L'ex-Vierge de Bruniquel





Les châteaux de Bruniquel
(
source wikipédia - document libre)






Situé sur un des multiples chemins du pèlerinage de Saint-Jacques de Compostelle, le village de Bruniquel fascine ses visiteurs. Perché sur un roc surplombant l'Aveyron, son château tutoie le ciel de ce fier Quercy, fief de Beaudoin de Toulouse (1165-12414), le frère malheureux de Raymond VI, comte de Toulouse.





Le clocher-mur de l'église
et sa nef.

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Photos IVP-QUERCY Carole Stadnicki, (c) IVP-Quercy 2006.)

La légende assure que c'est la reine mérovingienne Brunehilde (ou Brunehaut) (547-613) qui fit bâtir ce château au VIè siècle. Sous ses ailes s'est blotti à flanc de pierrailles le superbe village médiéval. 

Et c'est tout en bas, que fut construite l'église de Notre Dame de l'Assomption dans la première moitié du XIV
è siècle. Mise à mal lors des guerres de religion, l'église actuelle fut bâtie entre 1635 et 1649, période ou tout comme à Rennes-le-Château ou à Coustaussa mais aussi en bien d'autres lieux de nos régions, furent restaurés ces bâtiments dévastés par la folie des hommes. Le beau clocher-mur à la toulousaine ne fut lui érigée qu'en 1814.

L'intérieur de l'église est fort sombre et pauvrement décoré, les ravages post Vatican II sont aussi passés ici. Faisant face au visiteur à son entrée, un tableau défraîchi représente un évêque portant un livre, très certainement un des pères de l'église qu'il est bien difficile de reconnaître avec certitude.





Il semble toutefois que des lettres, tout comme à Notre Dame de Marceille, figurent au-dessus du regard de cet évêque au livre. Peut-être est-ce aussi Saint Augustin entendant les célèbres mots qui ébranlèrent son cœur et déclenchèrent sa conversion  « Tolle ! Lege »...
Mais un peu plus loin, un autre tableau arrête notre regard, il représente une traditionnelle crucifixion. En très mauvaise état lui aussi, mais encadré toutefois. 
Je me suis autorisé la "restauration" ci-dessous aussi maladroite que virtuelle mais qui nous permettra de mieux en discerner les détails.

Aux pieds du Christ agonisant, agenouillée, les cheveux découverts, la Madeleine pleure celui auquel elle fut tant attachée et si aucune auréole ne sanctifie sa présence, sa ferveur, son amour douloureux sont tout aussi perceptibles que ceux de la mère du Christ. 
Marie est elle aussi, traditionnellement sur ce tableau, placée à la droite du Sauveur, rendant d'autant plus reconnaissable saint Jean l'évangéliste à sa gauche. Jean fut son plus jeune disciple celui à qui sur la croix, il vient de confier sa mère.
Tout serait donc de tradition ici, si ce n'était un détail pourtant extrêmement troublant, extrêmement dérangeant qui à lui seul aurait du faire disparaître ce tableau dans un fond de grenier, oublié à jamais ou pire encore être enterré sans autre forme de procès.


Saint Augustin ?
(
Photo Christian Attard)





Car Marie y est représentée très visiblement enceinte !

On aurait pu croire comme ce fut souvent le cas que les deux figures représentées ici en pied ne soient pas Jean et Marie mais les auréoles nous ôtent ce doute, il s'agit bien d'eux et Marie est bien enceinte.
Jamais, à ma connaissance, elle ne fut peinte ainsi. 

Si nous ne quittons pas les textes des évangiles, elle devait de toute façon être déjà en âge bien avancé lors du supplice de son fils. Mais surtout, l'on constate dans les textes (Évangiles et Actes des apôtres) que lorsque Jésus commence sa vie publique, Joseph n'est jamais cité. Marie vit donc seule le martyre de son Fils sur le Golgotha. 
Les exégètes de l'Église tiennent en conséquence pour avéré que le chef de la Sainte Famille est décédé avant le début du ministère de Jésus en Galilée. 
Alors si tel est le cas, pourquoi ce peintre a t-il tenu à représenter ainsi et contre toute raison la Vierge éternelle... enceinte ?





La crucifixion
(
Photo Christian Attard)




Est-ce une sorte de vision symbolique rappelant la naissance par la seule intervention divine de celui qui meurt par la seule volonté des hommes sur cette croix ? Le raccourci serait bien audacieux et fort maladroit. On se perd donc en conjectures.
L'intention était-elle, et cela en contradiction avec le dogme catholique, de nous indiquer que Jésus eut bien des frères et des sœurs ?

Nous savons la longue et vaine polémique qui ne cesse aujourd'hui encore d'opposer traducteurs et exégètes à propos du terme de "frères" employé par Luc ou Matthieu, Chapitre 13, verset 55 :

- N'est-ce pas le fils du charpentier ? n'est-ce pas Marie qui est sa mère ? Jacques, Joseph, Simon et Jude, ne sont-ils pas ses frères ?
et ses sœurs ne sont-elles pas toutes parmi nous? D'où lui viennent donc toutes ces choses ?

le mot employé dans les seules traductions grecques qui nous soient parvenues est adelphos qui signifie bien frères et non cousins : anepsios ou parents. L'église catholique prétend qu'il s'agit d'une erreur de transcription. A cela s'opposent deux arguments ; nous ne sommes pas sûrs qu'un texte original en araméen ait existé et les communautés juives de langues grecques maîtrisaient suffisamment le grec pour faire la nuance.

Pourquoi parlerait-on de cousins à propos de Jacques, Joseph, Simon et Jude alors que le rédacteur vient précisément de nommer par ordre hiérarchique leur père et mère directs et non l'oncle ou la tante du Christ ?

Si Épiphane de Salamine considérait que Joseph avait déjà eu des enfants d'un premier mariage, les protestants selon la théorie d'Helvidius acceptèrent l'idée que Marie ait pu avoir des enfants après son premier né Jésus. 

Mais,  il est cependant impossible de ne pas citer Matthieu, Marc ou Luc qui désignent Marie de Clopas (Clopas ayant été frère de Joseph) comme mère de Jacques et de Joseph ou Joses. Simon et Jude étant désignés par ailleurs comme étant leurs frères. Nous aurions bien alors quatre cousins et non quatre frères de Jésus !
A cela près qu'il faudrait encore faire la distinction entre Jacques dit le Juste, frère de Jésus selon Paul et Flavius Josèphe et les Jacques majeur et mineur, évoqués par les évangélistes !!

Comme on le voit, les différentes traditions se contredisent et rien n'est bien clair. La virginité perpétuelle de Marie étant en jeu depuis Saint Jérôme (340-420) la question était suffisamment grave pour ne pas tolérer l'équivoque qu'expose avec naïveté ce tableau pourtant laissé in situ !
Son auteur, ses commanditaires ont-ils voulu nous faire comprendre que Jésus eut véritablement des frères dépositaires de son enseignement et spoliés par Rome comme semble l'indiquer certains nouveaux historiens ?
Quoiqu'il en soit Jacques le Juste qui fut désigné comme le frère du Christ fut bien le chef du groupe de ses disciples avant d'être lui aussi mis à mort par les membres du Sanhédrin à Jérusalem.

Je ne saurai à moi seul résoudre une aussi troublante énigme aussi ne puis-je qu'apporter à votre connaissance cette étonnante représentation en espérant que vos messages nous éclaireront !

Christian Attard








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