Hercule et les bergers royaux | ||||
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Les Bergers d'Arcadie - Nicolas Poussin | ||||
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Vouloir
plaquer une méthode d'analyse contemporaine sur le plus célèbre des
tableaux de Nicolas Poussin (1594-1665) est très certainement une erreur. Ainsi,
persister à croire que le peintre, ou plus tard ceux qui firent
l'acquisition supposée de cette oeuvre, la nommèrent ou la connurent
sous le titre des "Bergers d'Arcadie" est faux puisque le tout
premier admirateur et biographe du peintre Giovanni Pietro Bellori (1) ne
connut cette toile que sous le nom de "La félicité sujette à la
mort". | ||||
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"C’est
ainsi qu’Hercule, héros de la puissance de l’éloquence – c’est
la première qualité de l’Hercule Gaulois au XVIe siècle, qui sera
réduite ou abandonnée dans les représentations du XVIe siècle, en
particulier pour la figuration des chaînes d’or qui sortent de sa
bouche et enchantent les peuples –, de la prudence, de la clémence et
de la sagesse, héros civilisateur, fondateur des cultes, médiateur,
fils d’Osiris en Gaule, grand acteur de l’abolition des coutumes
sauvages, promoteur de la sécurité grâce à sa vaillance et à son
don pour mener la guerre héroïque, représentant en outre de la
justice et des lois instituées, enfin fondateur légendaire de la
lignée de Navarre, est la figure la plus commode et la plus aisément
reconnaissable. C’est une tradition des entrées royales, depuis le
XVe siècle, que de figurer le demi-dieu, aussi bien pour illustrer
François Ier que pour soutenir Henri II de Bourbon, et c’est à
partir de cette tradition que l’image du roi en Hercule devient
prédominante durant les règnes d’Henri IV et Louis XIII." | |||
Hercule
protecteur des arts sous Louis XIV |
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Le
peintre Charles Errard, l'un des fondateurs de l'Académie royale de
peinture et de sculpture et un proche de Nicolas Poussin ne s'y
est d'ailleurs pas trompé lorsqu'il représente Hercule barbu en protecteur
des arts sous le buste du jeune souverain Louis vers 1647-48. | ||||
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Le roi de Sumer et d'Akkad, Šulgi d'Ur (2094-2047 av. JC) musée du Louvre | ||||
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Si tel était le cas qui serait alors cette autre personne qui pose la
main sur l'épaule du jeune souverain en un geste d'amitié et de soutien
? | ||||
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La félicité de Gentileschi (à gauche) et celle de Poussin ?? Une étrange concordance de couleur vestimentaire ! | ||||
Fort bien nous dirons les suspicieux mais Marie de Médicis n'est quand même pas Anne d'Autriche ! Mais ce serait ne pas vouloir voir le tableau que réalisa Jean Dubois (1604-1676) peintre et valet de chambre de Louis XIV . Ce tableau fut non seulement possession de la couronne royale mais décorait la chambre d'Anne d'Autriche au château de Fontainebleau dès 1642, comme "Les bergers d'Arcadie" ne quittèrent pas celle du Roi-soleil. Le voici : | ||||
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Et
il a pour titre ... "La
félicité, dit autrefois portrait de la reine Anne d'Autriche"
, toujours selon la
très sérieuse notice du Louvre ! | |||
"La
félicité, dit autrefois portrait de la reine Anne d'Autriche" |
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Cette
lecture possible reste une simple hypothèse posée à la réflexion de
mes lecteurs, cependant après la mort de Louis XIII de nombreux grands du
royaume commandèrent des tableaux à Nicolas Poussin revenu à Rome écœuré
des mesquineries et vulgarités de l'entourage artistique du souverain.
Ainsi Colbert commande-t-il plus tard au nom de Louis XIV plusieurs tableaux au
peintre désormais romain, peintre ordinaire du roi Louis XIII, il n'est
pas irréaliste de croire que l'entourage de la régente ait pu continuer
à faire travailler le grand Nicolas Poussin. Cette
nouvelle approche fera sourire nos doctes conservateurs et spécialistes,
elle disqualifie bien sûr toute intervention irréaliste de codage et
encore bien d'avantage tout ancrage du décor de cette "félicité" dans le
sud de la France. | ||||
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M. Desjardins semble rejoindre
alors notre analyse, le tableau, selon lui aurait été peint en 1653 pour
Louis XIV !
En 1653, Louis né le 5 septembre 1638 avait 15 ans. En pleine mode pastorale et alors qu'il n'était pas inhabituel que les plus puissants se fassent représenter en humbles bergers cela ne me semble aucunement irréaliste. Je pencherai cependant plus volontiers pour une oeuvre hommage à la famille royale et à Anne d'Autriche. Voilà qui pourrait expliquer alors l'attachement du roi à ce tableau exécuté par l'un des plus grands peintres de son temps et rappel des vicissitudes que sa mère eut à traverser pour lui assurer son règne, rappel aussi de toute impermanence de nos agitations, fussent-elles royales. Christian Attard | ||||
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Notes
et sources : (1) - dans "Vite de pittori , scultori y architetti moderni" dédicacé à Colbert - Rome 1672 -Vita de Niccolo Pussino d'Andeli Francese - Pittore. Voir aussi "Entretiens sur les vies et sur les ouvrages des plus excellens peintres anciens et modernes ; augmentée des Conférences de l'Académie royale de peinture & de sculpture. avec La vie des architectes . Tome 4 / par Félibien (1619-1695). Bellori et Félibien étant les deux seuls biographes contemporains du peintre et l'ayant bien connu. (2) voir ici son article en entier : http://cour-de-france.fr/article268.html (3) - D'aucuns ont vu en ce personnage la constellation du bouvier, toujours représentée le pied sur un roc. Cela n'est pas incompatible avec l'idée d'un Hermès arcadien et voleur des bœufs d'Appollon. (4) - "Poussin" - Éditions Henri Laurens – 1931 | ||||
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