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Echelle des philosophes


L'Alchimie selon Fulcanelli.  Détail d'un sculpture de Notre-Dame de Paris.






On a tellement écrit et on écrit tellement toujours sur le mystérieux Fulcanelli que les hypothèses pour percer l'identité de l'auteur du "Mystère des cathédrales" ou des "Demeures philosophales" surabondent. On convient ordinairement de croire que ce Fulcanelli a été l'auteur de ces deux ouvrages, il n'en est rien selon moi. Ou plutôt, pour être plus clair, le nom générique commun de Fulcanelli couvre en effet l'écriture de ces deux livres mais l'auteur du texte, selon moi, n'est pas le même.

On doit alors essayer de distinguer qui a rédigé "Les demeures philosophales" et qui a écrit  "Le mystère des cathédrales".




Le mystère des cathédrales
(1)

En 1987, André Vandenbroeck publia
chez Lindisfarme Press :
"Al-Kemi, A memoir", un ouvrage non encore traduit sur l'hermétiste René Schwaller de Lubicz. M. Vanderbroeck connut bien Schwaller de Lubicz (1887-1961) pour l'avoir longuement fréquenté. Voici ce qu'il retranscrit pages 152-153 :

« il faut se souvenir que quand je dis Fulcanelli, j’entends aussi par là tout un groupe de littérateurs et de souffleurs : Canseliet, Dujols, Champagne, Boucher, Sauvage. Tous il donnèrent forme à l’œuvre de Fulcanelli. »


d

Le mystère des cathédrales

Dans « La quête alchimique de René Schwaller de Lubicz » présenté par Emmanuel Dufour-Kowalski chez Arché en 2006, voici ce que l'auteur écrit pages 43-44 :

« René Schwaller jette sur le papier vers 1915 quelques notes concernant les phases symboliques dans le processus du Grand œuvre qu’il voit alors signifié par les disques du portail Ouest de la Cathédrale Notre-Dame de Paris ; portail qui s’ouvre à tous les regards (à la différence du portail Sud). Ce premier jet dans le déchiffrement hermétique de la cathédrale, qui créera une nouvelle émulation pour les recherches alchimiques en laboratoires, est communiqué par hasard à la Closerie des Lilas, à Julien Champagne.
Le manuscrit complété par ce dernier, va prendre la forme d’un livre : « Le mystère des Cathédrales » publié en 1926 chez Schemit, au grand étonnement de l’auteur qui avouera quelques années plus tard que, pour le coup, « Champagne l’aura eu pour ses idées ».


Voilà qui semble clair !


Enfin, René Schwaller de lubicz ayant grandi à Strasbourg, n'était-il pas légitime que la première cathédrale évoquée dans « Le mystère des Cathédrales » soit justement celle de Strasbourg, et ce, à propos de la fête de l’âne ?







Pour "Les demeures Philosophales" (2)





Les demeures philosophales

Dans son "Hypotypose au Mutus liber" de Pierre Dujols (1862-1926), la première phrase dit :

« ce titre bien qu’il y paraisse n’a pas la moindre prétention. Il est tout à fait convenable et génuine au sujet »

Le mot "génuine" est un latinisme de genuinus au sens de véritable, exacte. C’est un terme extrêmement peu usité, à tel point qu’aujourd’hui, il ne figure même plus dans notre dictionnaire.
Même en 1926-30, on ne trouvait pas ce mot dans les publications françaises.

Or, on trouve page 244 des « Demeures philosophales » :

« Avec leur texte confus émaillé d’expressions cabalistiques, les livres restent la cause efficiente et génuine de la méprise grossière que nous signalons »

Et encore page 267 :

« C’est que l’alchimie dans son patient travail doit être le scrupuleux imitateur de la nature, le singe de la création, suivant l’expression génuine de plusieurs maîtres. »

Ce mot par l'extrême rareté de son utilisation est une véritable signature qui authentifie Pierre Dujols comme le véritable auteur des "Demeures philosophales".







Mais, Pierre Dujols avait d’autres expressions très personnelles comme : « De ce chef ».

A nouveau dans "L’hypotypose" :

« Il s’est formé autour du mutus liber une légende absurde. Une école qui n’a d’hermétique que le nom a fait à cet ouvrage un réputation d’obscurité impénétrable et, de ce chef, le vénère…

Dans "Les demeures" :

« De sorte qu’une langue quelconque reste toujours susceptible de le véhiculer, de l’incorporer et, conséquemment de devenir cabalistique par la double acceptation qu’elle prend de ce chef ».

Une autre de ses allégories favorites était le fameux manteau du philosophe.

Dans "L’hypotypose" :

En épinglant ces quelques pages de commentaires aux planches allégoriques du Mutus liber, nous nous sommes proposés sans quitter le manteau du philosophe, d’en faciliter la lecture… »

Dans "Les demeures" :

« Nous savons ce qu’il en coûte pour troquer les diplômes, les sceaux et les parchemins contre « l’humble manteau du philosophe ».
« On peut voir au portail occidental de la cathédrale de Chartres, une très belle statue du XIIè siècle… C’est un grand vieillard…drapé dans l’ample manteau du philosophe. ./.. …quatre d’entre elles portent le manteau du philosophe. »

Cette allégorie du manteau est souvent utilisée par Dujols dans ses notices : « La Franc-maçonnerie enveloppée dans le manteau des emblèmes ». par exemple.

Enfin M. Coton-Alvart écrit à ce propos : « Je ne comprends pas la publication des livres de Fulcanelli, en effet mon ami Pierre Dujols m’avait fait lire ses manuscrits et les a passés à quelqu’un d’autre qui les a publiés sous le nom de Fulcanelli… »

MM. Coton-Alvart et Scwhaller de Lubicz avaient tous les deux raison et je ne peux à aucun moment les suspecter de mensonges car ils furent bien plus brillants et savants que ne le furent jamais Canseliet ou Champagne. L’un évoquait les Demeures philosophales et l’autre le Mystère des cathédrales.

Je préfère ne pas savoir dans quelle condition M. Champagne publia réellement ses deux textes…

Christian Attard




Sources :


(1) Le Mystère des Cathédrales et l’interprétation ésotérique des symboles hermétiques du Grand-Œuvre. Préface de E. Canseliet, F. C. H. Ouvrage illustré de 36 planches d'après les dessins de Julien Champagne, Paris, Jean Schemit, 1926, in-8, 150 p. Dernière réédition : Société nouvelle des Éditions Pauvert, Paris, 2002, 250 p.
(2) Les Demeures philosophales et le Symbolisme hermétique dans ses rapports avec l'art sacré et l'ésotérisme du grand-œuvre. Préface de Eugène Canseliet, F. C. H. Ouvrage illustré de 40 planches, d'après les dessins de Julien Champagne Paris, Jean Schemit, libr., 1930. In-8, 351 p.. Dernière réédition : Société nouvelle des Éditions Pauvert, Paris, 2001, 2 volumes (470 et 390 p.).




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