Ascendance davidique ?




Faut-il... peut-on accorder une once de confiance aux récits et livres écrits par Gérard de Sède ? 

Sur cette question, les avis sont bien sûr partagés, mais on doit accorder à l'écrivain des sources le plus souvent très bien renseignées. 
Même si j'étais porté à prendre ses livres avec des pincettes, je dois dire qu'une énième visite de la Cathédrale Sainte Marie d'Auch dans le Gers m'a conduit à reconsidérer avec plus d'attention ses écrits et à comprendre une fois encore que les lieux de certaines "révélations" sont multiples. Cette série de réflexions sur une des plus belles et des plus méconnues cathédrales de France, je l'espère, vous en convaincra.



Dans le livre "La race fabuleuse" (1), c'est un certain marquis de B. qui joue les informateurs de Gérard de Sède, d'aucuns ont pensé fortement à Philippe de Chérisey alors que selon d'autres il s'agirait du grand maître d'une obédience à laquelle Paul Rouelle, auteur de la photo de couverture de l'ouvrage, ne serait pas totalement étranger. Allez savoir... Dans un domaine où règnent les manipulations les plus tordues et les plus stupides rien ne serait plus étonnant.

Dans cet ouvrage, Gérard de Sède tente de retracer les migrations des mérovingiens et l'origine des francs. Pour cela, il se réfère à Frégédaire, St Jérôme, Virgile... et pense retrouver le chemin de cette lignée porteuse d'un sang sacré, cette lignée de rois-prêtres.
Parmi leurs attributs, il note leur longue chevelure et leur caractère velu établissant un parallèle avec les rites sacerdotaux hébraïques et les nazir aux cheveux intacts. 
Il nous rappelle aussi leurs symboles : abeilles, crapauds et fleurs de lys. 

Mais revenons à Auch, le visiteur, même peu averti des symboles et clefs de lectures que recèle le sanctuaire, ne pourra que tomber en admiration devant les 18 somptueux vitraux du maître verrier Arnaud de Moles. Oeuvre de lumière et de verre, leur beauté nous coupe le souffle mais les stalles en bois sombre de la cathédrale ne leur sont en rien inférieures. L'ensemble est porteur de messages, de révélations et est placé sous la protection de la Vierge noire. L'inscription qui nous accueille au dessus du porche d'entrée est gravée sur un marbre noire en lettres d'or et signifie très étrangement : "A Marie la vierge qui doit enfanter Dieu".




Une première constatation simple s'impose ici, même si les intéressées elles-mêmes le soulignent rarement : il y a à Auch tout autant de femmes que d'hommes représentées sur vitraux, sculptures ou peintures ! Ce qui doit à mon sens être d'une extrême rareté dans le monde misogyne de notre chrétienté. Cette constatation pourrait nous laisser supposer que ce fut aussi une femme qui veilla tout particulièrement à l'agencement de cette splendide décoration, nous y reviendrons...

La chapelle du Saint-Sacrement présente trois vitraux surmontés d'immenses fleurs de lis. Le vitrail central étant celui de la crucifixion, il présente une scène qui a très bien pu inspirer le sculpteur du chemin de croix vendu à Bérenger Saunière par les établissements Giscard, personnages et pauses des mains compris.




La brochure de Raymond Montané (2) sur la cathédrale est peu loquace. Elle se contente de remarquer :

"Dans les ogives, les trois fleurs de lis, sur un fond bleu-ciel tout étoilé, sont une évocation du blason royal."
 
Celle de l'abbé Jacques Fauré (3) n'est guère plus explicite : 

"Les vitraux de cette chapelle s'organisent autour de Jésus en croix. Ils sont surmontés de monumentales fleurs de lys, paradoxal hommage à ce Jésus, roi crucifié et sacrifié. La fin du parcours nous apprendra que la croix est la voie royale vers la résurrection."

Voie royale bien à propos ici pour justifier l'incompris.
C'est alors Gérard de Sède, qui note avec justesse que le lys symbole marial n'a jamais été jaune mais blanc et que de toutes manières en héraldisme si on veut montrer le lis, on utilise le lis de jardin qui ne ressemble en rien à ce symbole royal stylisé. Pour lui ce "lys" est plutôt un iris, fleur des marais du Nord.







Le vitrail de la Crucifixion 
dans la Cathédrale 
Ste Marie à Auch



Un peu avant, Gérard de Sède nous indiquait que Clovis, à plusieurs reprises, était représenté soit portant sur sa cuirasse une blouse jaune parsemée de crapauds noirs, soit entouré d'étendards chargés de trois crapauds. Il nous rappelle aussi qu'une histoire de France éditée au XVIIe siècle aux Pays-Bas porte en frontispice un écu d'azur chargé de trois crapauds d'or et enfin que Nostradamus évoque très souvent dans ces centuries les rois mérovingiens sous le nom de crapauds ! 

Ce lys est donc pour lui l'ancien crapaud des rois mérovingiens remplacé au moment du baptême de Clovis par l'emblème que nous connaissons aujourd'hui aux rois de France. Mais cette version est loin de faire l'unanimité tant nos historiens semblent ignorer la véritable origine du symbole.
En suivant donc le fil de ses réflexions, l'auteur associe l'iris jaune au crapaud mérovingien, symbole dans son livre, de cette antique lignée sacerdotale d'origine juive d'où descendraient les rois de France.


La Crucifixion du chemin de Croix 
de l'église de Rennes-le-Château


Ce que fait aussi l'abbé Boudet dans "La vraie langue celtique" où dès les premières pages, il fait remonter le peuple des gaulois aux kimris, reprenant en cela des écrits plus anciens  comme "l'histoire des Gaulois" d'Amédée Thierry (4).




On peut supposer que tout cela au fond n'est qu'une espèce de para-histoire plus ou moins fantaisiste, non exempte d'arrières pensées royalistes et catholiques mais pourtant la Cathédrale d'Auch va bien étrangement nous conduire à reconsidérer ces jugements condescendants. Il suffit pour cela de se rendre dans le grand chœur pour y admirer les stalles de chêne du  XVIe siècle.

Plus de 1500 sculptures dont aucune n'est répétée deux fois ornent cet espace somptueux. A main gauche, on découvre de grandes figures bibliques dont la première est David reconnaissable à la harpe avec laquelle il s'accompagnait pour honorer son Dieu et danser devant l'Arche d'Alliance.






David-François 1er 
dans le chœur de la Cathédrale

Les brochures à son propos ne nous disent rien si ce n'est qu'on pense que le roi François 1er est représenté ici sous les traits de l'élu du Dieu d'Israël. Indication précieuse pour percevoir le grand dessein de cette oeuvre de pierre, de bois et de verre qu'est la Cathédrale.
Il nous suffit maintenant d'observer ce que ce roi de France en qui s'incarne l'esprit même du fondateur de cette race "davidique" tend à nous montrer, son index droit pointe vers ses pieds. Et sous ses pieds, nous avons la surprise de découvrir un autre personnage couronné aux jambes de batracien ! 
Parfait résumé en deux figures sculptées de ce que Gérard de Sède s'est efforcé de nous démontrer. 



Le roi-crapaud 
sous l'effigie de David-François 1er


Il n'y a pas d'explication à cette représentation de roi-crapaud dans les ouvrages traitant de la cathédrale ou dans la Bible en référence à David, alors à chacun maintenant de se forger sa propre opinion et de mesurer l'ampleur des coïncidences qui d'un lys jaune surplombant le Christ à un David-roi de France surplombant un roi-crapaud  se calquent si bien sur les écrits délirants d'un Gérard de Sède en mal de sensationnel à bon compte.








Outre l'abbé Boudet, un autre personnage semblait lui aussi s'intéresser fortement aux mêmes concepts d'origine antique et juive du peuple gaulois, c'est notre bon Bérenger Saunière. Le petit musée installé dans ses anciennes propriétés présentait ses oeuvres sous vitrine et on pouvait y admirer ceci :








Bien sur, l'homme s'est montré publiquement royaliste, mais ce thème diversement décliné est bien trop présent dans l'énigme des deux Rennes pour ne pas être aussi largement pris en considération.

Christian Attard






Notes et sources :

(1) -Gérard de Sède - La race fabuleuse - extra-terrestres et mythologie mérovingienne - Éditions J'ai Lu - L'aventure mystérieuse 
(2) - Raymond Montané - Stalles et vitraux de la Cathédrale d'Auch - 1996
(3) - Abbé Jacques Fauré -La cathédrale d'Auch - Éditions sud-Ouest
(4) - Amédée Thierry - Histoire des Gaulois en trois volumes - 1828-1845



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