Champagne pour Fulcanelli !





Détail du Frontispice du "Mystère des cathédrales" de Fulcanelli (1926), dessin signé Julien Champagne






Dans son remarquable "Fulcanelli dévoilé", Geneviève Dubois évoque mystérieusement L'abbé Boudet, Notre Dame de Marceille et St Vincent de Paul (1). Selon l'éditrice du Mercure Dauphinois, le Saint homme n'aurait pas séjourné à Marseille mais à Notre Dame de Marceille ; Quant à Fulcanelli, il serait passé à Limoux en compagnie d'Eugène Canseliet, son disciple pour y étudier le sanctuaire.


d


L'écu de Fulcanelli
(
source édition originale du "Mystère des cathédrales")

Mais qui fut donc ce Fulcanelli, auteur de deux ouvrages érudits (2) qui n'ont cessé d'être cités en référence de la pensée alchimique contemporaine. Les hypothèses sont innombrables, on a évoqué Jean Julien Champagne, l'illustrateur des ouvrages, Eugène Canseliet, Camille Flammarion, l'écrivain Rosny-Aîné, Pierre Dujols, René Schwaller de Lubicz, Jules Violle, Alphonse Jobert... Et l'on se fixe aujourd'hui sur l'ingénieur Paul Decoeur.

"Le Mystère des cathédrales" se finit sur l'écu ci-contre. Ce qui l'a fait malicieusement nommer : "l'écu final", anagramme presque parfaite de Fulcanelli. En dehors de ce clin d'œil humoristique, cette figure a pourtant beaucoup à nous dire et révèle bien des éléments sur l'auteur présumé de l'ouvrage mais aussi sur sa science hermétique.

Là encore, les interprétations ont été nombreuses, on a ainsi parlé du blason de la famille de Lesseps avec lequel pourtant celui-ci n' a strictement rien à voir  (3); mais une lecture classique de ce blason est des plus claires. Eugène Canseliet nous le décrit ainsi : 

"Sur champ de gueules, cette céréale /un épi de blé/ surmontant l'hippocampe, tous deux d'or et issant de champagne (4) de même."

Ou encore : "de gueules, au champagne d'or, à un hippocampe d'argent, posé en pal et brochant...". selon Robert Ambelain,  en 1962 dans Les Cahiers de La Tour Saint-Jacques.






Notons que le concepteur du blason ne semble pourtant pas avoir de grandes connaissances en terme d'héraldisme puisque jamais deux métaux ne doivent figurer l'un sur l'autre. Les métaux étant l'argent et l'or. Ici donc l'hippocampe d'argent n'aurait pas du être sur la champagne d'or. Car en effet, le tiers inférieur de l'écu porte le nom révélateur ici de "champagne". Voilà notre première allusion claire à son propriétaire. A moins qu'au contraire, il ait voulu insister sur l'or et l'argent ...




Mais ce ne sera pas et loin de là, la seule allusion au patronyme de Jean Julien Champagne (1877-1932) car le phylactère placé au-dessous de l'écu nous indique par trois mots latins qui nous font encore revenir au peintre-illustrateur.
UBER signifiant riche en latin
CAMPA on ne sait pas exactement à quelle référence latine il peut renvoyer !
et AGNA = l'épi toujours en latin
Et si nous revenons à l'écu lui-même, en effet un épi se trouve bien au-dessus de la tête de notre hippocampe.



La champagne est toujours aujourd'hui la plus "UBER" (riche) plaine de France. Les étymologies du mot Champagne évoquent cette notion de plaine ou campagnia en latin, on nommait ainsi vers le Xe siècle campania remensis, la plaine de Reims. La notion de champ ou campus en latin, riche en épis de blés (agna) pourrait fort bien avoir conduit au terme générique de campa agnia = plaine propre à la culture des céréales ; ce qu'est au fond de toute mémoire la Champagne. Nous n'en sortons pas ! 
Voilà donc une seconde allusion claire au nom de Champagne.
Mais le mot Uber rappelle encore fort astucieusement le second prénom du père de Jean Julien Champagne : Hubert. C'est aussi ce prénom que ses amis et sa famille donnaient plus usuellement à Jean Julien et qui figure sur l'acte de décès de l'artiste.

Mais que peut alors signifier cet étrange hippocampe sur fond d'or, en dehors pour l'instant de toute interprétation alchimique ? 

Il nous apporte une troisième confirmation du patronyme si peu caché du signataire des "Mystères des cathédrales". Car qu'est un hippocampe sinon un cheval de mer ! Et d'ailleurs d'où peut venir ce "campe" d'hippo (cheval) si ce n'est du Campus latin qui signifie précisément : cheval de mer !
Nous avons donc en lecture à partir du bas de cet écu : campus (le cheval de mer) Agna (l'épi) -campus agna- troisième allusion au nom de Champagne.


Jean Julien Champagne (1877-1932)
Aquarelle de E. Canseliet






Ces trois rappels clairs feraient vraiment beaucoup si l'on voulait n'y voir que des coïncidences !

On peut vraiment constater que Jean Julien Champagne a usé de tous les artifices que pouvaient lui offrir la cabale phonétique, le jeu sur les mots et les sens latins ou français.
On ne peut imaginer que ce blason posé en point final de l'ouvrage ne soit qu'un hommage à l'illustrateur seul du "Mystère des Cathédrales". Ce serait outrecuidant et déplacé. On ne peut, de la même façon imaginer, qu'Eugène Canseliet, homme assez fin n'ait pas compris que ce même blason était celui de Jean Julien Champagne.

A partir de ces divers constats d'autres déductions s'enchaînent qu'il vaut peut-être mieux oublier pour la paix de leur âme.

Christian Attard




Sources :

Merci à l'auteur de l'excellent site sur Julien Champagne : http://www.archerjulienchampagne.com/

(1) Fulcanelli dévoilé - Geneviève Dubois - Dervy 1996 pages 85-86

(2) Le Mystère des Cathédrales et l’interprétation ésotérique des symboles hermétiques du Grand-Œuvre. Préface de E. Canseliet, F. C. H. Ouvrage illustré de 36 planches d'après les dessins de Julien Champagne, Paris, Jean Schemit, 1926, in-8, 150 p. Dernière réédition : Société nouvelle des Éditions Pauvert, Paris, 2002, 250 p.
Les Demeures philosophales et le Symbolisme hermétique dans ses rapports avec l'art sacré et l'ésotérisme du grand-œuvre. Préface de Eugène Canseliet, F. C. H. Ouvrage illustré de 40 planches, d'après les dessins de Julien Champagne Paris, Jean Schemit, libr., 1930. In-8, 351 p.. Dernière réédition : Société nouvelle des Éditions Pauvert, Paris, 2001, 2 volumes (470 et 390 p.).

(3) Voir sur ce site ces armoiries http://pylrf.free.fr/geneal/bayonne/index.htm




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