A
propos du trigramme de Jésus : " IHS" (suite
et fin)
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"Sa
croix pectorale identique sur tous les portraits, est en argent et très
modeste.
D'un côté on a gravé, au trait, les figures suivantes :
1e
au centre, le chiffre IHS, surmonté de la croix archiépiscopale, ce
qui fait qu'elle avait été reçue comme souvenir d'un archevêque.
2e à l'extrémité de chaque bras, une larme.
3e Au pied de la croix, on voit un arbre et trois
clous.
De l'autre côté , on a gravé :
1e un cœur surmonté de la croix archiépiscopale.
2e
à droite et à gauche du cœur, les lettres M et A qui représentent les
deux premières lettres du nom de Marie.
3e trois larmes, et au bas un arbre sur un monticule.
L'intérieur est divisé en six compartiments où se trouvent les
reliques. Un anneau placé au sommet, complète cette croix pectorale
../.."
Vous pensez venir de lire la description de la croix pectorale que porte
Ste Jeanne de Chantal sur ce beau portrait où d'ailleurs, elle tient
elle-aussi un cœur enflammé portant mention d'un IHS conforme à sa
représentation au XVIIe siècle ?
Et pourtant, non !
Ce texte est de l'abbé Théodore Joseph Lasserrre (1) et
il décrit la même croix ou presque, comme étant celle de
Nicolas Pavillon, le saint évêque d'Alet !
Doit-on en déduire que Sainte Jeanne de Chantal fit du symbole
"IHS" sa marque ou sa signature, elle aussi ? Sûrement pas
!
Tout au plus peut-on supposer que cette croix pectorale était d'un
modèle commun aux deux admirateurs de François de Sales que furent
Nicolas Pavillon et Jeanne de Chantal.
Peut-être cette croix fut-elle donnée par le Saint évêque de Genève
à Jeanne de Chantal (1572-1641) ou par Saint Vincent de Paul, ami à la
fois de Jeanne et de Nicolas Pavillon.
La croix archiépiscopale tendrait cependant à nous faire penser
qu'elle fut offerte à Nicolas Pavillon lors de son sacre dans l'église
de St Lazare par l'archevêque de Paris, Jean-François de Gondi en
1639.
A cette date, Jeanne de Chantal possédait déjà la sienne depuis bien
longtemps et portait doublement le trigramme du nom de Jésus sur
ce portrait ornant les murs de l'ordre pour lequel elle se dévoua tant.
Ainsi, comme décrit dans la première partie de cette étude, nous
percevons bien que ce "nom de Jésus" était d'usage fréquent
avant Nicolas Pavillon et ne peut en aucun cas être assimilé à une
quelconque signature personnelle et encore moins janséniste !! |
Détail
d'un portrait de Ste Jeanne de Chantal
présent dans le monastère de la visitation d'Annecy |
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St
Nicolas dans l'église St André d'Alet
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Un
autre témoignage de l'emploi courant du nom de Jésus existe dans
l'église St André d'Alet en dehors de celui porté par la vieille
croix du cimetière. Sur un tableau représentant probablement St
Nicolas se retrouve le trigramme accompagné des deux lettres M et A,
premières lettres de MArie. L'association du chiffre de Jésus à Marie
est donc récurrente que ce soit par le symbole du cœur aux trois clous
ou par ces deux lettres.
La trop grande modestie de Nicolas Pavillon qui ne voulut pas même une
tapisserie pour orner sa chambre et ne la toléra qu'imposée par ses
proches (2), nous empêche de croire qu'il ait pu être le commanditaire
d'une tel tableau et encore moins qu'il y ait imposé son hypothétique
marque !
Si cette hypothèse d'une signature peinte ou gravée du prélat était
exacte, il serait d'ailleurs étonnant de ne pas la retrouver aussi dans
Alet. En effet, la ville épiscopale, selon l'hypothèse d'une remontée
le long de l'Aude d'un fabuleux trésor vers Notre-Dame de Marceille,
serait une ville jalon. Outre le fait que Notre Dame de Marceille ne fut
jamais une possession de l'évêché d'Alet, une observation vient aussi
contrarier nombre de raisonnements laissant à penser que notre digne
évêque fut dès 1645-46 fort riche et elle va rejoindre notre
attention aux IHS.
Les auteurs qui ont pu visiter la ville d'Alet du temps de Nicolas
Pavillon décrivent un lieu d'une grande pauvreté, une cathédrale
dévastée par les guerres de religion, des masures et un pont enjambant
l'Aude qui n'est qu'une mauvaise passerelle de bois comme on en
construisit tant. |
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Si notre évêque avait été si riche, on peut raisonnablement supposer
que c'est le premier ouvrage qu'il aurait du restaurer dès son trésor
monnayé. Point
de passage essentiel vers une cité enclavée par l'Aude, les
préoccupations économiques de Nicolas Pavillon pour son diocèse
auraient du logiquement l'y inciter. Ville fréquentée par de hauts et
puissants personnages (le prince de Conti y fit trois séjours
spirituels, François Fouquet y séjourna également), un édifice
plus sûr paraissait indispensable. Tout laisserait donc supposer que
c'est, dès le trésor trouvé, le premier ouvrage à mener... |
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La
première des trois arches du pont construit par Nicolas Pavillon pour
Alet
(Photo
Christian Attard) |
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Pourtant,
là encore, une simple observation à la portée de tout visiteur, nous
permet de constater qu'il n'en fut rien ! Ce n'est que très tardivement
en 1666 que ce fin pont de pierre aux trois arches élégantes et
solides fut lancé sur la rivière Aude.
A cette date, le diocèse d'Alet s'était enfin extrait (en 1660) de son
association financière pénalisante avec la ville de Limoux, plusieurs
procès gagnés sur des nobliaux voleurs et impies avaient permis
d'importantes restitutions financières, la gestion rigoureuse de l'évêché
était largement assainie par l'incessant travail de son évêque. |
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En clef
de voûte de cette première arche : la date de réalisation du pont
surmontée d'une simple croix.
(Photo
Christian Attard) |
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On
pourrait arguer d'une réparation ou d'une réfection plus tardive mais
cette date nous est confirmée par le témoignage écrit de Claude
Lancelot (2) qui voyageant avec Monsieur Loménie de Brienne à Alet
décrit en 1667 un pont de pierre à trois arches tout neuf !
Cette simple date, surmontée d'une croix tout aussi simple suffit à
nous faire comprendre que le soucieux et intelligent évêque ne disposa
jamais de fond suffisant à la réalisation d'un ouvrage indispensable
à sa ville avant 1666. Et là encore, il faut garder toute la raison
qu'impose la proportion fort modeste d'un pont qui n'est pas celui du
Gard ! Ce genre d'ouvrage n'est ni une exception régionale, ni une
rareté archéologique.
Enfin et pour revenir à notre marque personnelle, nous pouvons
constater aussi qu'il n'y a pas ici d'IHS, certes la construction est à
usage civil mais la croix y est bien présente. A elle seule, elle est
le rappel du martyre christique, sa présence aurait tout aussi bien pu
être remplacée par celle d'un IHS.
Le saint nom de Jésus devait en tout état de cause se voir réservé
à des oeuvres de pure piété comme c'est le cas d'une croix de
cimetière ou de chemin, du linteaux d'une église ou d'une porte d'accès à un
espace religieux.
Christian Attard - 3/10/2008 |
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Notes
et sources :
(1) - Abbé J.T Lasserre - Recherches sur la ville d'Alet et son ancien
diocèse - Carcassonne Éditeur Parer 1877. pages162-163
(2) - Claude Lancelot - Relation d'un voyage d'Aleth concernant les
mémoires pour servir l'histoire de la vie de messire Pavillon, évêque
d'Aleth-1667 |
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