L'ombre du Temple

Le cartulaire de Douzens fut étudié et partiellement publié par le marquis d'Albon dès 1913


A en croire les historiens du sanctuaire limouxin, les premières mentions du lieu qui aujourd'hui porte le nom de Marceille, près de Limoux ne remontent qu'au XIIIème siècle. Pourtant il existe une trace bien plus ancienne de cet endroit et la date de 1277 traditionnellement remontée d'un acte du monastère de Prouille peut, je le pense, être rafraîchie de près de 140 ans.

Extrait de l'opuscule de Gilles Semenou sur Notre Dame de Marceille (1)

Il est bien étonnant d'ailleurs qu'aucun historien n'ait mentionné cela puisque beaucoup se sont intéressés au cartulaire de Douzens (Aude) ! 
Le cartulaire de Douzens est en fait composé de trois parties nommées cartulaire A, B, C et il est conservé aux Archives départementales de la Haute-Garonne depuis 1813. Ces actes furent possession de l'ordre de Malte qui "hérita" à la dissolution de l'ordre du Temple d'une grande partie de ses biens.
Le cartulaire A qui nous intéresse ici fut étudié dès 1881 par l'érudit Antoine Du Bourg (2).
Ainsi le document référencé ch200-145 recto/verso nous présente-t-il un certain Guirallus (Guiraud) de Marcellano et ses frères Arnauld et Raymond, leurs sœurs Aixa et Ermessende. Non seulement le terme de Marcellano apparaît bien dès 1138 sur ce document, mais il y est aussi précisé que le lieu de leur seigneurie est bien Marcellano, qualifié du terme de terminium. Ce terminium étant un territoire d'influence seigneuriale essentiellement au niveau des diverses taxes perçues.

La précision supplémentaire de Sancte Marie de Marcellano lève tout doute sur la localisation exacte de ce territoire d'autant que le témoin de ce don de terre est un certain Udalgerius de Punciano, l'ancien Castrum Pincianum est aujourd'hui le village de Pieusse, proche voisin de Notre Dame de Marseille.
Par contre, le lieu précis de ces dons peut laisser interrogateur car il a pour nom "Celatam" qui signifie cachée, tenue secrète !
Les deux autres témoins Messieurs Bernard et Arnauld de Villeneuve (Villa nova) ne sont pas inintéressants non plus sachant qu'un siècle plus tard vivra dans la même région le plus érudit des alchimistes de son temps un certain Arnauld de Villeneuve !
Les bénéficiaires de ces dons, car Saixa et son époux donnent aussi une terre sur le lieu-dit de Celatam, sont rapportés comme étant Ermessende (née Marcellano) et Raymond de Saint Martin son époux.
A leur tour, ces derniers par l'acte suivant feront don de ces mêmes terres à la sainte milice du Temple de Salomon de Jérusalem ! 
Nous apprenons aussi par cet acte l'information supplémentaire de la présence de moulins sur l'Aude et sur le territoire de Marceille.

Le 25 mai 1138, ces mêmes personnes par un autre acte donnent au Temple un manse (une ferme et ses terres), un colombier et une vigne qu'ils possédaient sur le territoire de Pieusse.

Il semble donc parfaitement acquis par l'ensemble de ces actes que les templiers possédèrent de nombreuses parcelles de terres sur les territoires de Marceille et de Pieusse dont un lieu mystérieusement nommé "Celatam" !

Ces dons dénotent une forte sympathie pour le mouvement templier qui n'est pourtant pas encore officialisé par le Saint Père (en mars 1139). 
Nombre de ces dons se firent aussi avec l'entrée des donateurs dans les rangs de la toute nouvelle milice qui allait s'illustrer sur les terres d'Orient et il est très possible que la dynastie masculine des Marcellano se fit templière à la toute première heure.

Voilà en tout cas qui devrait nous inciter à lire peut-être d'un autre "oeil" que maçonnique (3) le texte de Joseph Théodore Lasserre  sur "l'Histoire du pèlerinage de Notre dame de Marceille". Le mot "temple" qu'il utilise tant de fois dans ses descriptions du sanctuaire n'étant pas sans rappeler ceux à qui furent données autrefois tant de terres dans cette zone si mystérieuse.
Avec le recul de cette étude, il parait également fort étonnant que tant d'historiens patentés aient ignoré les mentions de ces cartulaires pourtant connus et étudiés dès 1880. Comment comprendre un tel "oubli" si préjudiciable à l'histoire de Notre Dame de Marceille ?

Christian Attard

Notes et sources :

(1) Gilles Semenou - Notre Dame de Marceille - Gabelle Carcassonne 1992 et 2001
(2) Antoine du Bourg - Ordre de Malte - Histoire du Grand Prieuré de Toulouse et des diverses possessions de l'ordre de St Jean de Jérusalem dans le sud-ouest de la France avec des pièces justificatives - Toulouse 1882 - Bibliothèque du Périgord.
(3) voir sur ce site l'interview de Daniel Dugès à propos de Notre Dame de Marceille.
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