Le gros lot ?

 

Une lettre pré-imprimée semblable à celles retrouvées dans les affaires de Bérenger Saunière
(Collection Christian Attard)


Une des pièces utilisée par certains chercheurs (1) pour affirmer que Bérenger Saunière fut en relation d'affaires avec les Habsbourg est un lot d'enveloppes pré-imprimées à l'adresse de la banque Fritz Dörge de Budapest retrouvé dans les affaires du curé de Rennes-le-Château.

Avant la première guerre mondiale qui sonnera le glas de l'empire à double monarchie que fut l'Autriche-Hongrie à la fois impériale par l'Autriche et royale par la Hongrie, le royaume était sous l'autorité de François-Joseph, marié à la très célèbre Elizabeth de Bavière (plus connue sous le surnom de Sissi). 
Couronné roi de Hongrie à Budapest en 1867, François-Joseph, un Hasbourg-Lorraine pure souche s'éteindra en pleine guerre en 1916 à l'âge de 86 ans.

Il peut paraître surprenant qu'un "pauvre" curé de l'Aude ait en effet parmi ses affaires des enveloppes à en-tête d'une banque centrale de cet immense empire. Cependant à y regarder de plus près la réalité peut être bien différente de suppositions hasardeuses. Car il a peut-être été trop vite déduit que notre turbulent prêtre était en "affaires archéologiques" avec la famille des Habsbourg, en tout cas sur la seule base de ces enveloppes.

La banque Fritz Dörge avait une particularité exceptionnelle qu'il faut préciser, elle avait depuis février 1897, privilège d'être la seule habilitée par le gouvernement hongrois et son ministère des Finances à gérer... la loterie royale ! Elle était recette générale de cette loterie.

"Réclame" de la banque Fritz Dörge
Collection Christian Attard

Toutes les demandes de billets devant être adressées à cette seule banque, l'établissement en même temps que ses réclames, dont on peut voir un exemplaire ci-dessus, fournissait les potentiels acheteurs de billets en enveloppes pré-imprimées. Les lots étant réglés en espèces, on peut concevoir qu'un gagnant ou des gagnants français soient obligés de faire le déplacement en Hongrie pour convertir et transférer les valeurs encaissées, les placer ou les déplacer.

La promesse (illusoire) de répartition intégrale de l'argent collecté et remis en lot, celle de gains fréquents, l'absence de loteries d'une telle envergure en France étaient autant d'arguments qui pouvaient retenir l'attention de Bérenger Saunière. La loterie nationale française avait en effet été supprimée en 1836 parce que jugée immorale. 
N'avait-il pas lui aussi organisé en 1887 de ces petites loteries philanthropique qui lui avait rapporté soi-disant 1000 francs ? Joueur et parieur, le prêtre n'a pu qu'être attiré par cette prestigieuse Loterie royale hongroise qui arrosait littéralement la France de ses réclames. On le savait joueur de la loterie de la maison de retraite des artistes mais les gains autorisés par cette loterie royale semblaient bien plus alléchants.

"Réclame" de la Loterie nationale hongroise
Collection Christian Attard

Si extrapoler sur la base de ces enveloppes une relation Saunière-Hasbourg parait alors bien trop "léger", il me semble plus réaliste de croire que le prêtre a très bien pu "recycler" l'argent reçu pour certaines promesses de messes en billets de Loterie. Billets dont l'un ou l'autre a fort bien pu lui rapporter très gros. Voilà ce qui pourrait aussi expliquer l'arrivée cyclique de fonds permettant de relancer certains travaux avant que la grande guerre ne mette fin à ces échanges. 

Comment Saunière pouvait-il alors procéder ? 
De diverses manières : soit en réglant directement en billets de banques sa commande de billets de loterie par lettre recommandée, soit par timbres-poste, soit par mandat-poste international (Saunière les pratiquaient semble-t-il aussi), soit enfin contre-remboursement. Cette dernière méthode étant la moins discrète, le facteur étant alors informé des sommes échangées.

Bon de commande des billets
Collection Christian Attard

On comprend tout l'intérêt que pouvait donc avoir le curé de Rennes-le-Château pour ce type de loteries dont les possibles gains échappaient à tout contrôle de sa hiérarchie, tout autant d'ailleurs que les sommes détournées à cet usage.
La part de ces petites combines ne devrait pas être négligeable ou négligée parce qu'impossible à quantifier. Ces multiples sources de revenus cumulées ont très certainement permis au curé peu regardant de Rennes-le-Château de vivre correctement mais elles ont impliqué un incroyable travail de gestion et de suivi qui dénote une puissante énergie malheureusement distraite de sa vocation initiale.

Christian Attard

Notes et sources :


(1) - voir sur ce site le texte du regretté Jean-Luc Robin

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