aujourd'hui sont incapables de démentir de
telles affabulations.
Christian Attard |
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Le
petit cimetière en 2009, la dalle de Jean Jourde reste à retrouver...
(Photo Christian Attard) |
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Notes
et sources :
(1) Franck Daffos : Rennes-le-Château : "Le secret dérobé"
- Éditions de l'œil du Sphinx et "Le
puzzle reconstitué" - Éditions Pégase 2007 mais aussi
Jean-Pierre Garcia : "Le secret dans l'art ou l'art du secret" Éditions Pégase.
(2) Les lazaristes tinrent également un collège à Montolieu qui fut
fermé en 1847.
(3) Je remercie la famille
de Jean Jourde de m'avoir confié leur mémoire à son propos.
(4) Je
remercie le père Claude Lautissier, archiviste de la Maison mère des
pères Lazaristes à Paris d'avoir bien voulu me donner communication du
document sur Jean Jourde publié lors de
son décès dans les "Annales de la Congrégation de la Mission"
Tome 95, 1930 ; pp. 750-756.
Toutes les autres informations données ici sont consultables et
vérifiables en ligne à l'adresse suivante : http://via.library.depaul.edu
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