L'Orth de Rennes -1-

Le château autrichien de Orth 

Une des légendes bien accrochée au rocher de Rennes-le-Château est celle de la visite de hauts dignitaires de la famille des Habsbourg à Bérenger Saunière. Parmi eux, Jean-Népomucène de Habsbourg-Toscane (1852-1891), disparu mystérieusement alors qu'il avait abandonné toute prétention au pouvoir et prit le nom de Johann Orth attira toutes les attentions. L'homme vécut lui-même entouré de sombres complots et d'énigmes irrésolues, il était donc normal de l'associer à notre prêtre. Pourtant, le cas particulier de Jean Orth mérite une analyse plus étendue à laquelle nous invitait Gérard de Sède dans son dernier livre sur l'affaire (1).

La famille impériale d'Autriche en 1754. En habits rouges, le futur empereur Joseph II.
(Source libre wikipédia)

La maison royale d’Autriche fut une des plus importante famille régnante d’Europe. Les Habsbourg prirent avec le mariage de Marie-thérèse d’Autriche (1717-1780) et de L'empereur François Ier du Saint-Empire ( un Lorraine) le nom d’Habsbourg-Lorraine (1708-1765). Leur descendance ne manqua pas d’être assurée par la naissance de 16 enfants.

Les males aînés accéderont au trône d’empereur d’Autriche-hongrie, les cadets se consoleront avec le grand-duché de Toscane, érigé en « secundogéniture ». En cas de défaillance du pouvoir de l’empereur, le grand-duc de Toscane est donc appelé à lui succéder ; ce qui se produisit avec Léopold Ier de Toscane (Léopold II du Saint Empire).

L'homme qui nous intéresse aujourd'hui est précisément l'arrière petit fils de ce Léopold 1er qui eut également 16 enfants ! Son père Léopold II de Toscane s'est remarié avec la princesse Marie-Antoinette de Bourbon-Siciles (1814-1898). Né en 1852, il est leur dernier enfant. Aussi, avant lui sont appelés à régner sur la Toscane, tout du moins, ses frères dont seul Ferdinand IV, sera le dernier souverain d'une Toscane rattachée à la nouvelle république d'Italie.

Les fils de Léopold II, Grand duc de Toscane, archiduc d'Autriche : 
Debouts de gauche à droite : 
Les archiducs Johann Salvator (Orth) (1852-?1890), Ludwig Salvator (1847-1915), 
assis de gauche à droite : 
Ferdinand IV de Toscane (1835–1908), et Karl Salvator (1839–1892). 
(Source libre wikipédia)

En Autriche Hongrie, François Joseph Charles de Habsbourg-Lorraine (1830-1916) accède au pouvoir à 18 ans sur fond de révolte militairement matée. Mais il n'y accède pas par voie directe de descendance car il est le neveu de l'empereur Ferdinand 1er qui abdique sans enfant male en 1848. En toute logique le trône aurait du échoir à un Toscane : Léopold II. Et les Toscane en cas de nouvelle vacance du pouvoir en Autriche-Hongrie auraient eut prétention légitime à le reprendre derrière François Joseph.

L'empereur François-Joseph et son fils, Rodolphe
(Source libre wikipédia)

Le jeune empereur absorbe la Hongrie dans l'Empire et dirige sans partage ni concessions avec le soutien de l'église catholique et de l'armée. François Joseph connaît pourtant ses premiers revers de fortune dans une Italie révoltée qui lui inflige deux défaites militaires avec le soutien de la France en 1859 puis contre la Prusse déterminée de Bismarck en 1866. Mais les temps changent, le peuple aspire à plus de libéralisme et de démocratie ce dont est parfaitement conscient Rodolphe, le seul fils de François Joseph et de Sissi (Elizabeth de Bavière). Sensible, ouvert aux nouveaux courants de pensées qui agitent l'Empire, son mariage avec la princesse Stéphanie de Belgique est un échec. Il multiplie les maîtresses, et finit par être victime de maladies vénériennes qu'il communique à son épouse rendant le couple stérile. François Joseph n'aura donc plus d'héritier direct.

Le 30 janvier 1889, le prince et sa maîtresse Marie Vetsera sont retrouvés morts dans le relais de chasse de Mayerling. La thèse du suicide semble contredite par les proches mêmes de l'empereur. (2)

Rodolphe aurait été impliqué dans un complot visant à renverser son père et à le mettre au pouvoir en Autriche alors que son cousin Jean-Népomucène de Habsbourg-Toscane dirigerait la Hongrie. Cependant l'affaire reste trouble car Rodolphe fragile, miné par la maladie, l'alcool et la drogue, mal marié dans l'impossibilité de divorcer n'avait, au fond, jamais pu s'affirmer face à un père tyrannique et n'aurait jamais pu accéder au pouvoir. Est-ce cette tyrannie que reprocha Jean de Toscane à l'empereur avant de renoncer à tous ses droits puis chassé d'Autriche, de disparaître vers le cap Horn sous le nom de Johann Orth ?

Jean-Népomucène de Habsbourg-Toscane, jeune
(Source libre wikipédia)
Jean à bord du steamer Bessie
(Source libre wikipédia)

La prise d'un nom d'emprunt n'est pas rare dans ces familles princières, celui de Orth fut justifié, dit-on, par le nom du château lacustre du Gmunden, don de son père que l'on peut admirer en introduction de cet article. 
Mais est-ce bien là la seule raison ? 
La Toscane était possession de son frère Ferdinand IV depuis l'abdication de leur père en 1859, Ferdinand fut contraint à l'exil un an après. Ni Charles-Salvator, ni Louis-Salvator ne montrent la moindre aptitude à régner. Le chef de la maison de Toscane en toute logique devait donc être le fils aîné de Ferdinand IV. Ce fils aurait eu aussi toute légitimité à être le successeur de François Joseph, empereur d'Autriche.

En cette même année 1859, François Joseph vient de conclure un pacte secret avec Léopold II. En cas de défaillance de sa descendance le premier né des Toscane deviendra l'héritier de la couronne impériale mais après le décès de Léopold II et de son fils aîné Ferdinand IV, les titres de Toscane reviendrait à l'empereur d'Autriche. Cependant, rompant cet accord Léopold II rédige en 1870 son testament en écartant tous les fils qu'il a eu de sa seconde épouse Marie-Antonietta au profit d'un certain " Jean Orth " !

Or en 1870, personne n'a encore pris ce nom, qui est donc ce Jean Orth ?



Christian Attard  (A suivre...)


Notes et sources :

(1) Rennes-le-Château - Le dossier, les impostures, les phantasmes, les hypothèses. Coll. L'aventure mystérieuse chez Robert Laffont. Avril 1988

(2) "Les grands mystères du passé" de Alain Decaux, 1971 Librairie académique Perrin

Retour vers la Reine